Des musiciens craignent le mégaprojet de Quartier Molson: quel avenir pour la Cité 2000?


Andrea Lubeck
Un imposant projet immobilier qui s’installera sur le site de l’ancienne brasserie Molson, à Montréal, promet de construire un tout nouveau quartier dans un secteur laissé à l’abandon. Mais des musiciens qui jouent dans la Cité 2000, l’immeuble voisin, s’inquiètent de voir fermer leur lieu de pratique, alors que des institutions culturelles ont récemment souffert des plaintes pour le bruit.
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«On voit déjà ce problème se manifester depuis plusieurs années, causant entre autres la fermeture de La Tulipe, une salle de spectacles légendaire. Les craintes sont bien réelles quant à la Cité 2000», indique Antoine Trudel, un musicien détenteur d’un bail pour un studio de répétition.
Le bâtiment, dont U-Haul est propriétaire, compte 215 studios, en plus des espaces d’entreposage. C’est le plus important lieu de répétition à Montréal.
Plusieurs musiciens contactés par 24 heures s’inquiètent aussi pour l’avenir de la Cité 2000 après l’annonce du projet Quartier Molson. Entre le pont Jacques-Cartier à la rue Atateken, le projet inclura 5000 logements, des commerces, un hôtel, des bureaux et des espaces verts donnant accès au fleuve Saint-Laurent.

Le sort qu’a connu La Tulipe attend-il la Cité 2000 dans sept à dix ans, une fois la construction terminée?
«On ne voit pas de problèmes de cohabitation à ce point-ci», assure Frédérick Truchon-Gagnon, directrice des communications de Groupe Montoni, promoteur immobilier du projet.
«D’un point de vue business, je vois bien le potentiel. Le projet va amener du logement nécessaire, ça va complètement changer le coin, qui est très industriel, pour le rendre vivant et résidentiel», souligne pour sa part Steve Marcoux, président de la Boîte à musique, une entreprise de location de studios dans la Cité 2000 et une boutique.
«Mais du côté de la musique, si ça fait trop de bruit, est-ce que le voisinage va se plaindre? Est-ce que ça va pousser les artistes à aller ailleurs?»
Voisin du «cœur social»
Prévu là où se trouve l’actuelle tour Molson, l’îlot des Voltigeurs sera le «cœur social du quartier», explique Frédérick Truchon-Gagnon. Réunissant une partie des logements, des commerces, des bureaux et un hôtel, il sera le voisin immédiat de la Cité 2000, selon les plans présentés à la Ville.
Cette proximité avec la portion résidentielle du projet préoccupe les locataires de la Cité 2000.
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«S’il y a des plaintes pour le bruit, est-ce que U-Haul va investir pour insonoriser ou pour trouver une façon de régler le problème de son? Ça, je ne pense pas», appréhende Steve Marcoux.
«U-Haul est d’abord une entreprise de location de camions et d’entrepôts. Pour eux, ce serait plus simple de convertir les locaux de répétition en mini-entrepôts que de se battre contre les plaintes pour le bruit. Au final, ce sont encore les artistes qui vont encaisser le coup», renchérit Antoine Trudel.
Questionnée à ce sujet, l’entreprise n’a pas répondu aux questions de 24 heures.
Un lieu important de la scène underground
Bien plus qu’un lieu où les musiciens peuvent répéter, la Cité 2000 représente une plaque tournante de la scène underground de Montréal. Elle a accueilli de gros noms du milieu, dont Anonymous, Despised Icon et Voivod.
«Tous ceux qui ont fait de la musique — que ce soit de façon amatrice ou professionnellement — sont déjà passés dans les murs de la Cité 2000 pour y répéter, pour de l’entreposage ou comme point de rencontre», illustre Steve Marcoux.

La fermeture éventuelle de la Cité 2000 priverait la ville «d’une communauté, d’un lieu où faire des rencontres improbables, d’un milieu de vie», dit-il.
«Les musiciens sont des petites bêtes débrouillardes qui s’arrangent avec peu. Si la Cité 2000 n’avait pas été là, ça ne les aurait pas empêchés de jouer de la musique. Mais le fait que la Cité soit là a grandement facilité la chose», ajoute-t-il.
«Retirer la possibilité de répéter à la Cité 2000, c’est acculer les musiciens au pied du mur et, au bout du compte, ça va avoir des conséquences sur la vie culturelle à Montréal. Il va y avoir moins d’artistes, moins de spectacles [...] ça va faire baisser la qualité de vie dans une ville qui se veut la capitale culturelle du pays», prévient pour sa part Antoine Trudel.