Poursuite des policiers de la SQ de Val-d’Or: Radio-Canada n’a commis aucune faute
Le juge a rejeté la poursuite en diffamation intentée par 42 policiers


Camille Payant
Un reportage de Radio-Canada qui donnait la voix à des femmes autochtones affirmant avoir subi des abus par des policiers à Val-d’Or a été effectué dans les règles de l’art, a tranché un juge en rejetant une poursuite en diffamation de 3M$ intentée par des patrouilleurs.
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«Lorsqu’un policier de la SQ, en poste à Val-d’Or, agit dans son travail avec le public, il ne doit pas avoir l’épiderme trop sensible au risque de limiter indûment la liberté d’expression dans une société démocratique», a tranché le juge Babak Barin jeudi au palais de justice de Montréal.
Au terme de 40 jours de procès, le juge a rejeté la poursuite en diffamation intentée par 42 de la soixantaine de policiers qui travaillaient au poste de la Sûreté du Québec de Val-d’Or, en Abitibi-Témiscamingue, en 2016.
En octobre 2015, le reportage Abus de la SQ: des femmes brisent le silence avait été diffusé à l’émission Enquête, sur les ondes du télédiffuseur public.
Des femmes autochtones de Val-d’Or y affirmaient avoir été victimes de violences physiques et sexuelles de policiers. Aucun policier n’avait été identifié publiquement dans ce reportage.
Cela avait mené à la création de la commission Viens sur les relations entre Autochtones et services publics. Aucune accusation criminelle n’avait toutefois finalement été déposée dans ces dossiers.
Travail colossal
Selon le juge Barin, Radio-Canada et la journaliste Josée Dupuis «n’ont commis aucune faute journalistique». Il a qualifié le travail effectué de «colossal», «consciencieux, rigoureux et sérieux».
«Le reportage, bien qu’imparfait à certains regards selon les demandeurs — à mon avis aucun reportage d’enquête ne peut atteindre la perfection — respecte le fragile équilibre entre le droit à la liberté d’expression et la protection de la réputation», a précisé le magistrat.
Au procès, ces policiers ont témoigné avoir fait l’objet d’insultes quotidiennes de la part de la population. Ils se seraient fait traiter de «batteurs de femmes», en plus d’être accueillis par des doigts d’honneur lorsqu’ils patrouillaient.
«Ma perception, c’est que j’étais vu comme un abuseur sexuel et non comme un policier. Combien de fois on m’a dit que j’étais un violeur... On avait peur pour notre sécurité, c’était rendu dangereux de travailler à Val-d’Or», avait par exemple témoigné l’agent Maxim Baril.
Le juge Barin a toutefois été particulièrement dur envers les policiers, mentionnant notamment qu’ils avaient «fait preuve d’une sensibilité immodérée».
«Il est difficile pour moi de croire qu’ils puissent avoir les nerfs et la sensibilité si à fleur de peau, l’épiderme si sensible et que le reportage ait pu les bouleverser autant qu’ils l’ont prétendu dans leurs témoignages», a-t-il laissé tomber.
La Sûreté du Québec n’a jamais pris part à ces procédures judiciaires.
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