Policiers de Val-d’Or c. Radio-Canada: charge frontale contre la société d’État
Le procès entre dans son dernier droit avec les plaidoiries finales des avocats


Michael Nguyen
Les policiers de Val-d’Or qui réclament 3 M$ en diffamation à Radio-Canada en lien avec un reportage-choc ont mené une charge frontale contre la société d’État, jeudi, en lui reprochant d’avoir accumulé des rumeurs pour ensuite les présenter comme des faits.
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«[Ne pas corroborer des informations] ce n’est pas mal faire son travail, c’est de ne pas faire son travail», a lancé Me Marco Gaggino, ce jeudi au palais de justice de Montréal.
L’avocat, qui représente 42 policiers de Val-d’Or, livrait ses plaidoiries finales au procès civil qui oppose ses clients à Radio-Canada, en lien avec un reportage de l’émission Enquête diffusé en 2015.
Intitulé Abus de la SQ: des femmes brisent le silence, la journaliste donnait la parole à des femmes autochtones de Val-d’Or, en Abitibi, qui affirmaient avoir été victimes de violences physiques et sexuelles de la part de policiers.
Cette enquête avait causé une onde de choc, contribuant à la création de la commission Viens sur les relations entre les Autochtones et les services publics.
Pas de vérifications
Or, plaident les policiers, les informations diffusées étaient fausses. Certes, il y avait des rumeurs sur le sujet, mais la journaliste aurait dû tenter de corroborer les informations recueillies.
«Si le reportage avait dit qu’il existait des rumeurs, on n’aurait aucun problème avec ça, mais ne dites pas que ce sont des faits», a plaidé Me Gaggino.
Quant aux prétentions de Radio-Canada voulant que le reportage ait été d’un intérêt public «incontestable», l’avocat a rétorqué que «la fin ne justifie pas les moyens».
«On ne peut pas utiliser l’intérêt public immense pour se dédouaner et écarter les normes journalistiques », a-t-il plaidé.
Plus tôt dans le procès, la journaliste avait affirmé avoir cru les femmes interviewées, car «elles ne disaient pas toutes la même chose» ou encore parce que «ce n’était pas dit sur un ton belliqueux».

Deux visions
Elle avait toutefois reconnu une erreur à propos d’une femme qui avait dit avoir été violée par un policier 20 ans plus tôt. Or, à cette époque, c’était la police municipale qui œuvrait à Val-d’Or.
«Pour moi, il y a eu transgression au principe d’exactitude [en journalisme], ç’a induit le public en erreur», avait témoigné l’expert en journalisme Marc-François Bernier, en reprochant du «sensationnalisme» de la part de Radio-Canada.

Un autre expert, retenu par la société d’État, avait défendu le reportage en louangeant la journaliste pour avoir réussi à créer un contact avec les femmes autochtones.
«C’est un exploit d’avoir réussi à les faire témoigner à visage découvert», avait témoigné l’expert Gilbert Lavoie.

Le procès civil, qui s’étire depuis trois mois, touche à sa fin. Une fois les plaidoiries des policiers terminées, ce sera au tour de Radio-Canada la semaine prochaine.
Le juge Babak Barin devrait ensuite prendre sa décision en délibéré.
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