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L'article provient de Le Journal de Montréal
Santé

Pourquoi notre radar émotionnel est-il si important?

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Photo portrait de Dr François Richer

Dr François Richer

2024-09-28T16:00:00Z
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Quand notre radar émotionnel est moins précis, lire les gens, se comprendre et s’entendre devient plus compliqué.

Un traumatisé qui ne ressent plus rien. Une personne autiste qui sent son corps réagir, mais ne peut décrire ses sentiments. Une personne déprimée qui ne reconnaît pas la détresse d’un proche. Notre capacité de reconnaître les émotions (notre conscience émotionnelle) est essentielle pour se comprendre soi-même et comprendre les autres.

Les myopes émotionnels

Plusieurs personnes ont de la difficulté à identifier leurs propres émotions et à deviner ou imaginer celles des autres. Une sorte de myopie émotionnelle appelée alexithymie. Souvent, elles savent qu’elles sont perturbées grâce à leurs sensations physiques, mais leurs sentiments sont flous et elles ont des difficultés à classer, nommer ou anticiper les émotions. Souvent, elles ne comprennent pas non plus les indices émotionnels des autres (voix, visage, thèmes abordés).

Au moins 10% de la population montre des signes d’alexithymie à des degrés divers. Pour plusieurs personnes sur le spectre de l’autisme, ces difficultés sont présentes dès un jeune âge. Pour d’autres, elles apparaissent à la suite d’un trouble neurologique comme une commotion cérébrale ou une démence, ou un trouble psychologique (dépression, stress post-traumatique, schizophrénie, trouble de personnalité).

Se connaître

De la même façon que reconnaître les lieux que l’on fréquente sert à s’orienter, reconnaître nos émotions sert à se connaître et à guider nos actions.

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La personne alexithymique voit moins clairement les liens entre les événements et ses émotions. Elle manque souvent d’introspection sur ce qui a causé son état. Elle réagit moins lorsqu’on lui annonce un événement dramatique. Elle peut aussi manquer d’imagination et être indécise lors de décisions importantes.

L’alexithymique peut se demander pourquoi les autres accordent autant d’importance aux émotions, un peu comme un daltonien complet qui ne comprendrait pas l’importance de distinguer les couleurs.

L’alexithymie amplifie aussi plusieurs difficultés émotionnelles comme la dépression, l’anxiété et la toxicomanie. En plus, l’alexithymie amplifie les difficultés de contrôle des émotions.

Des communications difficiles

L’alexithymie rend les communications plus ardues. Dans une conversation, la personne alexithymique peut avoir des difficultés à comprendre les sous-entendus, l’humour ou les sarcasmes. Elle peut être surprise par les réactions des autres, comme si elle ne suivait pas bien le sens profond des messages, mais seulement le sens superficiel. Elle peut parfois manquer de tact ou être trop directe.

La personne alexithymique peut mal interpréter les intentions des autres, ce qu’ils veulent dire ou leur attitude. «Il voudrait que je l’aide ou il veut m’aider?» «Il s’intéresse à moi ou il rit de moi?»

Relations plus compliquées

L’alexithymie complique les relations sociales. La personne peut avoir l’air insensible, indifférente ou distante. Elle peut manquer d’empathie et d’altruisme. Sans être égoïste, elle a tendance à être centrée sur elle-même, car le ressenti de ses proches est moins présent dans sa conscience. Les proches, eux, peuvent se sentir peu compris ou peu soutenus.

L’alexithymique peut aussi avoir l’air rigide. S’adapter à l’autre ne vient pas naturellement et l’autre doit donc s’adapter plus souvent. Il a souvent l’air naïf ou ultra-authentique, car les jeux politiques sont moins importants pour lui. Un peu pour les mêmes raisons, les parents alexithymiques ont tendance à être plus permissifs ou au contraire plus autoritaires avec leurs enfants.

Se reconnecter

Il est essentiel de reconnaître les difficultés de perception émotionnelle chez nos proches, car leur impact est majeur.

L’alexithymie peut être atténuée par l’entraînement et par des interventions thérapeutiques. En outre, l’introspection se développe en tenant un journal des interactions et événements émotionnels ou par des mises en différentes situations avec un tuteur.

Le vocabulaire des émotions et les associations qui s’y attachent se renforcent par la pratique avec des vignettes ou des illustrations de scènes.

De plus, il est souvent possible de réduire les facteurs qui favorisent l’alexithymie comme le stress ou les difficultés de régulation des émotions. L’entourage de la personne peut aussi adapter les communications avec ces personnes pour clarifier les situations et les émotions ressenties en plus de calmer le jeu.

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