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L'article provient de Clin d'oeil
Célébrités

Lisa et Ingrid Falaise: Comme une seule femme

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Amélie Hubert-Rouleau

2025-11-20T14:00:00Z
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Elles sont une, les sœurs Falaise. Liées l'une à l'autre par une sorte de fil invisible et sacré.

Je l’ai constaté, étonnamment, en rencontrant Ingrid et sa sœur Lisa séparément — l’une en personne, l’autre en vidéoconférence. Cette impression s’est confirmée lors de la journée de photoshoot qui allait produire les magnifiques clichés qui se retrouvent entre ces pages; les regards espiègles et les éclats de rire en connivence ont définitivement rendu leur complicité palpable.

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«Tricotées serrées»: c’est l’expression qu’Ingrid et Lisa ont toutes deux utilisée quand je leur ai demandé de me décrire le lien qui les unit — leur fratrie comptant aussi leur sœur Jenny, l’aînée de ce trio à toute épreuve. C’est justement à travers une épreuve redoutable qu’elles l’ont de nouveau réalisé: le diagnostic d’un cancer du sein chez Lisa, le «bébé de la famille».

Affronter l’inconcevable

En janvier dernier, Lisa se badigeonne de crème en sortant de la douche. Avec stupeur, elle sent une bosse sur sa cage thoracique. Coïncidence: elle a justement un rendez-vous avec son médecin le lendemain. Celle-ci l’envoie faire une mammographie d’urgence. S’ensuivent une échographie, une biopsie, l’attente de résultats et une autre biopsie. Puis, le diagnostic frappe de plein fouet Lisa et la famille Falaise: la professeure d’histoire, qui a alors 39 ans, est atteinte d’un cancer du sein de stade 3.

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«Je savais dès le début qu’il y avait 95 % des chances que ce soit cancéreux. J'étais déjà prête à l’idée. Mais c'est au début février que j'ai vraiment su que j'avais un cancer, explique Lisa. J’ai commencé la chimiothérapie le 10 mars. D’abord aux deux semaines, pour mes quatre premiers traitements. Après ça, j'ai changé de chimio et j’en ai eu toutes les semaines jusqu'au 25 juillet. »

«C’est comme l'image du train qui te fonce dedans; tu ne veux pas y croire, me confie Ingrid, lorsque je lui demande quelle a été sa première pensée à l’annonce du diagnostic. Tu ne peux pas y croire. Tu veux lui enlever.» Malgré ce diagnostic coup-de-poing, l’autrice, comédienne, conférencière et animatrice garde son sang-froid lorsque Lisa lui téléphone, atterrée, pour le lui annoncer. «Je suis restée très calme pour qu'elle vive ses émotions. Nous, autour, on est devenus une sorte de filet de sécurité, un roc. On s’est dit qu’on braillerait plus tard.»

Sœurs de cœur

Dans la famille Falaise, il y a Jenny, l’aînée, puis Ingrid, née un an et demi plus tard, et Lisa, de quatre ans sa cadette. «Ma petite sœur, ç’a toujours été le bébé de la famille, même si elle a 40 ans aujourd’hui. On l'a toujours protégée», explique Ingrid.

Quelques semaines avant le début des traitements de chimiothérapie de Lisa, les trois sœurs décident de se faire tatouer, comme pour marquer à l’encre indélébile cette «fibre fraternelle» qui les relie. Trois cœurs et un point; les trois cœurs représentent chacune d’entre elles et le point, un frère décédé après sa naissance et qu’elles n’ont malheureusement pas connu. «C'était un moment pour s'unir et se donner toute la force de traverser cette épreuve-là ensemble», explique Lisa. «C'est le symbole de la sororité, le symbole qu'on sera toujours là les unes pour les autres, détaille Ingrid. Je sais que je ne serai jamais seule, j’aurai toujours mes sœurs.»

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Ingrid et Jenny ont accompagné Lisa à son premier traitement de chimiothérapie, début mars... et aussi à son dernier, le 25 juillet dernier. Entretemps, les sœurs ont agi, chacune à leur façon, pour faciliter la vie de Lisa – Jenny en aidant à organiser le quotidien de sa sœur et Ingrid en prenant des notes, en s’informant et en la mettant en contact avec des personnes-ressources.

«Depuis le diagnostic et le début des traitements, j'ai beaucoup plus de moments à trois avec mes deux sœurs», dit Lisa, un sourire éclairant son visage. «Quand on a retiré le cathéter de mon bras, j’ai fondu en larmes. Jenny m’a demandé ce qui n’allait pas. J'ai juste dit: “C'est fini, c'est fini!”. Puis, on s'est étreintes, Jenny et Ingrid m'ont serrée fort. C’était comme si un poids immense s’était levé. C'est un moment très précieux dont je vais toujours me souvenir.»

Après la fin du traitement, la jeune sœur a «remercié la vie»: pour les soins reçus et aussi pour chacune des infirmières qui l’ont accompagnée tout au long de ce parcours. Malgré l’émotivité du moment, celui-ci s’est tout de même vécu dans la joie et le rire. «On a “niaisé” comme on est capable de le faire, les trois sœurs Falaise, confie Ingrid. On a eu du fun et on a célébré. J’en ai fait une vidéo souvenir. On a ri à en pleurer!» Ingrid raconte notamment avoir blagué en gonflant des ballons avec des gants d’infirmière et en «poppant» une bouteille de bulles sans alcool – «qui était imbuvable», a confirmé Lisa.

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Si les sœurs Falaise ont toujours été proches, la maladie de Lisa les rend d’autant plus fusionnelles. Leur sororité revêt une importance capitale. «L'amitié est importante pour moi, mais mes sœurs, ce sont mes meilleures amies, mes deuxièmes mères», mentionne Lisa. Ce lien fait office de véritable pilier émotionnel pour la jeune sœur, lors des jours plus difficiles. «Il y a des frères et sœurs qui ne s'entendent pas. Mais nous, c'est comme si on avait été des triplets! (rire) On pense pareil. On se partage autant les épreuves que les moments de bonheur.»

Ingrid abonde dans le même sens. «Lisa a été là quand je suis tombée. Je suis là quand elle a besoin de moi, dit-elle. Personne ne pourra jamais nous enlever quoi que ce soit ou nuire à cet amour-là. C'est au-delà de l'amitié. C'est excessivement puissant.»

Le cancer, un crabe qui fait avancer

À travers le diagnostic de son cancer et ses cinq mois de chimiothérapie, Lisa a eu accès à une nouvelle façon de se voir et d’envisager le monde qui l’entoure. Au fur et à mesure des traitements, de chaque étape franchie, elle s’est dépouillée de certaines convictions et en a embrassé d’autres. Elle cite notamment le rapport à son apparence, qui a beaucoup changé. «Je ne redeviendrai jamais la personne que j'étais; c'est sûr et certain. Je suis en transformation, et j'aspire à ce que les prochaines étapes de ma vie soient encore plus belles.»

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À la lumière de ce qu’elle a vécu, Lisa pose aussi un regard nouveau sur les autres et tente de voir au-delà des apparences. «Maintenant, je regarde les gens différemment. Je juge moins. Je ne sais pas ce qu'ils traversent.» Le cancer lui a rappelé la fragilité de la vie et le caractère précieux des petites choses du quotidien. «Oui, je vois grand, j'ai toujours des rêves, mais mon Dieu que je suis heureuse de passer une journée en famille, lance-t-elle. Les petites choses sont tellement, tellement importantes!»

Lisa a également découvert en elle des richesses insoupçonnées, dont sa positivité sans faille. «On m'a toujours dit que j'étais une personne très positive. Mais je ne savais pas que je serais aussi résiliente face à la maladie.» La jeune quarantenaire a aussi retiré un grand enseignement de son expérience du cancer: celle d’écouter sa petite voix. «J’ai appris à suivre mon instinct. En cas de doute, je consulte un médecin. C'est tellement important!» Elle mentionne sa lecture du livre de Sophie Reis, Un cancer en cadeau, qui lui a justement fait réaliser les petites perles que le cancer a déposées dans sa vie, fruits de cette difficile épreuve. «Ce cancer-là m'a apporté des cadeaux extraordinaires. J'ai croisé des gens sur mon parcours qui sont tombés du ciel, qui m'ont aidée, qui m'en ont appris beaucoup sur la vie et sur mon chemin. J'ai confiance. J'ai toujours eu confiance. Je savais que ça allait être tough, mais je sais très bien que je vais m’en sortir.»

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Une chose est certaine: Lisa cultivera dorénavant le lâcher-prise et fera preuve de plus de douceur envers elle et les autres. «J'ai le goût de m'écouter davantage. Je ne peux pas te dire que je renais de mes cendres ou que je suis complètement transformée, parce que ça serait te mentir. Je demeure la même personne, sauf que je me vois différemment et j'accorde de l'importance à des choses différentes maintenant. Je laisse davantage briller ce que j'ai en moi.»

Résiliente jusqu’au bout

Lors de ma rencontre avec Ingrid dans un restaurant du centre-ville de Montréal, son visage s’est illuminé plusieurs fois en soulignant la résilience de sa sœur. Elle précise qu’elle préfère justement parler de résilience, que de courage ou de force. «Le cancer est là. Tu n'as pas le choix. Donc, les phrases comme “Ah, tu es courageuse!”, on ne les dit pas. Ce n'est pas du courage; tu l'as en toi, tout simplement.» Ingrid souligne que sa sœur préfère aussi utiliser l’expression «se battre pour sa guérison», plutôt que «contre le cancer». «C'était très important pour ma sœur de le nommer comme ça, “pour sa guérison”.»

L’optimisme de Lisa a «donné des ailes» à ses proches et a rendu l’expérience du cancer plus facile pour la famille, rapporte Ingrid. «Elle ne s’est pas comportée en victime du cancer. Elle l'a pris comme une expérience qui lui arrivait. Je trouve ça grand, parce que ç'a permis à tout le monde de le vivre de façon beaucoup plus légère. C'est un beau cadeau qu'elle nous a fait.» Ingrid admire aussi le nouveau souffle qui semble habiter sa petite sœur. Elle se dit inspirée par son côté fonceur, motivée par son besoin de voir ses enfants grandir.

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Une vague à la fois

J’ai eu envie de demander à Lisa ce qui l’aidait à garder espoir au quotidien à travers son processus de guérison. «J'essaie de vivre ma vie le plus normalement possible, explique-t-elle. Je ne fais pas ma vie autour du cancer et je n’y pense pas quotidiennement, parce que j'ai d'autres choses qui m’animent. Je me garde très allumée, sur le plan intellectuel.»

Elle rappelle l'importance d'y aller une étape à la fois dans une démarche de soins comme celle qu’elle mène en ce moment. C’est la seule façon de passer à travers, selon elle. «C'est une montagne immense. Le mont Everest, on le monte comment? One shot? Non, il faut viser le camp numéro un, puis le numéro deux, le numéro trois, jusqu'à ce qu'on atteigne le sommet.» Lisa avoue tenir cette façon de penser de son père, un marathonien qui pratique cette philosophie dans son entraînement et son quotidien. Sa mère lui a aussi inculqué une autre leçon importante dans la même veine. «Quand j'étais petite, j'étais souvent incapable de m'endormir le soir. J'avais peur de la mort; je pensais trop. Ma mère me disait toujours: “on va s'en occuper une fois qu'on sera rendu là”, se souvient Lisa. Ça m'habite beaucoup, depuis mon diagnostic. Je pense à l'opération ou à mes premiers traitements, qui étaient épouvantables. J'appréhendais d’y retourner et je me disais: non, on va s'en occuper une fois qu'on sera rendu là.»

Un pas après l’autre. C’est aussi l’approche que préconise Ingrid en tant que proche d’une personne atteinte du cancer. L’autrice et animatrice estime elle aussi qu’il est capital de se concentrer sur le moment présent. «La leçon, c'est que tout finit toujours par passer. La seule chose qu'on peut faire, c'est de vivre maintenant, d'être dans chaque instant.» Ingrid suggère aussi qu’il ne faut pas hésiter à trouver des exutoires lorsqu’on accompagne quelqu’un atteint du cancer. «Ma grande sœur et moi, on s'est énormément parlé. On avait besoin de pleurer ensemble, sans affecter ma petite sœur, parce qu’elle en avait assez sur les épaules.»

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La communauté, une planche de salut

«Il n'y a pas de bonne façon d'affronter la maladie», répond Lisa, lorsque je lui demande en terminant ce qu’elle aimerait dire à une personne qui vient de recevoir un diagnostic comme le sien. «Tout le monde a sa façon de faire, mais laisse-toi porter, dit-elle avec douceur. Si tu as besoin d'aide ou si, au contraire, tu veux la paix, tu as le droit de le dire. Vis ce que tu ressens et ce que tu penses. C'est le moment de le faire.»

Depuis l’hiver dernier, Lisa peut compter non seulement sur le soutien de ses sœurs, mais aussi de sa communauté; son amoureux, ses enfants («son feu sacré»), ses parents, ses amis et collègues. Grâce à Ingrid, elle a aussi été mise en contact avec des paires aidantes, des femmes qui ont vécu une expérience similaire à la sienne et qui ont su refléter ce qu’elle était en train de vivre. À aucun moment elle n'a senti qu’elle était seule pour cheminer vers la guérison. «Je vois le cancer comme un bataillon militaire. Je suis dans la ligne opposée face à l'ennemi. Mais j'ai une sorte d'armée avec moi; je ne suis pas seule face au monstre. Ils font partie de mon aventure. Je n’ai jamais été seule.»

Comme une seule femme. Le fil invisible qui lie les sœurs Falaise a permis à Lisa de vivre son cancer avec toute une force unie autour d’elle, et de faire un pied de nez à la maladie, protégée par une étoffe précieuse; un refuge tissé de résilience, de lumière et de tendresse.

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