Incertitude causée par Trump et réarmement de l'Europe: nous sommes des spécialistes des munitions malgré le tabou
Un géant américain fabrique chez nous les fameux obus de calibre 155 mm utilisés en Ukraine
Jean-Louis Fortin, Anne Caroline Desplanques et Yves Levesque
L’Europe et le Canada investiront des milliards de dollars pour reconstruire leur défense au cours des prochaines années et le Québec veut y participer. François Legault revient d’Allemagne, où il a vanté les mérites de nos entreprises du domaine militaire. Le Journal vous brosse un portrait de cette industrie méconnue au Québec.
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Armes et munitions
La fabrication de munitions est une force historique du Québec, souligne David Perry, président de l’Institut canadien des affaires mondiales.
Mais on n’en parle jamais, car c’est «un tabou», note le professeur Justin Massie, du Réseau d’analyse stratégique de l’Université du Québec à Montréal.
Le géant américain General Dynamics est ainsi solidement implanté chez nous. Ses 1200 employés y fabriquent des munitions de toutes sortes.
En plus de son siège social canadien basé à Repentigny, il possède aussi des installations à Saint-Augustin-de-Desmaures et à Salaberry-de-Valleyfield, où il a annoncé en février un investissement pouvant aller jusqu’à 700 millions $ pour accroître la production.

On y fabrique environ 150 différents types de munitions, les obus de calibre 155 mm, munition la plus utilisée en Ukraine, étant les plus demandés sur la planète en ce moment. Le prix d’une seule de ces bombes volantes est passé de 2000$ US en 2022 à plus de 8000$ US l’an dernier, car pour fournir Kyïv, les membres de l’OTAN ont vidé leurs stocks et doivent rapidement les regarnir.
À Saint-Jean-sur-Richelieu, on retrouve la firme canadienne Cadex Defense, spécialiste des armes à feu, ainsi que la filiale canadienne du géant allemand Rheinmetall, capable de produire des postes de tir, des mécanismes de mise de feu et des logiciels, notamment.
Véhicules blindés
À Saint-Jean-sur-Richelieu, les 400 employés de l’usine canadienne du géant allemand Rheinmetall ne manquent pas de boulot grâce à de juteux contrats des Forces armées canadiennes (FAC).
Rheinmetall fournira d’ici 2029 à nos militaires pas moins de 85 «véhicules à capacité de récupération améliorée», des camions qui servent notamment à remorquer les chars d’assaut. Coût du contrat: plus de 400 M$, en incluant l’entretien des véhicules.


C’est aussi Rheinmetall qui fait la réparation et la révision des chars Leopard 2 A4 des FAC, des mastodontes qui pèsent 52 tonnes et peuvent accueillir quatre soldats chacun.
Uniformes de combat
Un montant de 3,7 milliards $... C’est la valeur faramineuse du contrat signé en 2022 par l’entreprise Logistik Unicorp Inc, basée à Saint-Jean-sur-Richelieu, pour habiller 160 000 militaires canadiens pendant 20 ans.
Vestes, pantalons, bottes, casques, accessoires, elle fournira plus de 1200 articles différents aux Forces canadiennes.
«À 96%, les articles que nous fournissons à la Défense nationale sont fabriqués au Canada, et on achète aussi des textiles et matériaux fabriqués ici. La Défense nationale a toujours bien soutenu l’industrie au pays», décrivait Karine Bibeau, une vice-présidente de l’entreprise, en entrevue avec Le Journal en 2022.
L’entreprise familiale a mis 10 ans d’efforts pour obtenir ce contrat. Ses 2000 employés sont présents dans six pays.

On trouve même une compagnie québécoise qui fabrique des exosquelettes pour alléger le fardeau des soldats lorsqu'ils doivent porter tout leur équipement sur leur dos pendant de longues périodes. Il s’agit de Mawashi, basée à Saint-Jean-sur-Richelieu.