Une façon de doper l'économie d'ici face à l'incertitude causée par Trump: munitions, navires et avions militaires, blindés... Le Québec est prêt pour l'effort de guerre si Ottawa se réveille
Notre économie ne pourra toutefois pas tirer profit du réarmement européen, sans un sérieux et rapide réveil à Ottawa.


Anne Caroline Desplanques
L’Europe et le Canada investiront des milliards de dollars pour reconstruire leur défense au cours des prochaines années et le Québec veut y participer. François Legault revient d’Allemagne où il a vanté les mérites de nos entreprises du domaine militaire. Le Journal vous brosse un portrait de cette industrie méconnue au Québec.
Le Québec pourrait doper son économie malgré la crise en tirant profit du réarmement qu’entreprennent le Canada et l’Europe, mais il faudra un sérieux et rapide réveil à Ottawa pour s’en assurer.
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«Avec Donald Trump qui a décidé de lâcher ses alliés, l’Europe doit rapidement augmenter ses capacités militaires [...]. Au Canada aussi, on va devoir investir» a déclaré François Legault depuis l’Allemagne où il est allé vendre l’expertise de l’industrie québécoise de la défense il y a quelques jours.

Pour le premier ministre, «le Québec est bien placé» pour contribuer à l’effort de guerre. Et il a raison, indique David Perry, de l’Institut canadien des affaires mondiales.
L’analyste indique que nos principales forces sont l’aéronautique, la fabrication de munitions et la construction de navires et de véhicules blindés.
Au total, 473 entreprises québécoises œuvrent dans le secteur, d’après le répertoire SDQuébec mis au point par le ministère de l’Économie et le milieu des affaires.
Industrie dépendante du politique
Le problème, explique M. Perry, c’est que toutes sont hautement dépendantes du politique, car c’est le gouvernement fédéral qui achète une large part de leurs produits et services et qui approuve leurs exportations. Sans ce double sésame, rien n’est possible.
Or, le Canada est un des pays de l’OTAN qui investit le moins en défense: 1,37% du PIB en 2024, selon les données de l’OTAN.

Ceci affecte d’une part le prix de ce qu’on fabrique: moins on produit plus ça coûte cher, et moins nos produits sont compétitifs.
D’autre part, ça mine les capacités de nos entreprises à exporter puisqu’elles produisent trop peu pour avoir de l’excédent à vendre, et les acquéreurs étrangers sont plus frileux à acheter des produits qui ne sont pas éprouvés par le pays d’où ils proviennent.
Moteur économique
Pour Justin Massie du Réseau d’analyse stratégique de l’Université du Québec à Montréal, la guerre tarifaire et la crise économique doivent motiver l’État à changer son fusil d’épaule, car investir dans l’industrie de la défense peut aider à garder l’économie à flot.
En Allemagne par exemple, des équipementiers de l’automobile en crise ont annoncé dernièrement la conversion d’usines complètes vers la production d’armement, ce qui assurera du travail à leurs salariés tout en contribuant au réarmement du pays.
Les produits que développe l’industrie de défense sont en plus à double usage et soutiennent donc d’autres industries, ajoute M. Massie. Par exemple, les drones, l’internet, le ruban adhésif duct tape ou encore la vision nocturne, notamment, ont tous été créés pour un usage militaire avant de trouver des applications civiles.

Mais même si le prochain gouvernement débloquait des milliards de dollars du jour au lendemain, Christyn Cianfarani, de l’Association canadienne des industries de défense et de sécurité, prévient qu’il faut plus que de l’argent.
Elle explique que le système d’acquisition de la Défense nationale est si lent qu’il serait incapable d’absorber ces fonds rapidement: il faut en moyenne 15 ans pour que ce ministère fasse un achat.
C'est pourquoi, tous les experts que nous avons consulté pour ce dossier plaident pour une réforme du système d'approvisionnement, ainsi qu'une stratégie industrielle de défense qui permettrait à l'industrie de plannifier à long terme et de livrer plus rapidement, plutôt que de répondre à des contrats à la pièce.