Face à l'incertitude causée par Trump: le Québec, spécialiste de l'aéronautique, prêt pour l'effort de guerre avec des composantes d'avions militaires et de drones utilisés partout dans le monde
Le domaine aérospatial est sans doute «la plus grosse force» de notre industrie de la défense
Jean-Louis Fortin, Anne Caroline Desplanques et Yves Levesque
L’Europe et le Canada investiront des milliards de dollars pour reconstruire leur défense au cours des prochaines années, et le Québec veut y participer. François Legault revient d’Allemagne, où il a vanté les mérites de nos entreprises du domaine militaire. Le Journal vous brosse un portrait de cette industrie méconnue dans la province.
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Aérospatiale
Reconnue mondialement, l’industrie aérospatiale du Québec est sans nul doute «la plus grosse force» de l’industrie québécoise de la défense, indique David Perry, président de l’Institut canadien des affaires mondiales.
De retour cette semaine d’un voyage en Allemagne lors duquel il a vanté l’économie québécoise, le premier ministre François Legault a insisté sur le thème militaire.
«On parle beaucoup d’avions militaires. Après Seattle et Toulouse, Montréal est l’endroit dans le monde où il y a le plus de main-d’œuvre qualifiée dans l’aéronautique», a fait valoir M. Legault.
Il a affirmé que le Québec pourrait développer «toutes sortes de partenariats pour développer des avions militaires» avec l’Europe.

L’avionneur montréalais Bombardier commercialise des versions de ses avions d’affaires Global et Challenger destinées à être modifiées à des fins militaires. La société suédoise Saab les utilise pour construire les avions de surveillance GlobalEye pour l’armée de la Suède et celle des Émirats arabes unis. La Finlande, le Danemark et la Suède songent à développer une large flotte de GlobalEye pour surveiller la mer Baltique et l’Arctique.
Moteurs et trains d’atterrissage
Le géant des moteurs Pratt & Whitney, qui possède des installations à Longueuil, fait aussi dans le domaine militaire. En 2019, notre Bureau d’enquête révélait qu’au moins 141 de ses moteurs avaient été fournis depuis 2014 à des pays tels que l’Arabie saoudite, l’Égypte et la Jordanie.

Toujours à Longueuil, le spécialiste des trains d’atterrissage Héroux Devtek fournit ces éléments aux F-18 et aux F-35 américains ainsi qu’à des avions de chasse suédois et sud-coréens, le Gripen E et le KF-X.

L’entreprise d’hélicoptères américaine Bell Textron est établie à Mirabel depuis 1986. En janvier 2024, elle a signé un contrat de 2,28G$ avec le gouvernement du Canada pour «fournir le soutien en service de la flotte active d’hélicoptères CH‐146 Griffon».

M. Massie aimerait voir cette industrie concevoir des appareils tactiques et stratégiques pour le transport de troupes et de matériel afin de permettre à l’armée canadienne de se déployer rapidement sur notre immense territoire.
Simulation de vol et entraînement au combat aérien
La montréalaise CAE, spécialiste mondiale des simulateurs de vol, compte 13 000 employés dans 40 pays.
Pas plus tard que lundi dernier, l’entreprise a annoncé que sa filiale Défense et Sécurité avait décroché un contrat de 180M$ pour fournir, jusqu’en 2030, «un soutien complet à l’entraînement» aux aéronefs de l’armée américaine. Quelques jours plus tôt, le 24 mars, CAE indiquait avoir été retenue pour offrir des services de soutien à vie pour un simulateur destiné à l’armée de l’air de la Nouvelle-Zélande.

Une autre entreprise québécoise, Top Aces, basée à Dorval, possède une flotte d’avions de combat et est spécialisée dans l’entraînement des pilotes. Elle travaille notamment avec les Forces armées canadiennes depuis 2005 et a signé, en 2022, un contrat de 175M$US avec l’armée américaine.
Tant CAE que Top Aces bénéficient d’investissements de la Caisse de dépôt qui totalisent des centaines de millions de dollars.
• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Richard Martineau, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Drones
Les drones sont des composantes clés des opérations militaires modernes depuis au moins une décennie, et le Québec comprend quelques entreprises qui œuvrent dans ce secteur.

Le chef de file des simulateurs de vol CAE, basé à Montréal, a fait de bonnes affaires avec l’armée américaine en entraînant ses pilotes de drone à partir de 2013. À la clé, un contrat d’une valeur de 100M$US.
«Ce n’est pas rien. On fait tout l’entraînement pour les opérateurs de drone de l’armée américaine, nous, une entreprise de Montréal», s’enorgueillissait le président et chef de la direction de CAE, Marc Parent, trois ans plus tard.
Shearwater Aerospace, de son côté, est basée à Montréal et propose des logiciels pour les drones.

Guerre du futur
Selon le professeur Justin Massie, Ottawa et Québec auraient tout intérêt à encourager massivement cette industrie, car les drones sont essentiels à la guerre moderne et à celle du futur tout en ayant des applications civiles extrêmement importantes.
«En investissant dans les drones, on investit dans l’automatisation, les systèmes autonomes, la robotisation. Ce qui peut bénéficier à l’ensemble de nos industries ainsi qu’au secteur des services», explique-t-il.