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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Le mystère de la poterie de Portneuf: la légende derrière le nom de cette vaisselle emblématique de l’histoire du Québec

Épaisses, non translucides, ces pièces de faïence sont durables et gardent la nourriture chaude. Cela ne les empêche pas d’être joliment décorées de motifs de fleurs, d’animaux de ferme ou de simples lignes colorées, ce qui agrémente les repas de tous les jours.
Épaisses, non translucides, ces pièces de faïence sont durables et gardent la nourriture chaude. Cela ne les empêche pas d’être joliment décorées de motifs de fleurs, d’animaux de ferme ou de simples lignes colorées, ce qui agrémente les repas de tous les jours. Musée McCord / Domaine public
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Évelyne Ferron

2023-11-10T05:05:00Z
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Dans le monde des collectionneurs de vaisselle et de poterie ancienne, les amateurs connaissent des pièces de poterie qui ont composé, des années 1840 au début du 20e siècle, des ensembles de vaisselle pour les familles ordinaires du Québec et même parfois de l’Ontario et des Maritimes.

Bols à gruau, plats de service, assiettes et tasses se trouvent ainsi sur les sites des antiquaires, des musées et des collectionneurs sous le nom étonnant de poterie de Portneuf. Or, il n’y a jamais eu de fabrique de poterie ou de faïence à Portneuf ou dans les villages environnants à cette époque. Alors pourquoi porte-t-elle ce nom?

Des pièces pour les repas de tous les jours

À l’époque de la Nouvelle-France, puis sous le régime anglais, une grande partie des pièces de vaisselle du quotidien étaient importées d’Europe. Des fabriques de céramique ont commencé des productions locales à partir des années 1750 environ, bien que les peuples autochtones en fabriquaient à la main depuis plus de deux millénaires! Ces pièces étaient confectionnées à partir d’argile ou de terre cuite et étaient conçues pour être davantage des objets utilitaires (cruches, théières, assiettes, bols, tasses, etc.) que d’apparats. Les services de porcelaine fine, peinte à la main avec parfois des bordures argentées ou dorées, étaient quant à elles importés d’Europe, surtout après la guerre de Sept Ans, lorsque les territoires de la Nouvelle-France ont été cédés, puis administrés par le régime britannique. 

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En fait, dès les premières années du régime anglais, les pièces de vaisselle des potiers anglais arrivent sur les tables des mieux nantis de la vallée du Saint-Laurent. C’est entre autres le cas des céramiques du Staffordshire, qui séduisent avec leurs motifs végétaux inspirés de la porcelaine chinoise. Mais pour le reste de la population, ce sont davantage les poteries d’argile ordinaires qui garnissent les tables. Épaisses, non translucides, ces pièces de faïence sont durables et gardent la nourriture chaude. Cela ne les empêche pas d’être joliment décorées de motifs de fleurs, d’animaux de ferme ou de simples lignes colorées, ce qui agrémente les repas de tous les jours. Ces poteries sont davantage importées d’Écosse et plus particulièrement de Glasgow, notamment au cours du 19e siècle. 

Julie Toupin 2018, Creative Commons, Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Julie Toupin 2018, Creative Commons, Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal

Poterie écossaise et poterie portneuvoise

Des fabriques écossaises comme les poteries Annfield de John Thomson à Glasgow produisent des ensembles destinés au Canada et à l’Australie à cette époque. C’est ce type de vaisselle que nous connaissons sous le nom quelque peu mystérieux de «poterie de Portneuf». Si vous vous amusez à regarder sur les sites de musées canadiens, vous remarquerez que plusieurs bols, assiettes, tasses et chopines de faïence portent ce nom. Elles sont en poterie du quotidien et peintes avec des motifs appliqués à l’éponge, comme la poterie écossaise. Or... malgré des fouilles archéologiques et des recherches d’archives, il n’existe aucune preuve d’une quelconque fabrique de poterie, ou même d’un potier, dans le village de Portneuf et dans ses environs. Il faut aller à Cap-Santé pour trouver un potier en activité dans les années 1850-1870, mais il n’aurait jamais pu produire autant de pièces que ce qu’on trouve sur le marché des antiquités et dans les musées aujourd’hui!

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Il était une fois... un navire?

Pourquoi porte-t-elle ce nom? Au milieu du 19e siècle, la région de Portneuf semble en effet avoir été un lieu de vente de ces ensembles de vaisselle du quotidien, étant une zone de passage centrale entre Montréal et Québec sur la rive nord. Comme la grande majorité de ces pièces ne portent aucune signature de fabricant, elles ont ainsi gagné leur surnom de «poterie de Portneuf». Mais pourquoi la région semble-t-elle en avoir vendu beaucoup dans la deuxième moitié du 19e siècle? Une légende, non vérifiable pour l’instant, voudrait qu’un navire écossais transportant de ces marchandises destinées au Canada ait fait naufrage dans le secteur de Cap-Santé. Les riverains auraient ainsi pu sauver de nombreuses caisses de vaisselle et de pots qui étaient possiblement en direction de Montréal. Plusieurs familles en auraient gardé pour elles, d’autres personnes auraient commencé à en vendre dans la région ou aux gens de passage dans la région. 

Ainsi serait née l’appellation de «poterie de Portneuf», qui plaît tant aux collectionneurs de faïence rustique!

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