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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

2000 ans après sa mort, Cléopâtre se retrouve au cœur d’une guerre médiatique

Image de la série de docufiction La reine Cléopâtre sur Netflix.
Image de la série de docufiction La reine Cléopâtre sur Netflix. Photo tirée de Netflix
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Évelyne Ferron

2023-06-17T04:00:00Z
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Depuis le 10 mai dernier, une série de docufiction consacrée à la reine d’Égypte Cléopâtre fait couler beaucoup d’encre. La série, produite par Jada Pinkett Smith, est même contestée par une pétition ! En cause : le choix d’une actrice noire pour la représenter à l’écran et la mention de la possibilité qu’elle ait eu du sang africain. 

En fait, Cléopâtre était officiellement d’origine gréco-macédonienne. Bien que plusieurs flous demeurent sur la vie de cette reine, les historiens ont tout de même une bonne base documentaire (écrits romains, papyrus, sources archéologiques et pièces de monnaie) pour comprendre plusieurs aspects de son histoire. 

Une héritière de la dynastie lagide 

Cléopâtre VII, car 7e du nom dans sa lignée, était la descendante de la dynastie gréco-macédonienne des Ptolémées. En effet, après la mort du conquérant Alexandre le Grand, son ami et général Ptolémée Lagos a hérité de l’ancien royaume des pharaons : l’Égypte. Voilà pourquoi cette dynastie est connue sous deux noms, soit la dynastie ptolémaïque ou lagide. À partir de l’an 305 avant notre ère et pendant près de 300 ans, lui et ses descendants ont régné à partir d’une nouvelle capitale, très grecque dans son architecture et sa culture, la ville d’Alexandrie. 

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Les différents rois, reines, princes et princesses de cette dynastie étaient conséquemment élevés dans une culture davantage grecque qu’égyptienne, au point où la grande majorité d’entre eux ne comprenaient même pas la langue parlée ou écrite de leur peuple. C’est ici que la dernière souveraine de cette dynastie, Cléopâtre, s’est démarquée. Dans sa jeunesse, elle a bénéficié de ce carrefour de savoirs qu’était la capitale égyptienne, via son complexe scientifique auquel était rattachée la célèbre bibliothèque d’Alexandrie. Très éduquée, intelligente et fine stratège politique, elle était aussi polyglotte, elle qui a été la première reine de la dynastie lagide à parler la langue égyptienne. 

Une chef d’État avant tout

Un buste attribué à Cléopâtre, qui se trouve au musée de Berlin.
Un buste attribué à Cléopâtre, qui se trouve au musée de Berlin. Photo tirée de wikipedia.org

Qu’elle ait été exilée lorsqu’elle était en conflit avec son frère, époux et corégent du pays, Ptolémée XIII, ou qu’elle ait été en relation avec de puissants généraux romains comme Jules César ou Marc-Antoine, Cléopâtre n’a jamais perdu de vue le fait que son rôle était de protéger le royaume d’Égypte contre l’Empire romain. Elle était une chef d’État qui devait protéger son territoire et son peuple avant d’être une amante ou même une mère de famille. Lorsqu’on s’intéresse aux sources romaines qui en parlent, c’est d’ailleurs son intelligence et la douceur de sa voix qui sont mentionnés comme attirants, plutôt que son apparence. Pourtant, depuis des siècles, Cléopâtre en est toujours réduite aux questions de beauté et de séduction et la controverse actuelle n’y échappe pas...

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L’apparence de Cléopâtre, un enjeu touristique ?

Image du documentaire de Zahi Hawass.
Image du documentaire de Zahi Hawass. Photo tirée de egypttoday.com

Pourquoi y a-t-il tant de réactions en lien avec cette docufiction de Netflix ? C’est encore une fois le débat sur l’apparence de Cléopâtre qui en est la source principale. Depuis le XIXe siècle, aux États-Unis, le mouvement afrocentriste a voulu faire de Cléopâtre une reine africaine, représentante forte pour les esclaves libérés, d’une ancêtre qui a su se battre pour ses droits et ses idées. Or... nous n’avons pas de preuve concrète sur son apparence, au-delà de quelques bustes et pièces de monnaie, qui la montrent essentiellement dans un style très gréco-romain. Les sources anciennes ne s’intéressaient pas particulièrement à son apparence physique. Nous n’avons pas de corps non plus, le sien n’ayant jamais été retrouvé, ce qui empêche toute analyse d’ADN pour vérifier si elle a pu avoir du sang africain par sa mère, qui nous est inconnue.

En jouant la carte de la probabilité que Cléopâtre ait pu être noire, cette docufiction de Netflix a rendu furieux beaucoup d’Égyptiens, qui réfutent d’emblée cette idée, puisqu’elle est une descendante des Ptolémées. Il faut dire que la célèbre reine, qu’on croit avoir été particulièrement belle (bien que nous n’ayons pas de preuve de cela), est un moteur touristique pour l’Égypte. Il y a donc une peur que si on commence à croire qu’elle n’était pas la beauté grecque imaginée depuis des siècles, certains touristes choisissent d’aller ailleurs qu’en Égypte ! 

Ainsi, le célèbre égyptologue Zahi Hawass a contribué à un documentaire YouTube sur Cléopâtre, sorti le jour même du lancement de la minisérie sur Netflix.


  • Docufiction Netflix : La reine Cléopâtre par Jada Pinkett Smith
  • Documentaire sur YouTube : CLEOPATRA par Curtis Ryan Woodside
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