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L'article provient de Le Journal de Québec
Société

La Place des Arts a 60 ans: le soir de l’inauguration, on manifestait devant ses portes

Les travaux de la Place des Arts commencent le 11 février 1961.
Les travaux de la Place des Arts commencent le 11 février 1961. Archives de Montréal, P158-Y-2_39P001
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Photo portrait de Martin Landry

Martin Landry

2023-09-15T04:05:00Z
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Il y a 60 ans, on inaugurait la Grande Salle de la Place des Arts par un grand concert de l'Orchestre symphonique de Montréal. À l’intérieur, les invités triés sur le volet sont ébahis par la splendeur des lieux. Mais saviez-vous que cette soirée d’inauguration s’est déroulée sous haute tension? 

Maquette de la Place des Arts. Sous le leadership du maire Drapeau, un groupe de citoyens jettent les bases d’un projet pour doter la métropole d’une salle de spectacle d’envergure. C’est d’ailleurs l’époque des grands complexes artistiques s'inspirant du modèle du Lincoln Center, à New York.
Maquette de la Place des Arts. Sous le leadership du maire Drapeau, un groupe de citoyens jettent les bases d’un projet pour doter la métropole d’une salle de spectacle d’envergure. C’est d’ailleurs l’époque des grands complexes artistiques s'inspirant du modèle du Lincoln Center, à New York. Société de la Place des Arts de Montréal © Fonds d’archives de la Société de la Place des Arts de Montréal, © Héritage Montréal

L’ORIGINE DU PROJET

L’idée d’ériger à Montréal une grande salle de concert et d’opéra ne date pas d’hier. En fait, on retrouve un texte proposant cette idée dans le journal The Canadian Spectator dès 1878. 

Depuis le milieu des années 30, l’Orchestre symphonique de Montréal présente ses concerts à l’auditorium de l’École supérieure Le Plateau. Montréal, considérée comme la métropole culturelle au pays, accueille les plus grands solistes d’Occident, des artistes internationaux qu’on reçoit comme on peut, dans des salles de concert plutôt rudimentaires et souvent dépourvues de loges. Il faudra malgré tout attendre 1955 pour que Jean Drapeau, le nouveau maire de Montréal, et une poignée de citoyens remédient à la situation et se mobilisent pour doter la ville d’une grande salle de spectacle de calibre international.

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Le projet de la Place des Arts se met en marche. Sur la photo, on peut apercevoir entre autres le maire Jean Drapeau (à gauche) jeter une pelletée de terre.
Le projet de la Place des Arts se met en marche. Sur la photo, on peut apercevoir entre autres le maire Jean Drapeau (à gauche) jeter une pelletée de terre. Photo de Lucien Desjardins des ARCHIVES DE LA PRESSE

Durant les années de planification et de construction du projet, une vive résistance s’organise. D’abord, des voix s’élèvent contre la démolition de logements dans le quadrilatère de l’agora pour cette réalisation jugée élitiste pour plusieurs. Il faut aussi dire que sur fond d’effervescence nationaliste, le milieu culturel francophone craint que le gestionnaire du projet, l’unilingue anglophone Silas Edman, favorise une programmation américaine. 

À cela s’ajoute une lutte entre les syndicats de l’américaine Actor’s Equity et l’Union des artistes, qui forcera l’annulation de la majorité des spectacles prévus pour souligner la première semaine d’ouverture. Malgré cette opposition, la Place des Arts (PDA) est inaugurée le samedi 21 septembre 1963. Mais le soir de la première, il plane autour de la PDA un certain malaise. Les autorités sont sur les dents et les spectateurs craignent que les manifestations à l’extérieur de l’agora ne dégénèrent en échauffourée, comme celle vécue quelques années auparavant lors de l’émeute provoquée après la suspension de Maurice Richard en 1955.

LA SOIRÉE DU 21 SEPTEMBRE

Ce soir-là, la majorité des 3000 invités ont pris la précaution d’éviter l’allée centrale de la rue Sainte-Catherine et sont plutôt entrés par le garage de la PDA.

Érigé sur un plateau, le nouvel immeuble de la Place des Arts symbolise la modernité de la ville. À l’inauguration, les experts la considèrent comme l’une des plus belles salles au monde.‎ Montréal voit grand et anticipe déjà le développement d’un véritable centre culturel. Aujourd’hui, le quadrilatère de la Place des Arts compte six salles de spectacle, un musée et une esplanade extérieure, devenue le lieu d’importantes manifestations artistiques.
Érigé sur un plateau, le nouvel immeuble de la Place des Arts symbolise la modernité de la ville. À l’inauguration, les experts la considèrent comme l’une des plus belles salles au monde.‎ Montréal voit grand et anticipe déjà le développement d’un véritable centre culturel. Aujourd’hui, le quadrilatère de la Place des Arts compte six salles de spectacle, un musée et une esplanade extérieure, devenue le lieu d’importantes manifestations artistiques. Fond d’archives Place des Arts

Dehors, 400 manifestants, surtout des jeunes du RIN, auxquels se sont ajoutées des centaines de curieux, se mobilisent et veulent se faire entendre haut et fort. Ils scandent des slogans comme «Non à la Place des Autres!», «Place des Riches!», ou «La Place des Anglais!». Ces manifestants, dont fait partie le poète Gaston Miron, demandent aussi le renvoi du directeur général Silas Edman. Pour les faire taire, le maire Drapeau a recruté 250 policiers de Montréal, qui ont reçu la directive de réprimer tout débordement. Ils n’attendent pas longtemps pour charger les manifestants. Plusieurs sont blessés et une vingtaine sont même arrêtés.

«C’est toujours une grande fête, une joie profonde pour moi de me trouver parmi vous, pour vous, ici…» - Claude Léveillée
«C’est toujours une grande fête, une joie profonde pour moi de me trouver parmi vous, pour vous, ici…» - Claude Léveillée Archives ligne du temps de la Place des Arts

LA NAISSANCE DE NOTRE PLACE DES ARTS

En dépit de cette opposition, la Grande Salle (nommée la Salle Wilfrid-Pelletier en 1966) est officiellement inaugurée par un concert classique dirigé par deux éminents chefs d’orchestre, Wilfrid Pelletier et Zubin Mehta. L’orchestre y interprète des œuvres de Gustav Malher, de Maurice Ravel et une œuvre de Jean Papineau-Couture créée pour l’occasion. 

Il faudra attendre plusieurs mois après l’inauguration pour que Claude Léveillée devienne le premier Québécois à se produire en tête d’affiche. On peut dire que c’est ce soir-là du 27 avril 1964 que la «Place des Autres» est devenue la Place des Arts. Depuis, la PDA connaît un succès qui dépasse de loin toutes les attentes des administrateurs publics qui l’ont rêvée, et elle est aujourd’hui devenue le cœur de la culture à Montréal.

Référence: site web de la Place des Arts, onglet Histoire.

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