Il y a 149 ans, vous vous seriez rendus à Osheaga en navette à vapeur
Martin Landry
Notre île Sainte-Hélène n’a rien à voir avec l’île hostile où Napoléon Bonaparte a terminé ses jours en exil au milieu de l’Atlantique Sud. Non, notre île Sainte-Hélène, bien campée dans le puissant fleuve Saint-Laurent, est verdoyante, confortable et a toujours su garder son caractère bucolique et se protéger de l’urbanité.
Bien qu’elle ne soit plus habitée, précisons qu’il y a des centaines d’années, longtemps avant la venue des Européens en Amérique, les peuples autochtones qui parcouraient le grand fleuve entre le lac Ontario et l’île de Montréal établissaient régulièrement des campements sur cette île d’une superficie de trois kilomètres. D’ailleurs, des fouilles archéologiques ont démontré leur présence entre les années 1200 et 1600. Ces fouilles ont aussi permis de mettre à jour les vestiges de centaines d’artéfacts à quelques pas à l’ouest du bâtiment auparavant nommé le Chalet des baigneurs, situé au complexe aquatique de l’île Sainte-Hélène actuelle.
ÎLE CONVOITÉE
Qui dit Chalet des baigneurs dit baignade, évidemment, mais avant d’aborder ce sujet, attardons-nous à l’île elle-même.
Pourquoi porte-t-elle le nom de Sainte-Hélène ? En fait, la plus grande des îles qui ceinturent Montréal est baptisée ainsi il y a plus de 400 ans par Samuel de Champlain lui-même. Il la nomme L’isle de saincte Elaine, en hommage à sa jeune épouse, Hélène Boullé. Dire qu’elle était bien jeune n’est vraiment pas une exagération : elle n’avait que 13 ans.
On sait aussi que l’île a appartenu pendant plus de 150 ans à la célèbre famille Le Moyne de Longueuil. On y retrouvait des bâtiments, dont un manoir, une végétation luxuriante et un verger qui pouvait produire une quantité impressionnante de barriques d’un remarquable cidre. Quelques années après la Conquête, l’île est vendue à la Couronne britannique. Ces derniers vont y construire des infrastructures militaires, dont des fortifications, une poudrière et une caserne dans le but de renforcer l’axe de défense de la colonie britannique face à une éventuelle tentative d’invasion américaine dans le Saint-Laurent.

DE BASTION MILITAIRE À GRAND PARC
Après la naissance du Dominion du Canada (1867), le nouveau gouvernement canadien acquiert l’île en 1870 pour la convertir définitivement en lieu de villégiature public.
Il faut dire qu’en pleine révolution industrielle, les Montréalais ont vraiment besoin d’espaces verts, de plans d’eau rafraîchissants et surtout d’air pur. Le conseil municipal voit en l’île Sainte-Hélène une belle occasion d’aménager un grand parc où les visiteurs pourraient pique-niquer à l’abri de la pollution des usines.
Dès 1874, l’île est prête à accueillir ses premiers visiteurs. Dès le lendemain de la Saint-Jean-Baptiste, le maire de Montréal, Aldis Bernard, et les autres dignitaires inaugurent le nouveau parc de l’île Sainte-Hélène en invitant les Montréalais à se déplacer pour assister à un grand concert en plein air. Certains témoignages parlent de plus de 15 000 personnes qui seraient montées à bord de navettes à vapeur pour assister à l’événement. Vous devinez sans doute qu’en 1874, il n’existe pas encore de pont pour relier l’île de Montréal ou la Rive-Sud à l’île Sainte-Hélène. Imaginez, ce jour-là sur l’île, on réunit sur scène 600 musiciens pour offrir aux spectateurs de beaux airs classiques, mais aussi des compositions créées spécialement pour l’occasion, ainsi que des chansons traditionnelles du pays comme À la claire fontaine ou Vive la Canadienne. Pour les milliers de Montréalais présents pour souligner le changement de vocation de l’île, c’est un grand jour de fête.
LIEU DE VILLÉGIATURE
À la fin du XIXe siècle, l’île est devenue un lieu prisé pour les familles ouvrières. Les citoyens de la région métropolitaine s’y déplacent en grand nombre pour s’y reposer ou se divertir en pleine nature.

Sur la rive sud de l’île Sainte-Hélène, le Montreal Swimming Club aménage même une magnifique plage pour les baigneurs. Au tournant du siècle, en 1908, le gouvernement fédéral vend finalement l’île Sainte-Hélène et l’île Ronde à la Ville de Montréal. Oui, oui, vous avez bien lu, l’île Ronde, comme le parc d’attraction La Ronde. Vous voyez le lien !

En 1931, en pleine crise économique, l’administration municipale montréalaise entreprend d’importants travaux d’aménagement. L’architecte paysagiste Frederick G. Todd redessine la configuration de l’île Sainte-Hélène en y prévoyant un agrandissement qui la rattacherait définitivement à la fameuse île Ronde. On y aménage des routes, des sentiers et une tour d’obser-vation (qui sert aussi de réservoir d’eau). De nombreux travaux, comme la construction du Chalet des baigneurs (1936) et le Pavillon des sports (1937), sont réalisés avec le financement du programme des grands travaux publics instauré par le gouvernement de la province pour aider les travailleurs et leurs familles affligés par la Grande Dépression.
BAIGNADE

L’île Sainte-Hélène est agréablement située pour les promenades et les pique-niques dans la nature, mais n’est pas nécessairement sécuritaire pour la baignade. D’ailleurs, on l’interdit dans le secteur portuaire durant de nombreuses années au XIXe siècle. Heureusement, l’inauguration de la plage publique de l’île Sainte-Hélène en 1937 offre aux baigneurs un bel accès aux eaux du fleuve. Rapidement, la nouvelle plage aménagée devient très populaire pour les familles montréalaises de toutes les classes sociales. Il faut dire que l’accès y est grandement facilité par la construction du pont du Havre en 1930 (rebaptisé Jacques-Cartier en 1934).

Malheureusement pour nous aujourd’hui, malgré sa forte popularité, la belle plage de l’île Sainte-Hélène a disparu lors des travaux d’aménagement du site de l’Exposition universelle de 1967. Des travaux d’excavation transformeront considérablement les berges de l’île. Toutefois, la piscine récréative du complexe aquatique et la plage Jean-Doré donnent aux amateurs de baignade la possibilité d’avoir accès à des plans d’eau sécuritaires baignés de nature. L’île Sainte-Hélène poursuit ainsi sa vocation d’offrir au grand public un lieu où il fait bon vivre.
C’est arrivé un 5 août...
1583
Sir Humphrey Gilbert prend possession de Terre-Neuve au nom de la couronne d’Angleterre.
1689
Massacre de Lachine, où 97 Canadiens sont tués par des Iroquois (Haudenosaunee).
1914
Installation du premier feu de circulation électrique, dans la ville de Cleveland, aux États-Unis.
1948
Naissance de Carole Laure, actrice québécoise.

1960
Premier spectacle à Québec du chansonnier Gilles Vigneault.
1962
Décès de Marilyn Monroe, à l’âge de 36 ans.

1967
Sortie du premier album de Pink Floyd, The Piper at the Gates of Dawn.
2007
Soirée de fermeture du Spectrum, une salle de spectacle de Montréal.