La fin d’une disette de 15 ans: le Français Victor Lafay réussit «un truc de malade»
Le Canadien Michael Woods termine au 6e rang de l’étape


Jean-François Racine
Saint-Sébastien – Même en Espagne, la victoire du Français Victor Lafay a été saluée bruyamment au son des klaxons dans les rues de Saint-Sébastien, devant la superbe plage de la Concha.
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Dans un groupe de 24 rescapés qui fonçaient à pleine vapeur vers la ligne, le cycliste de 27 ans a réussi le coup du kilomètre sans craquer face à ses adversaires médusés. Lafay ne l’a pas volé, puisqu’il faut être un sacré pilote pour résister à la meute roulant à tombeau ouvert après la flamme rouge.
Moins émotif mais tout aussi impressionnant, le coureur de Cofidis arrache ainsi le plus beau de sa carrière et met fin à une disette de 15 ans pour son équipe, qui n’avait plus connu la victoire sur le Tour de France depuis Sylvain Chavanel à Montluçon en 2008.
«Quand j’ai fait mon effort, je n’ai même pas réfléchi si ça allait marcher. C’est un truc de malade», a lancé le vainqueur du jour, sixième lors de la première étape.

Woods en confiance
Le Belge Wout van Aert, désigné comme le favori par plusieurs, a pris le deuxième rang de l’étape devant l’ogre Tadej Pogacar, qui ne laisse rien aux autres après avoir raflé la bonification en temps au sommet du Jaizkibel face à Jonas Vingegaard, toujours dans sa roue.
Bien placé dans le final, le Canadien Michael Woods a bien fait avec une sixième place. «Je suis prêt pour la vraie montagne dans quelques jours», a-t-il affirmé en référence au passage plus tôt qu’à l’habitude dans les Pyrénées.

Les frères Yates n’ont pas répété leurs exploits de la veille, mais la deuxième manche de la bataille des champions a tourné à l’avantage du Slovène, désormais deuxième au général, 11 secondes seulement devant Vingegaard.
«Nous sommes dans une situation parfaite», a mentionné Pogacar, satisfait de voir son coéquipier Adam Yates toujours maillot jaune. «Si Tadej gagnait l’étape, il m’aurait dépassé», a répliqué Yates.
Un fardeau de moins
Cofidis comptait initialement sur le sprint de Bryan Coquard et la performance au général de Guillaume Martin, mais c’est plutôt Lafay qui a soulevé la foule et ses patrons après une trop longue attente pour ce bouquet. Reléguée pendant quelques années, Cofidis est de retour en World Tour depuis 2020.
«Je suis content de nous libérer de ce fardeau», a ajouté Lafay, qui participe à sa deuxième Grande Boucle. Sixième de la Flèche wallonne cette année, le Lyonnais avait remporté une étape du Tour d’Italie en 2021.
Dans la descente vers Saint-Sébastien, le Basque Pello Bilbao a passé quelques kilomètres seul en tête, mais sa tentative a avorté.
Neilson Powless, Edvald Boasson-Hagen et Rémi Cavagna ont vainement joué les fuyards, mais l’aventure a quand même profité à l’Américain Powless, qui conserve le maillot à pois.
Après deux journées casse-pattes, la troisième étape vers Bayonne, lundi, devrait donner une chance aux équipes de sprinteurs de lancer leur train.
À 38 ans, Mark Cavendish rêve encore de battre le record de 34 victoires d’étape, qu’il partage avec Eddy Merckx.
Houle satisfait de l’équipe

« Mission accomplie. Tout le monde a fait sa part » -Guillaume Boivin
SAINT-SÉBASTIEN- Pour une deuxième journée consécutive, l’équipe d’Hugo Houle a réussi à placer deux cyclistes dans le top 10 de l’étape.
Outre Woods au 6e rang, le Belge Dylan Teuns, vainqueur d’étape en 2019 et 2021, a pris le 8e rang.
Du coup, l’équipe a également pu protéger le classement de Michael Woods, visiblement plus à l’aise à l’avant du peloton.

Dans une hiérarchie terrible, les hommes de la UAE de Pogacar étaient bien alignés avec Adam Yates en jaune, suivis par les Jayco Alula de son frère Simon, et des Jumbo de Jonas Vingegaard.
Tout prêt, on pouvait apercevoir les couleurs d’au moins trois cyclistes de l’équipe israélo-canadienne. Tous mieux positionnés, leurs ambitions sont évidentes et l'équipe apparaît plus solide que jamais.
Léger répit
« L’équipe a bien fait. Je suis très content mais il reste 19 jours. Je veux me sauver les jambes pour les prochains deux jours et essayer de ne pas chuter », a commenté Woods, amusé de voir pour un grimpeur qu’il se retrouve au 4e rang du maillot vert aux points.
Après deux jours sans grande difficulté, la 6e étape de mercredi comporte trois cols, dont un hors catégorie, le col de Soudet, dans les Pyrénées, long de 15,5 kilomètres à 7,2%.
Hugo Houle était également heureux de la tenue de son groupe.
« L’objectif était de garder Mike en sécurité. On a eu de la pluie et c’était usant. Si on reste plus ensemble, on a plus de respect devant. »
Arrivé quelques minutes après Houle, Guillaume Boivin avait le même discours. « C’est mission accomplie. Tout le monde a fait sa part. »

Le patron satisfait
Présent sur la route du Tour, le président et chef de la direction de Premier Tech était fier des performances de ses poulains. Jean Bélanger a même pu pédaler quelques heures au Pays basque.
« Il y a des gens qui doutaient de nous l’année dernière. Avec ce qu’on a fait au Giro, nos jeunes et notre super équipe ici, c’est vraiment excitant et ils ont confiance.»
L’homme d’affaires passionné de cyclisme explique que les étapes du Tour de France sont diffusées sur le campus de l’entreprise à Rivière-du-Loup.
« Il y a beaucoup d’intérêt. On l’a fait pour le Giro, on le fait pour le Tour en direct. À travers nos bureaux partout dans le monde aussi. Ça va donner de l’énergie à tout le monde. C’est excitant ce qui se passe dans le vélo au Québec en ce moment. »
Lundi, les coureurs partiront d’Amorebieta-Extano, en Espagne pour se rendre 193 kilomètres plus loin à Bayonne, en France.
2e étape | Vitoria-Gasteiz-Saint-Sébastien | 208,9 km
- Victor Lafay, Cofidis, 4h 46min 39s
- Wout van Aert, Jumbo-Visma, à 0 s
- Tadej Pogacar, UAE m.t.
- Tom Pidcock, Ineos Grenadiers m.t.
- Pello Bilbao, Bahrain Victorious m.t.
- Michael Woods, Israel-Premier Tech m.t.
Classement général
- Adam Yates, UAE, 9h 09min 18s
- Tadej Pogacar, UAE, à 6s
- Simon Yates, Jayco Alula, à 6s
- Victor Lafay, Cofidis, à 12s
- Wout van Aert, Jumbo-Visma, à 16s
- Jonas Vingegaard, Jumbo-Visma, à 17s
- Michael Woods, Israel-Premier Tech, à 22s
Dans le calepin
-À l’arrivée, la Baie de la Concha est l’image même de Saint-Sébastien. L’endroit le plus photographié et le plus visité. La plage de la Concha est aussi considérée comme l’une des meilleures plages d’Europe situées en ville. Par contre, avec les terribles vagues et le danger pour les surfeurs dimanche, le sauveteur n’avait pas envie de discuter et nous a référé à Google pour nos questions...
-Le guide du Tour de France nous parle d’omelette à la morue, de marmitako (marmite de thon) et de txaangurro (araignée de mer) comme plats locaux. Ça sera pour une prochaine fois.
-L’organisation du Tour de France avait parlé du retour d’un protocole Covid avec le port du masque obligatoire dans les zones réservées aux coureurs. Après deux jours, il ne reste qu’une poignée de médias qui le portent toujours. Des coureurs sont plus craintifs que d’autres de tomber malade. Les paddocks des équipes sont aussi difficiles à sécuriser et le cyclisme a toujours été un sport accessible pour le public.
-Après quatre jours à Bilbao, la caravane a pris la route pour trois semaines. Dans une logistique terriblement complexe, il faut trouver soi-même chaque soir un endroit où loger avec une distance raisonnable à parcourir le lendemain. Et espérer avoir la main heureuse. Nous avons malheureusement atterri dans un secteur peu inspirant et parfois louche à Eibar. Pour quelques heures seulement.
-NTT Data a mesuré une vitesse de 56,4 km/h dans le dernier kilomètre pour Victor Lafay, qui a atteint un maximum de 61,2 km/h. De quoi creuser un écart minime et s’imposer.