Tour de France: deux frères jumeaux se disputent le maillot jaune
Le Canadien Michael Woods se distingue avec une 5e place
Jean-François Racine
BILBAO - Quelque part sur la planète, une mère devait être passablement déchirée devant un scénario inédit dans les derniers kilomètres de la 1re étape du Tour de France.
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Si d’entrée de jeu les milliers de fans ont pu admirer une toute première bataille excitante entre les deux principaux adversaires Pogacar et Vingegaard, ce sont plutôt les frères jumeaux Adam et Simon Yates qui ont écrit une page d’histoire en creusant un léger écart en tête de course dans le final à Bilbao. Leur mère, Susan Yates, a certainement dû vivre un incroyable dilemme émotif, puisque ce jour de gloire ne pouvait se partager.
Les deux Britanniques de 30 ans, qui ne sont pas dans la même équipe, ont résisté à la meute de poursuivants quelques secondes derrière pour régler leur affrontement dans le dernier kilomètre d’une course qui en comptait 182 au total.
Une première victoire
Adam Yates, coéquipier de Tadej Pogacar chez UAE, a remporté sa première victoire d’étape en carrière, endossant du coup le prestigieux maillot jaune qu’il avait déjà porté pendant quatre jours en 2020.
De son côté, Simon Yates (Jayco AlUla) avait déjà raflé deux étapes en 2019 à Bagnères-de-Bigorre et au Prats d’Albis. En 2017, sa 7e place à Paris lui avait aussi permis de gagner le titre de meilleur jeune du Tour.
Pour Adam Yates, cette victoire éclatante avec quelques longueurs d’avance ne faisait aucun doute. Les frangins n’ont pas eu à discuter longtemps pour trancher la question. L’enjeu était énorme et les sommes d’argent aussi.
«Quand nous étions ensemble, j’ai dit je ne peux pas travailler, je ne peux pas travailler. Il est professionnel et moi aussi», a expliqué Adam, qui a pris le relais à 500 mètres avant d’appuyer un peu sur l’accélérateur au moment où Simon n’avait plus la puissance pour répondre.
Avantage à Pogacar
Tout juste derrière, la 3e place de Tadej Pogacar lui donne une bonification de quatre secondes sur le Danois Jonas Vingegaard. Thibaut Pinot et le Canadien Michael Woods suivent dans l’ordre au 4e et 5e rang à l’arrivée. L’équipe Israel-Premier Tech était satisfaite d’avoir placé son grimpeur de 36 ans parmi les places d’honneur.
La côte de Pike, un mur de deux kilomètres en fin d’étape, a fait beaucoup de dégâts parmi les rescapés.
«Je suis fier de moi et de ce que j’ai fait. Hugo [Houle] et Guillaume [Boivin] étaient avec moi, mais j’ai perdu ma position», a expliqué Woods. Le Québécois d’adoption repartira dimanche à Vitoria-Gasteiz avec 22 secondes de retard seulement sur le maillot jaune.
Une échappée de cinq coureurs partie dès le départ n’a jamais inquiété les ténors.
Dans la côte de Vivero, avec un peu moins de 30 kilomètres à faire, Mark Cavendish et les autres sprinteurs avaient déjà plié bagage.
Déjà un drame
Deux aspirants au podium final ont déjà été écartés en raison d’une lourde chute survenue dans une descente à 22 kilomètres de l’arrivée.
Le leader des Movistar, Enric Mas, a été contraint à l’abandon, alors que l’Équatorien Richard Carapaz, qui a difficilement repris la route, demeure un cas incertain pour la 2e étape. «J’ai vu ça. C’était une grosse chute», a terminé Woods, heureux d’avoir évité le pire.
La suite du roman à suspense pourrait s’écrire dimanche avec le second chapitre d’une lutte familiale entre deux frères qui occupent le haut du classement avec huit secondes d’écart.
Le bon travail de Houle et Boivin n’a pas été récompensé
Même si Michael Woods n’a pas été en mesure de se battre pour la victoire, Hugo Houle et Guillaume Boivin ont fait le maximum pour lui permettre de terminer avec les meneurs.
« Je suis content. J’avais des craintes de m'écraser et je ne voulais pas me battre trop fort. J'ai perdu plusieurs positions et j’ai dû me rattraper. Ce n’était pas nécessairement le but de me tuer », a expliqué Woods, toujours à l’aise en français.
Ce dernier aurait bien aimé se retrouver à l’avant comme les frères Yates. « C’était mon but de faire comme eux mais malheureusement je n’étais pas dans la même position. Je pense que les gars qui étaient dans le groupe ont passé le test. Pour certains autres, ce n’est pas game over », a-t-il ajouté.
En confiance
Pour sa part, Hugo Houle était heureux d’avoir respecté la stratégie de l’équipe même si la récompense ultime n’est pas au rendez-vous. Chez Israel-Premier Tech, les dirigeants souhaitaient aussi un coup d’éclat de Corbin Strong, qui a finalement terminé au 15e rang, à 33 secondes du gagnant.
« Tout le monde est toujours nerveux le premier jour. L’objectif était de garder Mike devant et j’étais un des premiers à travailler. J’imagine qu’il était bien et ça va le mettre en confiance. On a fait le maximum pour lui », a mentionné Houle.
Après son effort, le Québécois a levé le pied avant de conclure la journée au 90e rang, à 9m42s du vainqueur. Boivin, lui, a franchi la ligne environ trois minutes après.
« On a fait du bon travail et j’ai fini tranquillement. Je n’avais pas trop à m’inquiéter. C’était difficile mais pas dangereux. Il y avait beaucoup de monde dans les bosses et une belle ambiance. Les Basques sont fervents de vélo. »
Houle a aussi eu une pensée pour la famille Yates et l’équipe UAE. « C’est cool de voir les deux frères comme ça. Quand j’ai vu les résultats, ça m’a fait sourire. Pogacar est en forme et UAE est plus fort que les autres années, surtout avec Yates en plus. Ça leur permet de jouer la stratégie avec Jumbo. »
Des détails importants
L’entraîneur montréalais Paulo Saldanha chez IPT était également satisfait de cette première journée.
« C’est une bonne performance. C’est une question de positionnement. Tu ne peux pas être 25e dans la côte », a affirmé le directeur de la performance, véritable gourou dans l’équipe.
« Mike a fait un super beau résultat et Corbin n’était pas loin non plus. Mon travail était de les mettre dans la meilleure position possible dans la bosse et je suis content. On va espérer mieux dans les prochaines journées », a terminé Guillaume Boivin.