Réforme de la santé: la décentralisation remise en doute
Les auditions sur la réforme de la santé ont débuté aujourd’hui à Québec


Patrick Bellerose
Les promesses de décentralisation du ministre Christian Dubé ont été mises à mal, mercredi, au premier jour des audiences sur sa vaste réforme du réseau de la santé.
De façon générale, les témoins ont salué l’objectif du projet de loi 15, qui confiera les opérations quotidiennes à une nouvelle agence, Santé Québec, tout en conservant les orientations stratégiques au sein du ministère de la Santé.
Mais les intervenants ont émis des doutes sur l’affirmation du ministre de la Santé, qui y voit une importante décentralisation grâce à la nomination de gestionnaires responsables à la tête de chaque établissement (hôpital, CHSLD, Centre jeunesse, etc.).
«Bien que le mémoire du ministre sur le projet de loi numéro 15 énonce que l’intention est de décentraliser la prise de décisions vers les établissements, le projet de loi ne confère par le volet opérationnel aux établissements, mais plutôt à Santé Québec», a fait remarquer la commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay.
La pièce législative ne précise pas non plus la «marge de manœuvre dont disposeront les décideurs» en échange de leur imputabilité, a-t-elle ajouté.
«On peut se demander dans quelle mesure les gestionnaires locaux disposeront de l’autonomie nécessaire pour atteindre les objectifs qui leur seront exigés des autorités centrales. À notre avis, il faudra apporter des clarifications à ce débat», a déclaré Joanne Castonguay.
Une solution
Auteur d’un important rapport en 2001 sur l’organisation du système de santé, l’ex-ministre Michel Clair estime également que la nomination de gestionnaires locaux amènera une «déconcentration», plutôt qu’une décentralisation.
Il reconnaît toutefois qu’un réel retour du pouvoir aux autorités régionales serait difficile après 20 années de fusions. «On est allé trop loin dans l’autre direction», estime-t-il.
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Pour palier ce problème, M. Clair propose une solution de son cru : la mise en place de «conseils de surveillance et d’alliances communautaires» régionaux devant lesquels les gestionnaires devraient rendre des comptes.
Ces conseils, composés d’une douzaine de membres, seraient formés entre autres de représentants des MRC, des entreprises d’économie sociale, de la police communautaire, des organismes communautaires en santé mentale, etc.
À titre d’exemple, ceux-ci pourraient alerter les dirigeants locaux du réseau de la santé si l’argent investi en soins à domicile a peu d’impact sur le terrain, a-t-il illustré.
Travail de pédagogie
Avant le début des travaux, le ministre Dubé a souligné que la commission parlementaire servira justement à expliquer aux citoyens comment sa réforme permettra de rapprocher les décideurs des patients.
«[La] décentralisation, on va avoir la chance de l’expliquer aux Québécois, ça veut dire aussi d’être capables d’aller proche du terrain, d’être capables de se rapprocher d’eux pour savoir ce qu’ils veulent», a déclaré Christian Dubé.
«Par exemple, comment on va faire pour que les plaintes se rendent plus directement aux bonnes personnes pour qu’on puisse agir», dit-il.
Le ministre fait notamment valoir que les nouveaux comités d’usagers – qui relèveront désormais de l’autorité régional plutôt que d’un hôpital ou un CHSLD – permettront à Santé Québec d’avoir un meilleur pouls du terrain.
«Parce que, malheureusement, souvent dans les comités d’usagers qui existaient, l’information ne se rendait pas jusqu’à l’établissement [régional]», affirme le ministre.