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Culture

Kim Thúy nous dévoile ce que son fils autiste lui a appris

La pièce «Ấm» sera au TNM du 9 septembre au 4 octobre 2025

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Alicia Bélanger-Bolduc

2025-05-15T10:00:00Z
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L’émerveillement et l’énergie sans borne de Kim Thúy font d’elle un coup de cœur du public depuis plusieurs années. Autrice bien populaire racontant des récits envoutants, son roman Ru a été adapté au cinéma et c’est maintenant au théâtre que Kim fera rayonner sa passion et son sens de l’histoire.

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Parle-moi du projet Ấm

C’est vraiment un autre projet qui vient me confirmer que je suis la fille la plus chanceuse qui soit! Je voulais aller à la rencontre de deux univers avec des personnages très différents l’un de l’autre, entre lesquels il y a des chocs. On parle d’une union entre le monde oriental et le monde occidental, entre les cultures vietnamienne et québécoise, mais aussi de l’univers de mon fils autiste. Comment apprend-on à se connaître dans un monde qui n’est pas le nôtre et réussit-on à s’enrichir grâce à cette différence? On voit les personnages évoluer à travers les histoires du quotidien pour pouvoir illustrer ces chocs. On peut les percevoir comme des chocs culturels, mais j’aime mieux les penser comme des découvertes.

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Quel a été le processus créatif derrière l’œuvre?

Je me suis fait approcher par Lorraine Pintal pour écrire une pièce pour le TNM et j’ai été très surprise. Je n’avais jamais créé de dialogues, mais elle m’a fait confiance et m’a accompagnée lors du processus. J’ai aussi eu la chance de collaborer avec le réalisateur de Ru, Charles-Olivier Michaud, qui me connaît très bien et qui nous a aidées pour l’inspiration des projections qui seront projetées. J’ai même sollicité mon conjoint, Yves Leduc, un passionné de théâtre, pour m’aider à écrire les dialogues. Je lui demandais de répondre comme le ferait mon personnage masculin, afin de m’en inspirer. Malgré le fait que l’établissement était en rénovation et que nous avons créé dans une toute petite pièce sombre et sans ventilation, j’ai adoré mon expérience jusqu’à maintenant. J’étais tellement investie dans l’écriture que j’oubliais même de m’arrêter pour aller aux toilettes! (rires)

Dominic Gouin / TVA Publications
Dominic Gouin / TVA Publications

Quel a été le processus pour le choix des acteurs?

Le nom de Cynthia Wu Maheux est tout de suite venu en tête de liste, puisque Lorraine aime beaucoup collaborer avec elle. C’est une comédienne investie, qui met du travail, du temps dans ses personnages, et qui n’a pas peur de poser des questions. Jean-Philippe Perras, je ne le connaissais pas avant, mais quel talent! Il a vraiment donné le ton à l’histoire. Nous sommes aussi allés chercher l’artiste en danse Jimmy Trieu Phong Chung pour interpréter le garçon autiste. Iel a été un choix évident, on a eu un coup de cœur dès les premiers instants. On a développé ce personnage pour faire référence aux mouvements qui sont différents dans un cerveau autistique, où la vision de l’espace et du volume n’est pas similaire. Valmond fait des gestes très originaux, que j’adore!

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As-tu eu le même vertige en composant cette pièce que dans l’idéation du film Ru?

Je ne dirais pas tant un vertige, mais un ravissement. Faire partie de ce travail est chaque fois une jouissance. J’avais déjà vécu mon orgasme! (rires) Quand j’ai reçu la maquette du projet, j’ai presque pleuré tellement j’étais fière. Ça nous a donné un autre rush d’énergie pour avancer. Je suis bénie de tous les dieux qui existent! (rires)

Dans le film, nous découvrons une Kim très timide, ce qui n’est pas le cas de la femme que nous connaissons maintenant. Quand s’est faite cette libération?

C’est la version québécoise de Kim! (rires) Au Vietnam, c’était dangereux de parler avec les soldats qui habitaient avec nous, donc on se taisait pour ne pas avoir à mentir ou à dénoncer des gens. Après, dans le camp de réfugiés, tu n’as même plus droit aux sensations, parce que c’est trop difficile physiquement. De 0 à 10 ans, je n’étais pas connectée à mes émotions et c’est en côtoyant le peuple québécois tellement accueillant que j’ai appris à m’affirmer. Je constate que mes parents et moi avons encore de la difficulté à bien mettre un sentiment sur ce qu’on vit. J’ai cependant intégré uniquement les émotions positives! (rires)

Tu es une grande passionnée de la nourriture. C’est aussi une forme de communication pour toi?

C’est la meilleure façon de s’exprimer! Pourquoi, quand on mange un ragoût, considère-t-on que ça nous procure du réconfort? Parce qu’on ne réalise pas qu’on se nourrit du temps! On déguste l’attention que quelqu’un a mis dans son plat. On ne comprend pas à quel point l’intangible du temps à un effet sur nous. Si on mange du fast-food, on se sent lourd, mais on a faim rapidement, car on n’a pas mangé d’attention. On porte ces nombreuses réflexions sans s’en rendre compte.

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Tu es très impliquée auprès de ton fils Valmond. Qu’est-ce qu’il t’a appris de plus précieux?

Il m’a enseigné l’humilité. Si j’avais seulement eu mon fils Justin, je serais devenue arrogante envers la vie. En tant que parent, si ça n'avait été que de Justin, j’aurais été en avant de lui, à essayer de lui transmettre le plus de savoir possible et le bagage le plus complet. Valmond est arrivé deux ans plus tard et, dans son cas, tu ne peux que marcher à côté de lui et le suivre. Il a fallu apprendre selon son cerveau qui était différent. Valmond, il s’en fout, si tu ne l’écoutes pas. Mais si tu ne le fais pas, tu ne le comprendras jamais. Il faut que tu te mettes dans sa position. J’en suis même devenue une meilleure mère pour Justin, parce que je me suis mise à l’entendre, lui aussi. Valmond m’a donc donné cette humilité qui veut que tu ne peux rien contrôler ni imposer à la vie.

Qu’elle est la relation entre tes deux fils?

Valmond pense que c’est son frère qui le protège le mieux. Justin a quitté la maison à 22 ans, quand il est devenu avocat, et il n’a jamais fermé la porte de sa chambre, même la nuit. Parfois, Valmond se réveillait et allait se réfugier dans son lit. Quand Justin est arrivé avec son amoureuse, Noémie, que nous aimons tant, il lui a rappelé qu’elle devait le partager! (rires) Ils viennent encore tous souper à la maison tous les dimanches avec mes parents, qui habitent juste à côté.

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Justement, comment vont tes parents?

Ils sont en très bonne forme! Mon père a 87 ans, il est encore lucide et m’aide toujours avec Valmond. Ma mère, je la regarde d’ailleurs en ce moment, dans notre jardin commun. Elle y travaille avec acharnement depuis deux semaines. Elle n’arrête jamais. J’ai rencontré Yves il y a trois ans, et ses parents habitent maintenant aussi avec nous. Ils s’entendent très bien avec les miens. À son dernier voyage au Vietnam, ma mère a rapporté une belle robe pour sa mère et des pyjamas pour son père.

À quoi ressemblent les pauses lecture de Kim?

C’est vraiment n’importe où et quand j’ai quelques minutes. On a certainement 100 fois plus de livres qu’on est capable de lire, mais on se donne le droit de le faire si on a un coup de cœur. Mon argument est celui d'Umberto Eco, qui disait que c’est bien d’avoir trop de livres dans une bibliothèque: ça nous rappelle qu’on ne sait pas tout encore. Mon amoureux et moi nous sentons très insécures si nous n’avons aucun livre dans notre sac. On en traîne toujours un, même si on sait qu’on n’aura jamais le temps de l’ouvrir. On aime constamment se partager les beaux passages qu’on lit. C’est peut-être aussi pour ça qu’on n’avance pas! (rires)

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À quoi ressemblera ton été?

Nous aménageons dans notre nouvelle demeure, donc on s’attardera à ça. Sinon, j'envisage un été lent, que je vais consacrer à la pièce. Je me rends disponible à n’importe quel moment pour l’équipe. Yves occupe aussi un nouveau poste qui lui prend beaucoup de temps, alors j’ai dû ralentir pour lui donner une base solide afin qu’il se concentre sur son travail. On se donne tous les deux cinq ans avant de ralentir et de s’amuser. Je reviens de l’École polytechnique fédérale de Zurich, qui a enseigné aux grands de ce monde. On m'y a offert un cours carte blanche que j’ai pu donner en seulement deux jours intensifs, pour palier avec mon horaire. J’ai adoré mon expérience et je ne crois toujours pas qu’ils m’aient fait confiance! J’ai aussi des projets de livre en tête, mais Yves va devoir m’enfermer dans une pièce pour que je commence à m’y attarder.

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