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L'article provient de Le Journal de Québec
Culture

Isabelle Picard parle des conséquences des rafles des années 60 dans les communautés autochtones dans son nouveau roman

Inspiré de faits vécus

Isabelle Picard est ethnologue. Elle est originaire de Wendake.
Isabelle Picard est ethnologue. Elle est originaire de Wendake. MARIO BEAUREGARD/AGENCE QMI
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Photo portrait de Marie-France Bornais

Marie-France Bornais

2024-04-27T07:30:00Z
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Ethnologue spécialiste des Premières Nations et autrice de la série jeunesse à succès NISH, maintenant en lecture obligatoire dans plusieurs écoles, Isabelle Picard s’est inspirée de l’histoire de sa famille pour écrire son nouveau roman pour adultes, Des glaçons comme du verre. Un roman coup de poing qui lève le voile sur les rafles des années 60 au sein des communautés autochtones, spécialement à Wendake, au cours desquelles les agents des Affaires indiennes imposaient leurs décisions, plaçaient des enfants dans des familles d’accueil, dans des orphelinats, dans des pensionnats, dans des écoles de réforme ou même les donnaient en adoption sans le consentement de leurs parents. 

Isabelle Picard s’est inspirée de son histoire familiale pour écrire Des glaçons comme du verre.
Isabelle Picard s’est inspirée de son histoire familiale pour écrire Des glaçons comme du verre. © Éditions Flammarion Québec

Isabelle Picard raconte l’histoire d’amour de Henri et Belle Picard, qui se sont rencontrés à la manufacture de raquettes en babiche. Elle est blanche, il est Wendat. Ils sont amoureux et se marient. Henri est aussi guide en forêt pour les riches touristes chasseurs et pêcheurs. Après la naissance de leur dixième enfant, Belle est emportée par le cancer.

On est à la fin des années 50 et Henri souhaite garder ses enfants près de lui mais le curé, la travailleuse sociale et l’agent des Affaires indiennes imposent leurs décisions. Sept enfants sont dispersés. La famille est brisée. Quarante ans plus tard, Liliane met tout en œuvre pour retrouver et réunir ses frères, ses sœurs et leurs descendants.

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Les fonctionnaires gouvernementaux

Isabelle Picard aborde de sujets de première importance dans son roman. «J’avais envie de parler de la rafle des années soixante et de l’influence des agents des Affaires indiennes au sein des familles des Premières Nations», explique-t-elle en entrevue par courriel.

«Ces fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes qu’avait chaque communauté dans ses bureaux jusque dans les années 1980. C’était eux qui géraient et décidaient de pas mal tout», explique l’autrice, qui est originaire de Wendake.

On lui a souvent demandé si ses parents étaient allés dans les pensionnats. «La réponse était toujours oui et non. Oui parce que mon père est allé à l’orphelinat et au pensionnat mais non parce que ce n’était pas un pensionnat pour Autochtones mais une école de redressement (Don Bosco). Il n’en avait pas besoin, c’était le choix de l’agent des Affaires indiennes et dans des familles d’accueil.»

«Tout ce pan de l’histoire canadienne est méconnu mais c’est la rafle des années 60 qui donnait le droit à l’agent des Affaires indiennes de prendre les enfants dans les familles pour les placer dans des orphelinats, pensionnats ou familles d’accueil et même de les faire adopter contre la volonté des parents pour des raisons parfois disons... arbitraires.»

Isabelle Picard est ethnologue spécialiste des Premières Nations.
Isabelle Picard est ethnologue spécialiste des Premières Nations. MARIO BEAUREGARD/AGENCE QMI

Faits vécus

L’histoire de Belle et Henri est vraiment inspirée de faits vécus. «C’est inspiré de l’histoire de ma famille Picard et d’autres histoires d’Autochtones rencontrés au fil des ans, qui m’ont partagé leurs histoires entourant la rafle des années 60. Évidemment, les noms et certains faits ont été modifiés pour le bien du roman mais aussi pour protéger ma famille et les autres témoins qui parfois vivent encore avec ce fardeau. On peut dire que c’est une histoire très réaliste, pas mal authentique.»

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«J’ai aussi tenu à garder plusieurs lieux réels comme la fabrique de raquettes (qui a existé, il y en a encore une), le Club Triton (cette partie est réelle), le bar, l’église, les pensionnats et orphelinats, etc. J’ai découvert que mon grand-père était chanteur au Château Frontenac. Je n’en avais aucune idée. Je sais maintenant pourquoi j’aime tant chanter...»

La culture huronne-wendat

Isabelle Picard a aussi présenté la culture huronne-wendat comme elle était à l’époque des faits. «Plusieurs éléments, comme la langue, étaient noyés dans la culture majoritaire environnante, par des décennies de colonisation, par la perte des territoires. J’ai voulu en montrer le résultat à une certaine époque (fin des années 50).»

Des glaçons comme du verre

Isabelle Picard

Éditions Flammarion Québec

296 pages

  • Isabelle Picard est originaire de Wendake.
  • Elle est ethnologue, chargée de cours, chroniqueuse, analyste, conférencière, consultante, formatrice et autrice. Elle a initié et œuvré à mettre en place le projet de revitalisation de la langue wendat et a été chargée de projet pour la mise en place de l’Institution Kiuna, le premier cégep autochtone au Québec.
  • Elle anime l’émission de radio Si petite la planète, à la première chaîne de Radio-Canada.
  • Elle a publié une série jeunesse, Nish (Les Malins) qui a remporté un grand succès et a été traduit en anglais. Il est question d’une adaptation télé.
  • Elle sortira en mai une novella aux Éditions Hannenorak.
  • Son site web: isabellepicard.ca.

«Octobre 1956
La journée était grise. Belle cherchait la lumière par les quelques fenêtres de la maison de la rue du Chemin-de-Fer, mais elle ne la trouvait nulle part. D’habitude, à cette heure-ci, la lumière entrait par le nord, transperçant la toute petite vitre que Belle avait fait ajouter à la porte qui menait à la cour. Depuis trois jours, la mère de famille ne pouvait compter que sur une ampoule pour égayer tout le rez-de-chaussée, celle qui pendant au bout d’un fil rouge en plein milieu du salon, la seule pour toute la maison.»
- Isabelle Picard, Des glaçons comme du verre, Éditions Flammarion Québec

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