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Faut-il construire un TGV entre Toronto et Québec? On en jase avec un expert

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Photo portrait de Andrea Lubeck

Andrea Lubeck

2024-03-14T14:15:57Z
2024-03-15T15:55:03Z
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Ça prend au maximum 3h30 (parfois aussi peu que 2h) se rendre de Paris à Bordeaux, en France, en train à grande vitesse (TGV), une distance similaire au trajet Montréal-Toronto. Au Canada, cet itinéraire prend près de 6h d’auto ou 4h, en tout et partout, en avion. La question se pose donc: doit-on construire un TGV reliant Toronto et Québec, comme l’a sous-entendu en février le dirigeant d’une filiale de VIA Rail? Un expert répond à nos questions.

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À quoi pourrait ressembler un TGV Toronto-Québec?

Mettons tout de suite une chose au clair: en fonction de certaines dispositions d’un tel projet, la vitesse d’un TGV au Canada n’aurait rien à voir avec celle des trains en Europe ou en Asie, dont certains peuvent rouler jusqu’à plus de 300 km/h. Au Canada, sur certains segments, le train devrait opérer à vitesse ralentie, souligne Pierre Barrieau, expert en planification du transport.

Que ce soit le tracé, la vitesse, les coûts ou l'échéancier, on ne connaît à peu près rien du possible projet de train reliant Québec et Toronto. C’est d’ailleurs la première fois qu’un tel projet est évoqué par Via Rail – et sa filiale Via TGF –, qui s’est vu confier la mission de plancher sur un projet de train à grande fréquence. D’ailleurs, Via TGF ne veut pas opposer TGV et TGF; la filiale parle plutôt d’un «train rapide», sans limite de vitesse.

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Et pourquoi Québec-Toronto? Ce corridor regroupe environ la moitié de la population du Canada.

Qu’est-ce que ça prend pour construire un TGV?

D’abord, il faudrait construire un nouveau chemin de fer supportant une telle vitesse, puisque les voies ferrées actuelles «ne sont pas suffisamment entretenues pour accueillir des trains allant à haute vitesse», explique M. Barrieau, qui est également chargé de cours à l’Université de Montréal.

Mais avant toute chose, ça prend un consensus des experts et de la population, mais aussi des industries à l’échelle du pays pour investir l’argent nécessaire.

Est-ce qu’un TGV serait rentable?

«On a la densité de population, on a le marché et on a aussi le besoin de le faire», assure Pierre Barrieau.

Selon lui, même si la construction d’un TGV coûterait cher, ne pas le réaliser coûterait encore plus cher. Il évoque les montants exorbitants qui devront être injectés pour améliorer les autoroutes et les aéroports à Montréal et Toronto si le projet de TGV ne voit pas le jour.

Un projet de TGV serait aussi créateur d’emplois, en plus de permettre de retourner beaucoup d’argent en taxes de vente, en impôts sur le revenu et en impôts des entreprises dans les poches du gouvernement, ajoute le chargé de cours.

Quels sont les bénéfices d’un TGV?

En plus de l’économie de temps, écologiquement parlant, le TGV, qui roulerait à l’hydroélectricité, représente la meilleure option pour voyager dans le corridor Toronto-Québec.

La construction d’un TGV permettrait aussi de supprimer des vols «inutiles» et polluants.

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«Il n’y a aucune raison qu’une personne prenne un vol Ottawa-Montréal, sauf si c’est pour une correspondance», insiste le chargé de cours. C’est d’ailleurs ce que fait l’Europe, qui élimine, voire interdit, des vols sur des trajets qui peuvent être faits efficacement en TGV.

Et dans le cas de voyageurs qui doivent effectuer une connexion à Montréal pour se rendre à l’international, un TGV les amènerait d’Ottawa à l’aéroport Dorval en moins d’une heure, illustre Pierre Barrieau.

Photo tirée du site web de Siemens
Photo tirée du site web de Siemens

Quels sont les obstacles à la construction d’un TGV?

Il y a d’abord les coûts de construction, qui étaient estimés entre 65 et 80 milliards $ par Transports Canada en juillet 2023.

«C’est sûr que ça peut sembler beaucoup. Mais on parle d’un projet d’infrastructure qu’on fait une fois par siècle qui va avoir des impacts sur l’un des plus importants corridors économiques du Canada et de l’Amérique du Nord. Alors un 65 milliards $, si les bénéfices s’étalent sur 100 ans, ça ne devient finalement pas une dépense si importante que ça», affirme Pierre Barrieau.

D’autres obstacles pourraient se dresser sur le chemin d’un TGV:

  • Le projet aurait des conséquences environnementales, puisque le tracé pourrait devoir être construit où se trouvent des marais en Ontario, notamment.
  • Il faudrait aussi faire des expropriations, un processus qui peut «prendre beaucoup de temps», souligne l'expert en planification des transports.
  • La pénurie de main-d’œuvre dans l’industrie de la construction vient aussi mettre des bâtons dans les roues du projet
  • Et contrairement à la France, nous n’avons pas l’expertise nécessaire ici pour réaliser un tel projet. «On va devoir créer la capacité industrielle et la main-d’œuvre qu’il faut pour faire le projet, ce qui est une limitation», précise Pierre Barrieau.

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Le saviez-vous?

Jusque dans les années 80, les compagnies aériennes canadiennes appartenaient aux chemins de fer. Et comme le transport de passagers par train était une industrie déficitaire, contrairement au transport de marchandises, les passagers ont été poussés à prendre l'avion.

«Il y avait un conflit d’intérêts. Étant donné que le Canadien Pacifique (CP) opérait à la fois les trains et les avions, il a choisi de privilégier le service aérien pour les passagers. Ç’a été la même chose avec le Canadien National (CN). C’est comme ça qu’on a développé notre système aérien», précise Pierre Barrieau.

Le texte a été mis à jour pour ajouter des précisions de Via TGF.

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