Pannes, retards, bruit: est-ce qu'on est trop dur avec le REM?


Camille Dauphinais-Pelletier
On entend beaucoup parler en mal du Réseau express métropolitain (REM) ces derniers temps. Quatre pannes en quatre jours, des navettes d'autobus qui n'arrivent pas lors de bris de service, des utilisateurs qui abandonnent et s'achètent une voiture ou encore du bruit qui dérange les résidents. Mais le REM est-il si problématique ou est-ce qu'on est trop dur avec le métro léger sur rail? On explore la question.
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Les problèmes du REM
Voici certains des reproches qui sont faits au REM tel qu'on le connaît actuellement:
- Il survient assez fréquemment des arrêts de service, qui peuvent durer jusqu'à quelques heures.
- Lors des arrêts de service, la situation n'est pas toujours clairement communiquée aux utilisateurs et les navettes d'autobus qui devraient prendre le relais ne sont pas toujours déployées promptement.
- Le bruit émis par le passage du train sur les rails a dérangé plusieurs résidents des quartiers environnants (Griffintown, Pointe-Saint-Charles et L'Île-des-Soeurs).
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La question, donc: le REM fonctionne-t-il vraiment tout croche?
«C'est sûr que ça frappe l'imaginaire les pannes, puisque c'est quelque chose de neuf, et quand c'est neuf, on s'attend à ce que ça ne se brise pas», reconnaît Jean-Philippe Meloche, professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal.
«Mais quand il y a une panne de voiture qui bloque une route, c'est rare qu'on fasse un article de journal, remarque-t-il. Pourtant, ça peut créer un bouchon pendant une heure et des gens arrivent en retard au travail. Des fois, des milliers d'automobiles doivent faire un détour juste à cause de ce véhicule-là.»
Malgré un taux de fiabilité global de presque 99% (c'est-à-dire que si vous allez prendre le REM, statistiquement, ça risque de bien se passer), il y a quand même des facteurs qui expliquent que les pannes soient plus choquantes.
«Les pannes dans le métro de Montréal donnent rarement des articles dans le journal aussi. Mais bon, on est habitués, on sait comment ça fonctionne, c'est relativement bien géré... Et c'est plus spectaculaire rester pris sur le pont Champlain en plein hiver que d'évacuer la station de métro Saint-Laurent», mentionne M. Meloche.
Aussi, lors d'une panne de métro, la STM déploie rapidement ses propres autobus. Quand le REM tombe en panne, plus d'acteurs sont impliqués et l'intégration n'est pas encore au point, souligne-t-il.
Ailleurs dans le monde
Difficile de dire si le REM fonctionne moins bien que d'autres projets similaires ailleurs dans le monde.
«Un train aérien qui roule dans une ville de 4 millions d’habitants, où il fait en moyenne -10 degrés Celsius un 4 janvier, il en existe un seul, et c'est le REM. C'est sûr que des problèmes inconnus vont émerger, et ils peuvent être difficiles à prévoir», explique M. Meloche, qui précise que les prochaines phases du REM pourraient se dérouler avec moins d'accrocs.
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Parlant des prochaines phases, il ne faut pas les négliger quand on évalue la contribution du REM au transport en commun dans le Grand Montréal. Si tout se déroule comme prévu, dès la fin de l'année, le REM passera sous le mont Royal, reliant ainsi les lignes de métro orange, verte et bleue.
Les branches desservant l'ouest de l'île et Deux-Montagnes devraient aussi ouvrir d'ici la fin de l'année. Et c'est sans compter celle qui rejoindra éventuellement l'aéroport, dont l'ouverture est prévue en 2027.
Ce genre de mode de transport lourd est important à développer dans un contexte de lutte aux changements climatiques, dit-il.
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Et le bruit?
En ce qui concerne le bruit, la situation semble s'être grandement améliorée, selon des témoignages récoltés par 24 heures.
À l'automne dernier, l'équipe du REM avait assuré qu'elle mettrait en place des mesures d'atténuation pour amoindrir le bruit − principalement en meulant les rails et en posant des absorbeurs dynamiques.
«J'entendais le passage du train du REM facilement de chez moi, comme si on frottait deux grosses pierres l'une contre l'autre en continu, ou comme le grondement d'un gros avion dans le ciel», se souvient un résident de Pointe-Saint-Charles, qui habite à environ 800 mètres des rails et qui préfère garder l'anonymat.
«Maintenant, je ne l'entends plus vraiment lorsque je sors devant chez moi. Avant, lorsque j'étais tout près, par exemple dans le stationnement du Costco, il fallait parler très fort pour qu'on puisse s'entendre. Maintenant, au même endroit, le train du REM semble glisser sur les rails et le son ressemble à ce qu'on entendrait sur une patinoire», relève-t-il.
Des propos qui trouvent écho sur divers groupes Facebook regroupant des citoyens de Pointe-Saint-Charles et de Griffintown.
«J'habite littéralement devant le REM [...], je trouve que les derniers travaux (absorbeurs au niveau des rails) ont diminué le bruit causé par le REM au point où je n'y fais plus trop attention», écrit un homme dans le groupe «Nous sommes des citoyens de Griffintown».
Jean-Philippe Meloche souligne par ailleurs que ce qui dérange généralement les gens dans ce genre de projet, c'est d'être passé d'un environnement sans bruit à un environnement plus bruyant.
«Quand les gens vont commencer à bouger avec les années, il va y avoir une sorte de sélection naturelle, et après un bout, il n'y aura plus personne qui ne va parler de ça. Les gens qui vont habiter près du REM seront ceux qui auront fait le choix délibéré d'habiter là», précise-t-il.
*Le mode de gouvernance du REM est aussi critiqué, mais pour cet article, nous nous sommes intéressés exclusivement à l'expérience utilisateur.