Est-ce qu’il y a de «faux réfugiés» au Canada comme le prétend Pierre Poilievre?


Léa Martin
Pierre Poilievre a évoqué la présence au pays de faux demandeurs d’asile ou réfugiés lors de son passage à Tout le Monde en parle, dimanche. À qui le politicien fait-il référence, au juste? Est-ce qu’il y a effectivement de vrais réfugiés et de faux réfugiés sur le territoire canadien? On fait le point.
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«Il faut que l’entrée soit légale à la porte d’entrée régulière et il faut aussi éviter les faux demandeurs d’asile», a affirmé le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre.
Il répondait à une question de l’animateur Guy A. Lepage sur le contrôle des demandeurs d’asile qui se présentent à la frontière pour échapper aux politiques de Donald Trump.
Pendant l’entrevue, le chef conservateur a ajouté qu’il ne fallait pas laisser entrer des gens «qui ne sont pas de vrais réfugiés».
C’est quoi, un réfugié?
Un réfugié est une personne à l’extérieur de son pays d’origine «craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques [...]», selon la convention de Genève de 1951.
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Avant d’obtenir le statut de réfugié, une personne peut entrer au Canada et demander l’asile. Alors que son dossier sera examiné par un tribunal indépendant, elle devra notamment fournir des preuves de persécution dans son pays d’origine, explique le docteur et spécialiste en droit international de l’immigration, Baptiste Jouzier.
«À aucun moment, donc, tu peux avoir un faux réfugié. On peut se voir reconnaître le statut de réfugié ou voir sa demande rejetée à l'issue d'une procédure juridique. Surtout, ce n’est pas à un homme politique ou à quelque autorité politique de décider qui est un réfugié ou pas», ajoute-t-il.
Une personne peut perdre son statut de réfugié, par exemple, si la situation s’est améliorée dans son pays d’origine, précise Baptiste Jouzier.
Qui peut demander l’asile au Canada?
Il est possible de demander la protection du Canada pour deux motifs:
- En se déclarant réfugié au sens de la Convention de Genève de 1951.
- En demandant le statut de personne à protéger.
À cause de délais administratifs, une personne pourrait demeurer demandeur d’asile pendant plusieurs années.
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«La croissance des demandes n'a pas été accompagnée par une croissance des ressources dans le système. Alors, ça prend des années [à traiter les dossiers]», souligne la professeure de géographie de l’Université de Montréal, Luna Vives.
Elle craint d’ailleurs que le retour de Donald Trump alourdisse encore davantage le système. Encore plus de demandeurs d’asile pourraient se présenter à la frontière canadienne à cause des politiques de Donald Trump qui menacent leur sécurité, avance-t-elle.
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«La détention des demandeurs d'asile, la détention des enfants et la déportation dans des endroits comme El Salvador sont devenues normalisées aux États-Unis», mentionne la professeure.
Appel à la prudence
Baptiste Jouzier s’inquiète que des politiciens et des chroniqueurs utilisent des expressions comme «faux réfugiés» ou «faux demandeurs d’asile».
Selon lui, «ça peut amener justement à des actes de violence et de l'incitation à la haine».