Est-ce aux employés de baisser leur salaire pour sauver la STM?


Andrea Lubeck
Le conflit de travail qui oppose les employés d’entretien à la Société de transport de Montréal (STM) est un symptôme de la crise du financement des transports collectifs au Québec. La question qui se pose: est-ce aux employés de s’adapter — et d’accepter de moins bonnes conditions de travail — pour assurer le service aux usagers?
• À lire aussi: 2 nouvelles grèves en novembre: la STM devrait-elle rembourser ses usagers?
• À lire aussi: Les syndicats: bons ou mauvais pour les travailleurs (et le Québec)?
La directrice générale de la STM, Marie-Claude Léonard, insistait au début de l’été: la société de transport «se doit d’évoluer» et «de performer à moindre coût», alors que la rémunération compte pour un peu moins de la moitié des charges d’exploitation de l’organisation.
De l’autre côté, les employés d’entretien demandent une hausse de salaire de 25% sur cinq ans, en plus de s’opposer à la création d’horaires atypiques de soir et de fin de semaine.
En juin dernier, le président du Syndicat de transport de Montréal-CSN, Bruno Jeannotte, n’en démordait pas: un recul des conditions de travail «n’est pas une des solutions au sous-financement» des transports en commun, a-t-il tonné en entrevue à 24 heures.

Les employés d’entretien entameront ce vendredi leur troisième grève, qui devrait s’échelonner sur presque tout le mois de novembre. Les chauffeurs d’autobus, opérateurs de métro et agents de station, réunis sous un syndicat différent, tiendront également trois jours de grève durant le mois: les 1er, 15 et 16 novembre.
Pour réaliser des économies, il propose plutôt de s’attaquer à la sous-traitance et de faire le ménage du côté administratif.
Des salaires historiquement élevés
C'est vrai: les salaires à la STM sont plus élevés que dans le privé et la fonction publique, tant fédérale que provinciale. S'attaquer aux conditions de travail des employés pourrait toutefois causer des ruptures de service, a prévenu Jean-Philippe Meloche, professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal, en entrevue à 24 heures en juin dernier.
• À lire aussi: Nouvelle grève des employés d’entretien de la STM pour une grande partie du mois de novembre
«On pourrait vouloir jouer [dans la rémunération] pour réduire les coûts, mais ce n’est pas évident, parce que la STM ne pourra pas forcer le retour au travail, même si c’est ce qu’elle souhaiterait», a souligné le spécialiste en finances publiques locales et en transport urbain.
«Elle [la STM] doit négocier dans un climat où le transport en commun est un service essentiel. La grève crée énormément de dommage et, éventuellement, ça va être politiquement difficile à tenir», a-t-il ajouté.
Automatiser pour réduire les coûts
Plutôt que de baisser les salaires de ses employés, la STM devrait travailler à automatiser certaines de ses opérations, a proposé le professeur Meloche. L’idée est de réduire les besoins en main-d’œuvre pour éventuellement baisser sa masse salariale.
Il donne l’exemple du Réseau express métropolitain (REM). Même si les infrastructures ont coûté «très, très cher», les trains sont automatisés, ce qui fait diminuer les coûts d’exploitation.
«Souvent, on peut même le faire en augmentant les salaires. On garde moins de monde, mais on les paie mieux. Ça coûte plus cher à court terme, mais à long terme, ça permet des économies», a-t-il précisé.
Sous-financement?
Ça ne veut pas dire que Québec ne devrait pas — et ne pourrait pas — augmenter le financement du transport en commun, a affirmé Jean-Philippe Meloche.
Des solutions s’offrent d’ailleurs au gouvernement: une hausse des impôts ou des taxes municipales, une augmentation de la taxe sur l’immatriculation ou encore l’imposition d’une taxe kilométrique — plus on roule, plus on paye — pour faire contribuer les propriétaires de véhicules électriques.
• À lire aussi: Plus de voies réservées aux autobus à Montréal: bonne ou mauvaise idée?
Rappelons que le plus récent budget provincial alloue 560 millions de dollars supplémentaires sur cinq ans entre 2030 et 2035 pour le maintien d’actifs de transport collectif partout dans la province, ce qui est en deçà des 585 millions sur trois ans estimés nécessaires.
Tant les organismes du milieu que la mairesse sortante de Montréal, Valérie Plante, dénoncent un sous-financement en transport collectif, surtout en comparaison aux sommes allouées au réseau routier.
Un garage qui passe mal
Pendant que la STM demande à ses employés de se serrer la ceinture, Bruno Jeannotte s’insurge contre le centre de transport Bellechasse de la STM dont l’ouverture est imminente.

Le garage souterrain, qui avait d’abord été construit pour les autobus électriques, ne pourra pas en accueillir à son ouverture à l’automne 2025 à cause de risques d’incendie. Ce seront finalement des autobus au diesel et hybrides qui y seront stationnés.
La STM a d’ailleurs précisé à 24 heures que l’électrification du garage Bellechasse sera faite dans «une phase ultérieure de la transformation vers le tout-électrique» à la société de transport.
La facture du projet a plus que doublé pour s’établir à 584,5 millions de dollars.
«Pensez à la perte monétaire qu’il y a dans ce projet-là», a déploré Bruno Jeannotte.