Publicité
L'article provient de Le Journal de Montréal
Justice et faits divers

Enquête publique Carpentier: des policiers ébranlés par l’issue d’une opération «qui allait trop vite»

Les spécialistes en recherches terrain de la SQ ont fait état mercredi du manque d’effectifs qui a plombé l’opération

Photos d'archives, Stevens LeBlanc
Partager
Photo portrait de Pierre-Paul Biron

Pierre-Paul Biron

2023-02-22T20:45:42Z
Partager

Les spécialistes en recherche de la SQ «ont fait ce qu’ils ont pu avec ce qu’ils avaient» dans le dossier de Norah et Romy Carpentier, la mort des fillettes ayant visiblement touché profondément ces policiers qui auraient souhaité plus d’effectifs. «J’aurais donné ma vie pour les petites», a insisté l’un d’eux.

• À lire aussi: Recherches des soeurs Carpentier par la Sûreté du Québec: «C’est sûr qu’on était à court d’effectifs»

• À lire aussi: Enquête publique Carpentier: une alerte Amber «qui n’a pas donné grand-chose»

• À lire aussi: Enquête publique Carpentier: des recherches déplacées malgré une trace de pas

Nul ne doute de la volonté de tous les intervenants de la Sûreté du Québec de retrouver les fillettes vivantes, mais pour les spécialistes en recherche, la pilule semble encore plus difficile à avaler vu le manque de soutien.

«J’aurais donné ma vie pour les petites», a confié avec émotions Martin Bonneau, gestionnaire de recherches terrain à compter du 10 juillet au matin. «On a fait notre possible avec ce qu’on avait, mais notre priorité, c’était les petites.»

Son collègue Paul Gosselin est lui aussi devenu émotif en abordant la découverte des deux petits corps inertes le matin du 11 juillet 2020.

Publicité
Photo Pierre-Paul Biron
Photo Pierre-Paul Biron

«Il a fallu gérer la tristesse de l’événement», a reconnu celui qui en était à l’une de ses premières opérations en tant que technicien de recherches à ce moment.

«Ça a été difficile», lui a demandé le coroner Luc Malouin, question à laquelle M. Gosselin n’a pu répondre qu’en ravalant un sanglot.

«Ça allait trop vite»

Durant la journée du 9 juillet, 6 marcheurs spécialisés de la SQ étaient accompagnés de 4 patrouilleurs, pour former deux équipes de 5 personnes. Le lendemain, une seule équipe de sept marcheurs débute la journée.

  •  Écoutez l'entrevue de Stéphane Luce, président de Meurtres et Disparitions Irrésolus du Québec au micro de Richard Martineau, disponible en balado sur QUB radio : 

Trois bénévoles de l’Association québécoise des bénévoles en recherche et sauvetage (AQBRS) se déploient un peu plus tard, mais leur arrivée coïncide avec le départ de trois policiers spécialisés. 

Deux ont été envoyés sur une autre opération à Natashquan et un troisième avait des ennuis de santé selon les témoignages entendus.

«C’est sûr qu’on aurait pris plus d’effectifs», a convenu Paul Gosselin.

Et il aurait aussi fallu des renforts au niveau décisionnel a fait remarquer le coroner Luc Malouin, qui préside l’enquête publique.

Publicité

Parce que pendant qu’il participait à des breffages où étaient présents «une douzaine d’enquêteurs», Martin Bonneau portait trois chapeaux simultanés, soit gestionnaire de recherches terrain, officier responsable des opérations et sergent responsable du module de la direction des mesures d’urgence.

«Tout ce qui était analyse, fixer les priorités, avoir le recul nécessaire, oublier ça, moi je ne l’ai pas. [...] Ça va trop vite», a insisté lors de son témoignage le sergent Bonneau, exposant être «embarqué dans une formule 1 qui roulait 300 km/h».

Problèmes de communication

Signe du manque de support, les équipes de recherches ont été rejointes par un enquêteur agent de liaison chargé de faire le lien entre leur poste de commandement et celui des enquêtes que vers 17h le 10 juillet, soit une trentaine d’heures environ après le début des recherches.

«Est-ce que la communication était optimale? Non. C’était la première fois que je vivais ça. L’enquêteur qui est arrivé, il aurait été mieux qu’il arrive plus tôt», a analysé Paul Gosselin.

Son collègue a aussi indiqué avoir reçu 130 appels sur son téléphone dans la journée du 10 juillet seulement, un autre élément qui complique le travail de recherche.

«C’était aux minutes, aux deux minutes», a expliqué M. Bonneau, témoignant de la folie entourant le dossier.

Manque de recul pour contester des décisions

Quant à la décision de déplacer les recherches le matin du 10 juillet, deux des témoins entendus mercredi ont admis ne pas avoir contesté le plan de match des officiers, mais ont mentionné ne pas avoir été consultés pour établir celui-ci.

Publicité

Après un signalement de cris derrière des résidences qui se trouvaient à 8 km de l’endroit où avaient été retrouvées des empreintes la veille, l’ensemble des marcheurs avait été déplacé vers le secteur de la rue Veilleux.

«J’ai n’ai pas remis en doute le travail des enquêteurs, je n’ai pas émis d’opinion parce que je rentrais au dossier», a expliqué Martin Bonneau, ajoutant que la décision était prise à son arrivée.

«Et moi je n’avais pas le temps de prendre le recul, d’analyser. J’étais accoté.»

Alors que le témoin était questionné par l’un des avocats représentant les officiers sur les demandes d’aide qu’il aurait pu formuler, le coroner Malouin est intervenu de façon assez directe pour recadrer le débat.

«Je n’accepterai pas qu’on blâme messieurs Bonneau et Gosselin. Ils ont fait leur possible avec ce qu’ils avaient et je les félicite», a réitéré le coroner.


Unités de recherches à la SQ: «On vit sur un poumon»

Les unités spécialisées en recherches de la Sûreté du Québec ont subi d’importantes coupes à partir de 2012 a évoqué mercredi l’un de ses gestionnaires, l’amenant à dire que le service «vit sur un poumon seulement».

Lors de son témoignage dans le cadre de l’enquête publique du coroner sur le décès de Norah et Romy Carpentier, Martin Bonneau a expliqué qu’avant 2012, une soixantaine de policiers faisait partie de la direction des mesures d’urgence à Québec, tandis que 90 de leurs collègues faisaient partie des unités de la région de Montréal.

En 2020, lors de la disparition des fillettes, il a été évoqué au cours de l’enquête qu’environ 50 policiers seulement composaient l’escouade.

«Ça a été coupé de près de 50%», avait évoqué mardi Marc Leblanc, lui aussi gestionnaire de recherches terrain.

«On vit sur un poumon seulement. C’est ma perception», a ajouté Martin Bonneau mercredi. «On ne les a plus ces effectifs-là.»

Vous avez un scoop à nous transmettre?

Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?

Vous avez un scoop qui pourrait intéresser nos lecteurs?

Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.

Publicité
Publicité