Il faut 30% moins d’autos et qu’elles soient plus petites, dit Équiterre


Sarah-Florence Benjamin
Même si le Québec est en avance de deux ans sur ses cibles d’électrification des véhicules, ça ne sera pas suffisant pour atteindre l’objectif de carboneutralité en 2050, selon un rapport d’Équiterre. Pour réussir sa transition énergétique, le Québec doit non seulement électrifier ses voitures, mais aussi réduire leur nombre et leur taille.
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Quand on constate qu’en 2024, les véhicules zéro émission représentaient 30,9% des véhicules neufs vendus, on pourrait se féliciter. C’est bien, mais c’est loin d’être assez, comme nous le révèle un rapport d’Équiterre.
En utilisant une modélisation réalisée par Coop Carbone à l’aide des données de la SAAQ, l’organisme a constaté que si le parc automobile continue à croître au rythme actuel, le Québec n’aura réduit ses émissions que de 58% d’ici 2040, même si toutes les nouvelles voitures vendues sont électriques.

«L’électrification est essentielle, mais pas suffisante. En plus, l’électricité est précieuse, on le voit alors que le niveau des barrages d’Hydro-Québec est particulièrement bas cet été», souligne Blandine Sebileau, analyste en mobilité durable chez Équiterre.
«Le gaspillage actuel d’énergie, que nos véhicules soient à essence ou à l’électricité, est colossal», ajoute-t-elle.
De plus, les ventes de véhicules électriques au Canada ont chuté de 50,8% lors du premier trimestre, sous l’influence des tarifs de Donald Trump, de l’abandon des politiques d’électrification aux États-Unis et de l’arrêt ou ralentissement des incitatifs financiers au Québec et au Canada.
C’est une autre preuve qu’il faut éviter de baser la transition énergétique sur une seule solution, selon l’analyste, qui a travaillé sur le rapport.
Des plus petites voitures, et moins
En plus d’électrifier les véhicules, il faudra réduire leur nombre et leur taille si le Québec veut atteindre ses objectifs de carboneutralité.
Selon les calculs de Coop Carbone, réduire le nombre de voitures de 30% et la proportion de VUS ou de camions sur les routes d’ici 2040 permettrait d’ajouter 41% de réduction d’émission de GES, ce qui nous amènerait à 82% moins de GES générés par le transport par rapport au niveau de 2024.
La réduction du nombre et de la taille des voitures permettrait d’économiser 10,5TWh par an. C’est plus que la production annuelle du complexe hydroélectrique de la Romaine (7,9 TWh en 2021).

«On pourrait faire des économies d’énergie qui pourraient être utilisées pour électrifier tous les foyers du Québec et chauffer avec de l’énergie propre», affirme Blandine Sebileau.
Le rapport d’Équiterre avance que ces économies d’électricité pourraient aussi servir à décarboner des parties des secteurs agricoles et miniers.
La solution à d’autres problèmes
Cette solution à trois têtes agit aussi sur des enjeux qui ne sauraient être réglés par l’achat de plus de (grosses) voitures électriques: la congestion, l’impact des gros véhicules sur la sécurité et l’aménagement de l’espace public, le coût des véhicules et la pression sur les ressources naturelles qui servent à alimenter ces véhicules.
Blandine Sebileau reconnaît que la question de réduire le nombre de voitures est souvent épineuse, vu la place de l’automobile dans notre société et notre imaginaire collectif. Il y a néanmoins des «gains majeurs» à aller chercher pour toute la société si on se décide à faire ces grands changements, et pas seulement pour l'écologie, assure-t-elle.
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Comment faire
Pour réaliser cette vision d’ici 2040, dire aux gens d’abandonner leur voiture ou d’en acheter une plus petite sans avoir accès à une autre alternative n’est pas réaliste, selon l’analyste.
«Le transport collectif doit être développé, il faut financer les réseaux existants en ville, mais aussi le transport interurbain. Il faut prioriser l’autopartage. Chaque auto en autopartage libère 10 véhicules, un bus en libère 40 et un métro, 800», souligne-t-elle.
Pour réduire la taille des véhicules, le gouvernement doit adopter des réglementations qui incitent les constructeurs — qui produisent des véhicules de plus en plus gros — à répondre à la demande pour les petites voitures.
Blandine Sebileau propose aussi des mesures comme les taxes sur les gros véhicules, le stationnement urbain modulé selon le poids de la voiture, mais aussi de laisser entrer davantage de petites voitures étrangères, comme les voitures chinoises sur lesquelles le Canada a imposé des tarifs de 100%. L’idée est de créer «une compétition qui encouragerait les constructeurs à aussi produire ce genre de véhicules, plus légers et abordables».
Ce n’est pas demain que tout ça arrivera, mais «le Québec s’est engagé à atteindre la carboneutralité d’ici 2050 et doit investir dès maintenant pour faire ces gains-là», rappelle l’analyste d’Équiterre.
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