Deux évènements sportifs majeurs à Montréal embourbés dans les chantiers routiers et l’enfer des cônes orange
Le Grand Prix de Formule 1 et la Coupe des Présidents doivent vivre avec «l’expertise» québécoise des travaux routiers

François-David Rouleau
Qu’ont en commun le Grand Prix du Canada et la Coupe des Présidents, deux évènements sportifs internationaux générant des dizaines de millions de dollars en retombées économiques pour Montréal et le Québec? Leur principale voie d’accès au site sera entravée par de lourds chantiers routiers synonymes d’embouteillages, de maux de tête opérationnels, de frustration et surtout, d'une image négative à l’échelle internationale.
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Au fil du temps, Montréal s’est forgé cette réputation de métropole constamment en mode travaux routiers. Et cette année, elle la hisse au rang de véritable maîtrise.
Des 44 chantiers routiers majeurs à venir au cours d'un autre été chaotique dans la grande région de Montréal, trois sont directement situés aux portes de grands évènements sportifs attendant plus de 120 000 spectateurs.

À l’occasion du Grand Prix du Canada la semaine prochaine, l’entrée principale des îles Notre-Dame et Sainte-Hélène sera entravée par des travaux routiers à deux endroits: l’autoroute Bonaventure et le pont de la Concorde.


Encore!
Oui, encore ce fameux pont enjambant le fleuve Saint-Laurent où les travaux se succèdent depuis la nuit des temps. Il représente la principale voie d’accès pour les distributeurs, les livreurs, les clients et dignitaires, les pilotes et membres des écuries, etc.

Sur les voies surélevées de Bonaventure à la hauteur de l’avenue Pierre-Dupuy, une voie sur trois est retranchée dans chacune des directions. Sur le pont de la Concorde un peu plus loin, une voie est retranchée. Il faut donc encore s’attendre à un point chaud et du retard comme par les années passées.
Et en septembre, dans l’ouest de Montréal, l’unique accès à L’Île-Bizard sera un véritable cauchemar puisque le nouveau pont Jacques-Bizard ne sera pas prêt à temps pour le tournoi de golf.
Le grand patron du Grand Prix, François Dumontier, dénonce une fois de plus les travaux répétés pour mener au circuit Gilles-Villeneuve, tandis que le circuit de la PGA, organisateur de la Coupe des Présidents, compose avec le gigantesque défi logistique d’amener plus de 35 000 spectateurs quotidiennement au Royal Montréal.
Quels messages la panoplie de travaux routiers aux abords de ces sites lancera-t-elle à l’international?
«Je ne crois pas que cet été, Montréal et le Québec brilleront à l’échelle internationale, se désole Monsef Derraji, porte-parole de l’opposition officielle en matière d’infrastructures et de transports. On ne fait rien pour améliorer l’expérience et la qualité de la visite des athlètes, des touristes et des spectateurs.

Si les accès aux sites sont difficiles, que la problématique est connue depuis longtemps, cela envoie le très mauvais message qu’on a de sérieux problèmes de mobilité chez nous.»
Critiques du passé
Revenons dans le passé. Durant la semaine du Grand Prix de 2019, le pilote chez Mercedes, Lewis Hamilton avait tourné en dérision le chantier du pont de la Concorde devant la presse internationale.

«Ce pont-là, ils y travaillent depuis que j’ai commencé en F1, avait relaté le pilote britannique septuple champion du monde qui a débuté en F1 en 2007, exagérant à peine.»

Son patron, Toto Wolff, avait aussi critiqué la planification des chantiers au Québec. «Je ne suis pas impressionné. Ça n’arrête jamais et il y en a partout.»
«Je ne sais pas si un jour, les travaux seront terminés», avait aussi lancé Hamilton.
Eh bien non, car pour se rendre au circuit la semaine prochaine, la vedette internationale traversera encore un chantier sur le pont.
Lors du Grand Prix quelques jours plus tard, la ministre du Tourisme, Caroline Proulx, avait confié à notre chroniqueur Réjean Tremblay «espérer que tous ces médias, ces réseaux de télévision fassent rayonner Montréal et le Québec. En rentrant dans le système de la F1, on réalise l’ampleur et la portée du Grand Prix. On a le Québec dans le cœur. On veut le faire rayonner.»

Comment y arriver alors que la principale voie d’accès est embourbée par des travaux depuis des années et le sera encore l’an prochain?
Le jour de la marmotte à Montréal
Cinq ans plus tard, force est d’admettre que les paliers de gouvernement impliqués dans les travaux routiers n’ont pas écouté les touristes et les citoyens qui vivent le jour de la marmotte. Ils récidivent en plantant des chantiers aux portes des grands évènements.
Avec sa vingtaine de partenaires, «Mobilité» Montréal se défend avec ses arguments habituels: dégel, climat, saison courte de travaux, infrastructures vieillissantes, etc.
«On ne peut pas diminuer le nombre de chantiers, car il y a des cibles à atteindre et les infrastructures sont vieillissantes, en particulier au centre-ville, parmi tous nos partenaires», explique le porte-parole administratif de la Ville de Montréal, Philippe Sabourin.

«Le Grand Prix est un évènement majeur avec 80 M$ de retombées économiques, ajoute-t-il, dans lequel environ 25 M$ de fonds publics sont investis chaque année pour la tenue de la course. C’est une belle visibilité pour Montréal.»
Plusieurs intervenants directement impliqués dans le Grand Prix et la Coupe des Présidents ne sont vraiment pas du même avis. Une source près du dossier du tournoi de golf estime que le chantier de L’Île-Bizard sera «un désagrément pour tout le monde, des golfeurs, qui parlent de nous à l’international, aux spectateurs, qui nous visitent et livreront leurs impressions».
«C’est triste que nos deux évènements sportifs d’envergure vivent la même problématique, poursuit-il. On reçoit le monde en montrant notre piètre planification. D’autres villes mieux organisées souhaiteraient certainement obtenir ces évènements.»