«Déplorable»: deux féminicides passés sous le radar dans le Nord-du-Québec plus tôt cette année
Des intervenants soulignent à grands traits l'importance du «devoir de mémoire» à l'égard des victimes de violence conjugale


Laurent Lavoie
Des policiers et un organisme en violence conjugale déplorent que deux féminicides survenus plus tôt cette année dans le Nord-du-Québec n’aient pas attiré l'attention dans le reste de la province, et rappellent l’importance du « devoir de mémoire » de chaque victime.
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« Ce que je trouve déplorable, c’est que le grand public ne soit pas au courant exactement de ce qui se passe au Nunavik et du haut niveau de violence qui se passe quotidiennement », résume le capitaine Patrice Abel, responsable des enquêtes criminelles à la police du Nunavik.
« On a dans le Nunavik au complet 6 à 7 meurtres par année. Il y a des féminicides là-dedans dont on n’entend parler nulle part », ajoute le policier d’expérience.
Les deux plus récents cas, ébruités récemment sur les réseaux sociaux par des organismes en violence conjugale, remontent au printemps dernier, dans deux secteurs différents du Nord-du-Québec.
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Retrouvée sous la maison
Début mai, Raingi Tukai, 38 ans, avait été portée disparue.
Des proches étaient sans nouvelles d’elle depuis son départ, en avril, pour aller rejoindre son conjoint Joanassie Weetaluktuk, à Inukjuak, près de la baie d’Hudson.
Des indices soutenaient entre autres l’hypothèse que la trentenaire pouvait s’être égarée et avoir été victime du froid, un dénouement déjà vu dans la région.
Selon nos informations, les autorités auraient retrouvé dans les semaines suivantes la mère de 7 enfants enterrée sous la maison de Weetaluktuk, qui avait été rencontré précédemment par les policiers.
L’homme de 34 ans fait face à des accusations de meurtre et d’outrage à un cadavre.

« Il faut savoir qu’il y avait un historique de violence conjugale entre les deux, ce qui est extrêmement commun ici au Nunavik », affirme le capitaine Abel, ajoutant qu’aucun interdit de contact n’était cependant en vigueur au moment du drame.
Quatre enfants sans maman
Quelques semaines avant l’assassinat de Mme Tukai, le 24 mars, une autre femme serait morte aux mains de son conjoint. Cette fois, c’était à Wemindji, une terre crie.
La police de Eeyou Eenou avait rapporté dans un communiqué avoir retrouvé la victime de 33 ans gravement blessée dans une résidence.
Le décès de Stephanie Kitchen, mère de 4 enfants, a plus tard été confirmé. Des accusations de meurtre et d’agression armée ont notamment été portées contre Alexander Weistche, 33 ans.
Des agents seraient intervenus auprès du couple dans le passé, rapporte Randy Kitchen, inspecteur aux enquêtes criminelles.
« C’est triste de ne pas avoir la même attention médiatique que d’autres communautés, se désole-t-il. Si on avait [celle-ci], peut-être que les choses pourraient changer et que les gens pourraient avoir de l’aide professionnelle. »
Il souligne d’ailleurs que le confinement durant la pandémie a empiré les cas de violence conjugale.
Pied d’égalité
Ces meurtres rappellent l’importance de mettre toutes les victimes sur un « pied d’égalité », estime SOS violence conjugale.
« On voit ça comme un devoir de mémoire [...] un devoir de respect pour ces personnes qui ont payé de leur vie une maladie qui est sociale », souligne la porte-parole, Claudine Thibaudeau.
« On veut se préoccuper autant d’une femme qui meurt à Wemindji ou Inukjuak, qu’à Drummondville, Trois-Rivières ou Montréal », insiste la travailleuse sociale.
5 possibles féminicides en 2023
- Stephanie Kitchen, 33 ans, à Wemindji, dans le Nord-du-Québec

- Raingi Tukai, 38 ans, à Inukjuak, dans le Nord-du-Québec

- Melbita Devoe, 51 ans, à Mont-Tremblant, dans les Laurentides

- Ansuya Patel, 56 ans, et sa fille Jienna, 12 ans, à Montréal

- Robyn-Krystle O'Reilly, 34 ans, à Wickham, dans le Centre-du-Québec

Les conclusions de certaines enquêtes policières pourraient modifier au fil du temps cette compilation.
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SOS violence conjugale
- www.sosviolenceconjugale.ca
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