Consentement sexuel: la crédibilité des femmes remise en question


Genevieve Abran
Les femmes sont des «menteuses», des «manipulatrices» et «inventent des agressions sexuelles pour nuire à des hommes»: les mythes et préjugés liés au consentement sexuel des Québécois remettent en question la crédibilité des victimes d’agressions sexuelles, révèle une nouvelle étude de l’UQAM publiée mardi.
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Plus de 75% des personnes sondées pensent que «les femmes qui se font prendre à tromper leurs partenaires prétendent parfois qu’il s’agissait d’une agression sexuelle».
Elles sont aussi plus de 56% à croire que «les femmes vont à des fêtes en portant des vêtements provocateurs, [parce qu’]elles cherchent de l’attention sexuelle de la part des hommes».
«Ces croyances reposent sur une hypothèse que les fausses allégations seraient un phénomène répandu, ce qui n’est pas corroboré par les études scientifiques», soutient Sandrine Ricci, coautrice de l’étude et chercheuse doctorale à la Chaire de recherche sur les violences sexistes et sexuelles en milieu d’enseignement supérieur de l’UQAM.
«Dans la réalité, la méfiance généralisée envers la parole des femmes a pour conséquences très concrètes de freiner les dévoilements et les signalements d’agression sexuelle et de contribuer au silence qui entoure trop souvent ces phénomènes», souligne-t-elle.

Pire chez les plus jeunes et les moins jeunes
Les hommes, les personnes âgées de 15 à 25 ans et de 66 ans et plus ainsi que les personnes avec un niveau moins élevé de scolarisation sont plus susceptibles d’adhérer à des mythes et préjugés relatifs à l’agression sexuelle.
Ces mêmes groupes sont aussi plus susceptibles d’adopter des attitudes défavorables au consentement sexuel, particulièrement les hommes.
«Notre groupe plus jeune et notre groupe plus âgé se distingue significativement des autres groupes d’âge sur toutes les catégories de mythes. Ils vont endosser de façon systématique, de façon plus élevée, chaque catégorie», constate la professeure à l’Université du Québec en Outaouais (UQO), Dominique Trottier.
C'est particulièrement le cas dans les catégories de mythes qui remettent en question la crédibilité des victimes et ceux qui minimisent l’intention de l’agresseur.
«C’est quand même en cohérence avec d’autres résultats de recherche par rapport au retour aux attitudes homophobes et du conservatisme chez les jeunes», ajoute Karine Baril, professeure à l’UQO.
Plusieurs signes positifs
Les chercheures ont toutefois observé plusieurs signes encourageants qui démontrent une progression dans les mentalités, comme un rejet assez clair des mythes qui tendent à minimiser la gravité de l’agression sexuelle.
Par exemple, 73% de la population n’est pas d’accord avec l’idée que si une femme ne se défend pas physiquement, on ne peut pas vraiment dire qu’une agression sexuelle s’est produite.
Aussi, 71% des personnes répondantes sont en désaccord avec l’idée qu’un rapport sexuel ne peut pas être considéré comme une agression si la femme ne résiste pas physiquement, même si elle s’y oppose verbalement.
«Une partie du travail de sensibilisation porte ses fruits, mais il reste beaucoup à faire pour déconstruire des idées fausses qui fragilisent la parole des victimes et entravent leur accès à la justice», avance Sandrine Ricci.
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Selon la chercheure, la solution passe notamment par un meilleur effort de sensibilisation dans les écoles primaire et secondaire.
Aucun mythe ou préjugé dans l’enquête n’est toutefois rejeté complètement par la majorité population québécoise.
«Une adhésion, même faible, a des mythes demeure préoccupante parce que l’adhésion à ces mythes va venir façonner les perceptions de la population sur ce qu’est une agression sexuelle, qui peut être cru et qui doit être tenu responsable d’une agression sexuelle» soutient Karine Baril, professeur à l’UQO.