Après les Kleenex, les serviettes hygiéniques rationnées au CHUM


Anne-Sophie Poiré
Après le rationnement des papiers-mouchoirs, le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) demanderait de ne plus offrir de serviettes hygiéniques aux patientes, pas même dans le département de gynécologie. Deux infirmières affirment que la mesure aurait été mise en place pour faire des économies, ce que dément l’hôpital.
«J’ai demandé si je pouvais avoir une serviette après mon examen pour absorber les écoulements de sang, mais l’infirmière du CHUM m’a dit que le ministre [de la Santé] Christian Dubé avait coupé dans les protège-dessous. J’ai demandé si je pouvais avoir des mouchoirs, elle m’a dit qu’il avait aussi coupé là-dedans», raconte Érika, en entrevue au 24 heures.
Lundi dernier, la jeune femme de 34 ans s’est rendue au département de gynécologie du CHUM pour une colposcopie, un examen qui permet d’examiner le col de l’utérus et le vagin.
Dans le cadre du test, une solution d’iode est appliquée sur le col de l’utérus pour faciliter l’observation des tissus.
«On m’a dit que mes écoulements allaient être noirs. Ça a donc taché mes sous-vêtements. Ce n’est vraiment pas grave, mais j’aurais aimé qu’on me donne au moins un petit protège-dessous», souligne Érika.
Cette situation fait écho à la chronique de Patrick Lagacé publiée la semaine dernière dans La Presse, dans laquelle il rapportait que le CHUM avait décidé de rationner les Kleenex pour faire des économies.
«Les patients doivent traîner eux-mêmes leurs mouchoirs s’ils s’attendent à de mauvaises nouvelles», confiait une médecin au chroniqueur, après avoir dû offrir du papier brun à un patient en fin de vie et à sa famille.
Économies de bouts de chandelle
Le CHUM se dit «sensible» à la situation «désagréable» vécue par Érika, tout en rappelant que les patientes sont informées qu’elles doivent apporter leurs propres produits hygiéniques pour les examens gynécologiques comme la colposcopie.
«Ça a toujours été ainsi au CHUM et dans les hôpitaux comparables depuis plus de 15 ans», affirme la porte-parole de l’établissement de santé, Rébecca Guénard-Chouinard.
Érika n’a pourtant jamais reçu cette consigne, assure-t-elle.
Il y a deux ou trois semaines, le CHUM aurait émis la directive de ne plus donner de brosses à dents, de mouchoirs et de serviettes hygiéniques aux patients «pour faire des économies de bouts de chandelle», ont confirmé à 24 heures deux infirmières du centre hospitalier qui ont requis l’anonymat par crainte de représailles.
«Avant, il y avait toujours des produits menstruels à disposition dans le service de gynécologie», assure l’une des deux employées.
«Si on pense que la clientèle au CHUM est composée de beaucoup de personnes sans-abri, comment peut-on penser qu’une femme qui vit dans la rue va avoir des protections hygiéniques?» dénonce l’autre.
Selon une recherche sommaire effectuée par 24 heures, une serviette hygiénique revient à environ 25 sous l’unité en fonction de la marque et du degré d’absorption.
Sachant que le CHUM enregistre plus de 13 000 visites par année en gynécologie, il est possible d’estimer que l’établissement montréalais économise tout au plus autour de 3250$ annuellement en ne donnant pas de serviettes aux patientes.
Dans les faits, les économies seraient probablement moindres, puisque ce ne sont pas tous les rendez-vous en gynécologie qui donnent lieu à un examen.
Une affaire de femmes
«C’est très préoccupant. Et c’est encore plus inquiétant dans un établissement de santé où on sait très bien que les saignements sont des effets secondaires courants des examens gynécologiques», lance la directrice générale au Réseau québécois d’action pour la santé des femmes (RQASF), Élise Brunot.
«Quand on va faire des coupes budgétaires, on va sabrer les dépenses que l’on juge superflues. On parle pourtant ici de produits qui sont essentiels à la santé des femmes», ajoute-t-elle.
Le RQASF considère que des produits d’hygiène menstruelle devraient être offerts dans les établissements privés et publics, au même titre que le papier de toilette.
«On parle seulement de fournir un protège-dessous après un examen qui entraîne des saignements. Ça démontre que l’on considère encore que les produits menstruels sont des petites affaires de femmes et qu’elles doivent se débrouiller avec ça», déplore Mme Brunot.