Catastrophe dans les urgences du Québec depuis la rentrée scolaire
La situation est critique depuis 10 jours


Héloïse Archambault
Les urgences du Québec sont une «catastrophe» depuis la rentrée scolaire, déplorent des spécialistes sur le terrain qui craignent pour la sécurité des patients.
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«Ça va mal depuis la mi-août, mais depuis 10 jours, c’est la catastrophe», avoue le Dr Gilbert Boucher, président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec (ASMUQ).
Pénurie de personnel, fermeture de lits, COVID-19 : les urgences du Québec sont débordées depuis plusieurs mois. Or, la rentrée scolaire qui augmente la propagation de différents virus a ajouté une nouvelle couche de pression.
Hier, le taux d’occupation des civières atteignait 200 % à l’hôpital Royal Victoria (CUSM), à Montréal, et 184 % à Châteauguay.
Écoutez l'entrevue avec Dr Gilbert Boucher à l’émission de Benoit Dutrizac diffusée chaque jour en direct 11 h via QUB radio :
«Le bordel»
«C’est abominable. Ça ne fait qu’empirer. En fin de semaine, ça risque d’être le bordel, appréhende Marguerite Denis, une infirmière auxiliaire de l’urgence de l’hôpital Santa Cabrini, à Montréal. Je pense que c’est dangereux.»
En effet, plusieurs travailleurs des urgences ont souligné au Journal qu’ils craignent pour la qualité des soins offerts. Puisque les patients attendent plus longtemps, le risque de manquer un cas grave est plus grand.
«J’ai peur de faire des erreurs, avoue une urgentologue de la région de Québec. On essaie de faire du mieux qu’on peut, mais ça ne fonctionne plus.
«Ce n’est pas pour faire peur aux gens, mais il y a une limite à ce qu’un humain peut faire», dit-elle.

À titre d’exemple, Mme Denis a dû offrir un médicament intramusculaire moins efficace à un patient souffrant, parce qu’aucune infirmière n’était disponible pour l’injection par intraveineuse, un acte qu’elle ne peut pas poser.
«On a à cœur la santé de nos patients, mais ça n’a aucun sens, confie celle qui se fait demander de faire des heures supplémentaires tous les jours. On est complètement en train de se noyer.»
Impact sur la qualité
«Il y a des complications prises plus tardivement, c’est sûr qu’il y a un impact sur la qualité», croit aussi le Dr Simon-Pierre Landry, médecin de famille qui travaille dans une urgence des Laurentides.
Plusieurs urgences sont tellement pleines que jusqu’à 60 % des patients couchés sur des civières sont en attente d’un lit à l’étage, notent des docteurs.
«Quand un patient très malade arrive, c’est le branle-bas de combat. Le système est excessivement plein. Une goutte crée une grosse vague, soupire le Dr Gilbert Boucher. Ça fait que beaucoup de cas non urgents ne seront pas vus, les gens retournent à la maison.»
«Les vacances viennent de finir et les visages des employés s’allongent, soupire-t-il. L’automne s’annonce très chaud, l’hiver aussi.»
Manque d’accès
Selon les employés interrogés, le manque d’accès en première ligne et sur les étages des hôpitaux cause cette congestion majeure dans les urgences. Les patients qui avaient retardé une consultation en raison de la pandémie sont aussi plus nombreux.
Certaines mesures, dont le guichet d’accès à la première ligne (GAP), ont été instaurées récemment pour mieux soigner les patients sans médecin de famille, mais la prise en charge demeure difficile et les bénéfices tardent à se faire ressentir.
Attente dans les urgences du Québec
33 % Des patients sur civière plus de 24 h
La cible est de 0 %
18 h Durée moyenne de séjour sur civière
La cible est de 14 h
120 % Taux d’occupation des civières
La cible est de 85 %
Pires taux d’occupation des civières
- Lanaudière 168 %
- Laval 147 %
- Montérégie 142 %
- Laurentides 140 %
- Outaouais 136 %
- Montréal 135 %
- Chaudière-Appalaches 127 %
Source : Tableau de bord MSSS, données d’hier
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