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«Cash for keys»: des locataires se font offrir 6000, 8000 et 15 000$ de leur proprio pour quitter leur logement

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Photo portrait de Jean-Michel  Clermont-Goulet

Jean-Michel Clermont-Goulet

2024-02-28T21:09:38Z
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Connaissez-vous la pratique du cash for keys? C’est lorsqu’un propriétaire propose à un locataire une somme importante d’argent pour briser son bail. L’objectif: reprendre le logement sans devoir passer par le processus normal d’éviction. On a parlé à trois personnes qui se sont fait offrir des milliers de dollars pour partir.

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Camille, locataire

  • Compensation offerte: 15 000$

Camille et sa coloc habitent un 5 1⁄2 à 1300$ par mois dans un immeuble à sept logements du Plateau Mont-Royal. Elles ont reçu deux offres pour céder leur bail: 10 000$ en 2022 et 15 000$ en 2023.

«C’est beaucoup d’argent, mais quand on fait le calcul, c’est très peu comparativement à ce que les proprios retireront des rénovations et de l’augmentation de loyer. Si on a à déménager, ce serait chacune de notre côté dans un 3 1⁄2 qui se louerait chacun au prix de notre loyer actuel», souligne la Montréalaise.

fizkes - stock.adobe.com
fizkes - stock.adobe.com

Depuis que son immeuble a été racheté en 2020 par une entreprise, tous les logements ont été rénovés, à l’exception du sien. Peu de temps après la vente, la jeune femme et sa coloc avaient reçu un avis d’augmentation de loyer de 350$ par mois, qu’elles ont refusé.

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«D’après moi, c’était une tactique pour faire peur, mais ça n’a tout simplement pas fonctionné avec nous», confie Camille, dont le loyer n’a finalement augmenté que de 35$ à l’époque.

Pour partir, Camille voudrait recevoir une offre de 20 000$, soit 10 000$ chacune. Elle utiliserait ce montant pour faire une mise de fonds sur un condo. La locataire attend de voir quelle sera l’offre de ses proprios cette année, mais elle n’est vraiment pas pressée de partir.

Carol-Ann, locataire

  • Compensation offerte: 6000$

Ce mois-ci, Carol-Ann s’est fait offrir 6000$ pour céder son 4 1⁄2 qui lui coûte 959$ dans Rosemont-La-Petite-Patrie.

«Lorsqu’il [un employé de l’entreprise qui gère son immeuble] a cogné à la porte, je lui ai surtout fait savoir que ça ne m’intéressait pas. Je lui ai aussi reproché de contribuer à un problème de société et je me suis un petit peu fâchée», confie la jeune femme, en riant.

Même si elle a rabroué le représentant de l’entreprise immobilière, la locataire hésite à accepter l’offre. Elle avoue que 6000$, c’est beaucoup d’argent. Mais dans l’état actuel du marché, elle craint que ce montant ne soit pas suffisant pour couvrir la différence avec son prochain loyer.

Carol-Ann envisage donc de déposer une contre-offre et de demander plus pour quitter son appartement situé dans un immeuble de 20 logements. Elle voudrait toucher suffisamment d’argent pour pouvoir faire une mise de fonds sur une propriété.

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Marie-Pascale Leclerc, locataire

  • Compensation offerte: 8000$

Marie-Pascale a accepté de quitter son ancien logement après que les nouveaux propriétaires du duplex l’aient, dit-elle, menacé de lui faire vivre l’enfer si elle et ses colocs décidaient de rester.

«À un moment, on leur a dit que s’ils voulaient absolument qu’on parte, qu’ils nous fassent une proposition, qu’on n’allait pas juste casser un bail pour [leur] faire plaisir et se retrouver dans la rue», confie-t-elle en entrevue à 24 heures.

Marie-Pascale Leclerc, locataire
Marie-Pascale Leclerc, locataire PHOTO Courtoisie

Les nouveaux propriétaires, deux couples d’amis, souhaitaient reprendre les deux logements du duplex pour y emménager, explique Marie-Pascale.

Après des discussions tendues, elle et ses colocs ont finalement décidé de quitter le grand 7 1⁄2 dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve qu'ils payaient 1850$ par mois en échange d’une compensation de 8000$, soit 2000$ par locataire.

Pourquoi offrir autant d’argent à ses locataires? L’avis d’un propriétaire

Pour Nicolas, qui a acheté en 2022 un immeuble de huit logements à Longueuil avec des amis, offrir de l’argent à ses locataires pour les inciter à céder leur bail est une manière de se sortir la tête de l’eau.

Avec les taxes municipales à la hausse, les taux d’intérêt qui ont bondi et l’installation d’un nouveau système d’incendie, lui et ses associés sont «solidement dans le rouge», explique-t-il à 24 heures. C’est pourquoi ils ont décidé d’offrir 5000$ à cinq locataires qui hésitaient à partir, dans l’espoir de pouvoir rénover les logis et monter les loyers.

Pour lui, c’était la seule solution pour retrouver la rentabilité.

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«Quelles sont les autres options? Couper dans les dépenses et laisser l’immeuble se dégrader? Faire des rénovictions?» demande le jeune propriétaire.

«On n’a jamais voulu mettre du monde dehors en rapace, se défend Nicolas. On ne veut pas en sortir plein de cash. C’est plutôt un fonds de pension. Nous sommes travailleurs autonomes et [l’investissement en immobilier] c’est notre retraite en quelque sorte.»

Pour le moment, une seule des cinq offres a été acceptée. Après avoir rénové le logement, il fera passer le loyer d’environ 850$ à 1250$ par mois pour un 4 1/2.

Le cash for keys, est-ce que c’est légal?

«[Le cash for keys], c’est très commun et toujours une possibilité pour mettre fin au bail», confirme David Searle, avocat au Centre de justice de proximité du Grand Montréal (CJPGM) et spécialiste en droit du logement.

Un propriétaire ne peut toutefois en aucun cas obliger un locataire à briser son bail contre de l’argent.

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