Allégations d’agression sexuelle: le cardinal Ouellet dépose une plainte pour diffamation


Martin Lavoie
Après avoir vivement nié en août dernier avoir posé des gestes de nature sexuelle sur une stagiaire il y a une douzaine d’années, le cardinal Marc Ouellet a contre-attaqué aujourd’hui et a déposé une plainte en diffamation.
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Le cardinal Marc Ouellet, qui a déjà été pressenti pour devenir pape, est un proche de François 1er. Il est aussi préfêt du dicastère pour les évêques, une des plus hautes charges au Vatican.
Le 16 août dernier, le nom du cardinal apparaissait dans un document déposé dans le cadre d’une action collective contre le Diocèse de Québec. Selon le document, il aurait embrassé une stagiaire en plus de lui toucher les fesses entre 2008 et 2010.
Dans un communiqué publié aujourd’hui, Marc Ouellet écrit : «j’entreprends aujourd’hui un recours judiciaire en diffamation devant les tribunaux québécois afin de démontrer la fausseté des allégations portées contre moi et de rétablir ma réputation et mon honneur.»
Il se défend d’avoir posé les gestes que la plaignante lui reproche. «Je n’ai jamais eu de gestes ou comportements répréhensibles comme ceux reprochés à d’autres membres du clergé visés par l’action collective. Cette association inappropriée, faite intentionnellement et largement diffusée à des fins impropres, doit être dénoncée», ajoute-t-il.
Réclamations justes
Marc Ouellet indique s’être «préalablement assuré de protéger l’anonymat de la plaignante en obtenant une ordonnance à cet effet.»
Il souligne que sa poursuite ne remet pas en cause les réclamations des victimes d’abus sexuels.
«Je suis sensible à leur souffrance et leur redis ma compassion sincère. Leur droit à la justice n’est pas remis en cause par ma démarche qui est néanmoins douloureusement nécessaire pour défendre la vérité, ma réputation et mon honneur», écrit-il.
Il termine en disant qu’une «éventuelle compensation financière dans le cadre de ces procédures sera versée intégralement au profit de la lutte contre les abus sexuels chez les autochtones du Canada.»
L’affaire
L’action collective déposée le 16 août porte sur des agressions sexuelles commises sur plus de 101 victimes, dont la plupart étaient mineures au moment des gestes reprochés.
Les agressions auraient été faites par environ 88 prêtres et personnes du Diocèse de Québec depuis les années 1940.
Bien que nommé parmi ces 88 personnes, le cardinal Ouellet n’a pas fait l’objet d’accusation criminelle dans ce dossier.
Les allégations
En 2008, F., une stagiaire de 23 ans dont l’identité est préservée, a débuté un stage comme agente de pastorale au Diocèse de Québec.
Elle rencontre pour la première fois Marc Ouellet, alors archevêque de Québec, à l’automne 2008, lors d’un événement. En cours de soirée, il lui aurait massé les épaules «avec force», soutient-elle, ajoutant que le cardinal lui aurait caressé le dos.
F. aurait croisé de nouveau le cardinal en novembre 2008, à la suite d’une réception. Le cardinal l’aurait embrassée «avec familiarité», en plus de la retenir «fermement contre lui en lui caressant le dos avec les mains».
En février 2010 à la basilique Notre-Dame de Québec, «le cardinal Marc Ouellet lui dit que c’était la deuxième fois qu’ils se voyaient cette semaine et qu’il peut bien l’embrasser à nouveau, car “il n’y a pas de mal à se gâter un peu”», peut-on lire. F. avance avoir trouvé ce commentaire «complètement inapproprié».
Lors de cette même rencontre, «le cardinal [...] l’embrasse et glisse sa main le long du dos de F. jusqu’à ses fesses», est-il fait mention dans le récit.
F. dit avoir parlé du «malaise» qu’elle ressent face au cardinal Ouellet. Elle se serait fait répondre «qu’il est tellement chaleureux et qu’elle n’est pas la seule femme à avoir ce genre de “problème” avec lui».
Compensation
Selon Me Alain Arsenault, qui pilote ce recours collectif, cette femme a été traumatisée par ces événements.
Chaque victime pourrait toucher des indemnités pouvant aller jusqu’à 600 000 $.
—Avec la collaboration de Diane Tremblay