Allégations d'inconduites sexuelles: le cardinal Marc Ouellet nie en bloc
L’influent Québécois au Vatican clame son innocence et se déclare victime de diffamation

Jérémy Bernier
Le cardinal Marc Ouellet est sorti de son mutisme pour nier en bloc les allégations d’agressions sexuelles le visant, qu’il juge « diffamatoires ».
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« Ayant pris connaissance des fausses accusations portées contre moi par la plaignante (F.), je nie fermement avoir fait des gestes déplacés sur sa personne », a affirmé vendredi Mgr Ouellet dans une déclaration publiée sur le site d’information du Vatican.
Ce dernier dit considérer comme diffamatoire la diffusion de ces allégations d’agressions sexuelles qui ont été dévoilées en début de semaine dans le cadre d’un recours collectif visant le diocèse de Québec.
« Si une enquête civile devait être ouverte, j’entends y participer activement afin que la vérité soit établie et mon innocence reconnue », a indiqué le cardinal.
Une réaction qui était prévisible pour l’avocat Alain Arsenault, responsable du dossier, qui persiste et signe. « On n’est pas surpris qu’il ait décidé de tout nier, il a le droit. Mais la réalité est bien différente », lance-t-il, interrogé par Le Journal.
« Aucune compétence »
Marc Ouellet, âgé de 78 ans et actuel préfet de la Congrégation pour les évêques, aurait commis des attouchements inappropriés sur une stagiaire nommée F. entre 2008 et 2010, lorsqu’il était archevêque de Québec.
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Dans une lettre envoyée au pape en janvier 2021 et dont Le Journal a obtenu une copie, la plaignante affirme avoir été caressée près des fesses, embrassée de façon intrusive et avoir reçu des commentaires déplacés du cardinal.
Le Saint-Père a toutefois décidé d’exclure une enquête canonique sur Mgr Ouellet, jeudi, en se basant sur des éléments réunis par le père Jacques Servais, mandaté pour tirer l’affaire au clair à la suite de la réception de cette missive.
« C’est un ami de Mgr Ouellet qui n’avait aucune compétence pour faire une pareille enquête, il l’a lui-même admis à Mme F. C’est évident que ce n’était pas valable », soutient Me Arsenault.
« Et il a remis son rapport un an et demi plus tard. Ça démontre encore une fois qu’ils espéraient que Mme F., en bonne chrétienne, oublie tout ça », poursuit-il.
Le diocèse dans l’eau chaude
Ces révélations surviennent moins de trois semaines après une visite du pape François au pays, au cours de laquelle il s’est excusé pour les agressions perpétrées par des membres de l’Église dans des pensionnats pour Autochtones.
En février dernier, Marc Ouellet avait d’ailleurs lui-même déploré le « drame des agressions sexuelles commises par des clercs » et les « comportements criminels trop longtemps dissimulés pour protéger l’institution », lors d’un important colloque au Vatican en présence du pape François.
Rappelons que l’action collective dont il est question dans cette affaire vise l’ensemble des agressions sexuelles qui auraient été commises par des représentants du diocèse de Québec depuis 1940.
Près de 80 membres du clergé, qui auraient fait plus d’une centaine de victimes – souvent mineures – sont visés par ces allégations.
– Avec la collaboration de l’AFP
Déclaration intégrale du cardinal Marc Ouellet
« Ayant pris connaissance des fausses accusations portées contre moi par la plaignante (F.), je nie fermement avoir fait des gestes déplacés sur sa personne et je considère diffamatoires l’interprétation et la diffusion de ces allégations comme agressions sexuelles. »
« Si une enquête civile devait être ouverte, j’entends y participer activement afin que la vérité soit établie et mon innocence reconnue. »
Extraits de la lettre de la plaignante transmise au pape
« Chaque fois que Monseigneur était présent, j’avais le droit à des embrassades avec des caresses du dos. Cette trop grande familiarité m’a mise tellement mal à l’aise que je redoutais ces événements. »
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« C’était la deuxième fois cette semaine-là que je le voyais. Il m’a dit quelque chose comme : “Mais ça fait deux fois qu’on se voit cette semaine ! Mais je peux bien vous embrasser à nouveau. Il n’y a pas de mal à se gâter un peu.” Je me souviens très clairement qu’il ait employé ces mots : se gâter. Les seuls mots qui me sont venus en tête c’était : non je ne suis pas ta gâterie. »
« Cette fois-là, il m’a embrassée avec la main qui a glissé dans mon dos et qui s’est arrêtée juste là où le dos se mélange aux fesses. La zone grise du dos... celle qui est trop près des fesses pour être touchée par un inconnu et encore moins par son patron, mais pas assez bas pour être les fesses et qu’on puisse parler d’attouchement. Borderline... toujours borderline. J’ai compris ce jour-là, plus encore que tous les autres jours, que je devais le fuir le plus possible. J’étais inquiète, j’étais stagiaire. Mon mandat pastoral dépendait de lui et mon avenir professionnel. »