Voici le 15e roman de John Irving, l’auteur du «Monde selon Garp», de «L'Hôtel New Hampshire» et de «L’Œuvre de Dieu, la Part du Diable»


Karine Vilder

À plus de 80 ans, l’auteur du Monde selon Garp ou de L’Œuvre de Dieu, la Part du Diable signe un 15e roman qui vaut son pesant d’or.
Il semblerait que John Irving ait un faible pour les hôtels. Un peu plus de 40 ans après son célèbre Hôtel New Hampshire – qui a été adapté au cinéma en 1984 avec Rob Lowe, Jodie Foster et Beau Bridges au générique –, il signe Les fantômes de l’Hotel Jerome, un pavé de près de 1000 pages qu’il a mis six ans à écrire.
Mais contrairement à l’hôtel de L’Hôtel New Hampshire, celui des Fantômes de l’Hotel Jerome existe vraiment. À Aspen, au Colorado. Et d’après ce qui se raconte, il serait le bâtiment le plus hanté de la région.
John Irving y est d’ailleurs retourné dans l’espoir de pouvoir enfin être témoin d’une manifestation spectrale.
«Pour mettre toutes les chances de mon côté, j’ai choisi d’y aller en dehors de la saison de ski, quand le terrain est trop boueux pour faire vélo ou rando et quand la plupart des commerces sont fermés, précise l’écrivain américano-canadien, qu’on a joint chez lui, à Toronto. Je savais que l’Hotel Jerome serait alors pratiquement désert. À part ma chambre et celle de mon assistante, seulement deux autres étaient louées. Au fil des ans, beaucoup de gens ont vu des fantômes dans cet hôtel. Mais moi, rien. Mon assistante, par contre, a entendu quelqu’un fredonner dans sa chambre. Sauf qu’elle ne m’a pas appelé parce que ça s’est produit à une heure du matin...» Dommage!
Une famille atypique
En 1941, la jeune Rachel Brewster vivra là-bas une expérience impossible à oublier. Un fantôme? Pas tout à fait.
Venue au Colorado pour participer aux épreuves de slalom des Championnats des États-Unis de ski alpin, elle quittera l’État non pas avec une médaille en poche, mais avec un polichinelle dans le tiroir! Une hérésie pour l’époque, les enfants nés hors mariage étant fort mal vus. Quant au père, mystère. Dans le fond, ce sera lui le fantôme. Car en grandissant, son fils, Adam, n’aura pas l’occasion d’en entendre parler, et encore moins de le rencontrer. Comme si cet homme n’avait jamais existé!
Mais même sans père, Adam ne sera pas à plaindre. Entre une mère fana de ski réellement capable de voir les fantômes (et pas seulement ceux de l’Hotel Jerome!), une grand-mère mordue de littérature qui lui lira l’intégralité de Moby-Dick, un grand-père complètement à l’ouest, une cousine lesbienne s’exprimant sans détour, deux oncles folâtres et un tout petit beau-père adepte de lutte qui aurait préféré être une femme, il n’aura pas souvent le temps de s’ennuyer.
«Si on regarde les beaux-pères de mes romans, ce sont toujours de bons personnages, explique John Irving. J’ai aussi eu un merveilleux beau-père, avec lequel ma mère s’est mariée quand j’avais six ans. Mon affinité pour les droits des femmes est venue plus tard, au début de mon adolescence. Ma mère travaillait alors dans un service conseillant les jeunes femmes enceintes et elle revenait à la maison avec des histoires crève-cœur. Mon plaidoyer en faveur du droit à l’avortement part donc de là. Quant aux droits des LGBTQ, ils font partie de ma vie de famille. Mon jeune frère et ma sœur étaient homosexuels et dans la petite communauté du New Hampshire où on a grandi, il y avait discrimination et homophobie à l’égard des gays ou des lesbiennes. Depuis, c’est une cause que je défends avec force.»
Du scénario au roman
Guidé par la plume colorée de John Irving, Adam comprendra ainsi très jeune qu’il existe de nombreuses façons d’aimer, le modèle homme-femme étant loin d’être le seul. Une bonne chose pour nous, puisque ça donnera lieu à des scènes parfois hilarantes. Et une fois bien installé dans la vie – tout comme John Irving, il sera scénariste –, Adam décidera d’en savoir plus sur sa propre histoire familiale en se rendant à l’Hotel Jerome, soit là où tout a commencé pour lui. L’idée? Avec un peu de chance, peut-être parviendra-t-il à découvrir l’identité de son père biologique...
«Au début du roman, les constats qu’on peut lire sur le métier de scénariste se fondent sur la réalité, ajoute John Irving. Par exemple, il est vrai que les films qui n’ont pas été tournés risquent de hanter longtemps ceux qui les ont écrits. Voir autant de travail se faire rejeter brise vraiment le cœur. Mais moi, je suis également romancier. Alors mes films non tournés, je peux les réécrire pour en faire des romans. Un enfant de la balle ou Avenue des mystères ont d’abord été des scénarios. Les fantômes de l’Hotel Jerome aussi et je dois dire que maintenant qu’il est devenu livre, je suis assez heureux du résultat.»
Les fantômes de l’Hotel Jerome
John Irving
Éditions du Seuil
992 pages
Sortie prévue en librairie le 20 janvier
John Irving bientôt en ville!
John Irving sera à la librairie Raffin, rue Saint-Hubert, le samedi 25 janvier de 14 h à 16 h. Malheureusement, il ne peut plus signer de dédicaces en raison de douleurs chroniques aux mains. Mais il sera ravi de prendre une photo avec vous!
