10 ans d’enquêtes: s’infiltrer pour mieux comprendre
Dominique Cambron-Goulet
Afin de lever le voile sur des réalités inconnues, notre Bureau d’enquête a parfois dû user de procédés clandestins. Nos journalistes sont allés incognito dans un centre de distribution d’Amazon, un centre de tri, une usine de textiles et même une résidence pour aînés en pleine pandémie.
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Quand obtenir les informations par des sources est insuffisant ou quand la confirmation d’allégations est impossible autrement, les journalistes d’enquête ont recours à une technique d’« infiltration ».
Elle consiste à entrer plus ou moins clandestinement dans un lieu pour documenter ce qui s’y passe, parfois grâce à l’aide de caméras cachées.
Centre de tri et Amazon
C’est grâce à ce type d’équipement que nous avons pu révéler en 2019 que des centres de tri de recyclage « maquillaient » des ballots de papier pour déjouer les douanes indiennes.

Notre reporter, qui a passé six jours comme trieur dans un centre de Châteauguay, avait notamment dû retirer les plastiques apparents de ces ballots afin qu’ils aient l’air moins contaminés et soient placés à l’avant des conteneurs.
Ce genre d’emplois peu rémunérés est souvent occupé par des personnes à statut précaire, qui hésiteront à agir comme lanceurs d’alertes.
C’est pour cette raison que nous nous sommes également fait engager chez le géant américain Amazon.

Notre journaliste y a travaillé pendant cinq semaines à l’automne 2020. Nous avons ainsi pu révéler la surveillance constante par caméras des employés, le monitorage de performance en temps réel, mais aussi rapporter l’existence d’un contrat de travail avec des clauses qui ne peuvent être légalement appliquées au Québec.
Des risques
Le choix de recourir à l'incursion n’est pas pris à la légère, car cela peut comporter des risques pour la sécurité ou pour la santé.
Au printemps 2020, alors que la pandémie de COVID frappe très fort dans les résidences pour aînés du Québec, notre journaliste, Marie-Christine Noël, est devenue quelque temps préposée aux bénéficiaires dans une ressource intermédiaire après avoir obtenu un accès privilégié de la part de la direction.

Son incursion a permis de relater le quotidien des soignants pendant cette première vague de pandémie, qui s’est avérée particulièrement meurtrière : le fait de travailler avec la peur du virus, de côtoyer la mort au quotidien, toutes les précautions sanitaires.

Ces témoignages ont pu être obtenus grâce à son travail effectué à l'intérieur de la résidence.
Marie-Christine Noël connaît très bien les infiltrations. Pour le Bureau d’enquête, elle est devenue par exemple praticienne en gestion de poids, pour révéler le monde dangereux des produits naturels, et suppléante au primaire et au secondaire.
Autant de reportages sur le terrain qui exigent de la préparation et du courage, mais qui sont essentiels pour montrer des réalités qui resteraient autrement cachées.
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