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L'article provient de TVA Nouvelles
Société

Y aura-t-il un prof dans la classe de votre enfant? Voici des exemples concrets de l'ampleur de la crise

Des centaines d'écoles sont encore à la recherche de gens pour remplacer les enseignants «fantômes»

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Photo portrait de Dominique  Scali

Dominique Scali

2023-08-28T04:00:00Z
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Des centaines d’élèves à travers le Québec ne rencontreront pas leur vrai professeur lors de la rentrée cette semaine. Ils auront devant eux un suppléant, une éducatrice spécialisée ou un autre employé de l’école. À certains endroits, on cherche même encore comment faire pour qu’il y ait à tout le moins un adulte dans chaque classe. Le Journal a recueilli des exemples du terrain illustrant l’ampleur de ce «faux départ». 

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1) Jumeler des groupes 

En date de vendredi, quelque 19% des directions d’écoles étaient toujours à la recherche de gens pour assurer le strict minimum : qu’il y ait un adulte présent dans chaque classe, peu importe sa fonction.  

On parle ici d’écoles qui ont épuisé toutes leurs options, que ce soit de trouver un suppléant ou de demander aux éducatrices en service de garde, voire même aux psychologues de l’école d’accueillir un groupe.

C’est ce que révèle un sondage maison non exhaustif réalisé par la Fédération québécoise des directions d’établissements d’enseignement (FQDE).  

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«Je pense qu’il y a des directions qui vont poursuivre leurs recherches pendant la fin de semaine», suppose le président Nicolas Prévost. Peut-être certains arriveront-ils à convaincre une personne retraitée ou étudiante qui pourrait donner un coup de main pendant une semaine ou deux. «Mais après, [c'est] trouve quelqu’un d’autre!» 

Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des établissements d'enseignement.
Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des établissements d'enseignement. Photo d'archives - Courtoisie FQDE

Dans de rares cas, la direction elle-même devra s’occuper d’un groupe. Sinon, il faudra en jumeler plusieurs.  

Mercredi, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a révélé qu’il ne pouvait garantir qu’il y aurait un adulte par classe lors de la rentrée.  

«Les régions les plus touchées sont Lanaudière, Laval et la Montérégie. Mais il n’y a aucune région qui est épargnée», observe M. Prévost. 

2) Fermer des classes spécialisées 

«Ça fait mal. Jamais de ma carrière je n’ai fait ça. Jamais je n’ai vu ça», raconte Rosanne* (nom fictif), qui enseigne depuis une dizaine d’années dans une école primaire spécialisée à Montréal.  

Ses élèves ont de grands besoins : plusieurs ne parlent pas et ont des difficultés de comportement.  

En date de jeudi, il manquait 7 titulaires de classes. L’équipe a donc décidé de fermer 2 groupes et de répartir ces élèves dans les autres groupes. Ces classes-là seront donc trop pleines pour accueillir de nouveaux élèves qui ne fonctionnent pas au régulier en cours d’année, comme c’est souvent le cas.  

Et malgré cette décision difficile, 5 groupes n’auront toujours pas d’enseignant en ce lundi de rentrée. «Et on ne sait pas quand on va les trouver.» 

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Les classes spécialisées sont souvent les premières touchées par la pénurie, remarquent plusieurs intervenants.  

«J’ai une directrice qui me dit qu’il lui manque 3 titulaires pour ses classes pour autistes. Mais ça ne peut pas être n’importe qui!», s’exclame Kathleen Legault, présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissements scolaires (AMDES).

  • Écoutez l'entrevue d'Alexandre Moranville avec Mélanie Laviolette, présidente de la Fédération des comités de parents du Québec via QUB radio : 

3) Des «collègues fantômes» 

Elizabeth* (nom fictif) est orthopédagogue. Dans sa petite école primaire de Montréal, on estimait à quatre le nombre de classes sans titulaire jeudi.  

Par exemple, la tâche de préparer ces locaux sans profs pour y mettre un peu de vie avant l’arrivée des écoliers retombe sur les collègues qui ont déjà leur propre classe. 

«Il faut qu’on prépare des choses pour des collègues absents qui n’existent pas encore», témoigne Valérie*, qui enseigne au secondaire à Montréal.  

Dans son école, il manquait encore 8 personnes à temps plein ou partiel, sur un total d’environ 80, en date de jeudi. «Ça paraît», avoue-t-elle.  

«Même si on nous dit qu’il y aura un adulte dans chaque classe, c’est vraiment un faux départ pour les élèves», dit Valérie*. 

4) Profs de français à trouver 

Julien* enseigne dans une école secondaire de Montréal où il manque encore deux professeurs de français. 

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«Ça veut dire que sur nos 6 groupes de 1re secondaire, 2 groupes n’auront pas de prof de français» pour commencer l’année, estime-t-il.  

«Mais la 1re secondaire, c’est une année cruciale», rappelle-t-il. 

Il s’attend à faire de la suppléance d’urgence, c’est-à-dire d’être obligé de remplacer dans d’autres classes quand personne d’autre n’a été trouvé.  

L’an passé, une classe d’élèves montréalais n’a pas eu d’enseignant de français attitré pendant toute l’année, illustre Kathleen Legault de l'AMDES. 

«Les autres enseignants se sont relayés pour compenser. Mais imaginez le surplus de travail...» 

5) Hécatombe en service de garde 

Le nombre de postes d’éducatrices en services de garde à pourvoir est si grand que ce service est carrément incertain à plusieurs endroits.  

«Les bris de services, à l’heure actuelle, ça semble un peu inévitable», avoue Nicolas Prévost de la FQDE.

«On peut couper le service complètement, ou couper des plages horaires. On peut ouvrir plus tard ou fermer plus tôt, par exemple.» 

L’option la plus commune est celle de couper des groupes en excluant les élèves les plus vieux, comme ceux de 5e et 6e année.  

Avant de se rendre là, beaucoup d’écoles vont tout simplement «paqueter les groupes», observe Guylaine Bachand, du Syndicat de Champlain sur la Rive-Sud de Montréal.  

Il n’est donc plus rare qu’on place de 35 à 40 enfants avec une seule éducatrice, estime-t-elle.  

Après, pas étonnant que plusieurs tombent au combat. «Il y en a qui partent en courant.» 

  • Écoutez l'entrevue avec Annie Charland, présidente de la Fédération des employées et employés des services publics à l’émission de Marie Montpetit via QUB radio :
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6) Pas de secrétaire, pas d’école 

Il ne manque pas que d’enseignants dans les écoles. En fait, il manque de tout.  

«J’ai beaucoup de collègues [directeurs] qui n’ont pas encore de secrétaire d’école, pas de concierge», abonde Nicolas Prévost de la FQDE.  

Or, une école peut difficilement fonctionner sans sa secrétaire, note-t-il.  

Au Saguenay, on a beaucoup de difficulté à recruter des concierges, remarque Sandrine Hovington, présidente du Syndicat régional des employés de soutien, affilié à la CSQ. 

«Il y a un gros roulement, beaucoup de démissions. Des gens se font embaucher, puis ne se présentent pas», illustre-t-elle. 

Il y a une semaine, il y avait encore 6 postes à pourvoir au CSS des Rives-du-Saguenay, qui compte une quarantaine d’établissements. Heureusement, tous ces postes avaient été pourvus en date de vendredi, indique Louise Noël, coordonnatrice aux communications. 

*Noms fictifs. Les enseignants interrogés ont préféré garder l’anonymat pour ne pas subir les représailles de leur centre de services scolaire. 

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