Cri du cœur d’une enseignante inquiète à la veille d’une autre rentrée chaotique
Laurianne Turbide, enseignante
Cette semaine, c’était la rentrée pour les enseignants. Une grosse semaine (de 3 jours, entrecoupés par plusieurs réunions et rencontres en tout genre) de préparation de nos classes, afin de les rendre accueillantes pour nos futurs élèves, et de planification, afin d’offrir dès le premier jour un enseignement de qualité à nos élèves.
Lundi, les enfants envahiront à nouveau les corridors et les salles de classe. Ils rencontreront leur nouvelle enseignante, retrouveront leurs amis, seront accueillis avec amour dans leur nouvelle petite famille pour l’année. C’est une journée excitante, la rentrée scolaire pour les enfants.
Oui, tout ça, sauf que. Il y aura des enfants pour qui ça ne se passera pas exactement comme ça.
Il y aura des enfants qui arriveront à l’école lundi dans une classe qui n’aura pas été préparée et décorée par une enseignante dévouée. Une classe dans laquelle, sans le dévouement de profs et d’éducateurs déjà débordés, se seraient empilés des bureaux et des chaises pêle-mêle, croulant sous des piles de livres eux aussi pêle-mêle. Une classe qui aura été arrangée rapidement, afin de ne pas imposer une rentrée aussi triste à des enfants de 7 ans.
Là pour dépanner
Il y aura des enfants qui rencontreront une personne, lundi, qui sera là pour dépanner. Parce que la réalité, c’est que ces enfants n’en ont pas encore, d’enseignante à qui s’attacher, le jour de la rentrée.
Il y aura ces enfants pour qui ce sera le deuxième, le troisième début d’année chaotique, durant lequel les visages rassurants défileront à l’avant de la classe, finissant toujours par disparaître éventuellement. Ces enfants qui se créeront une carapace, qui seront résilients, parce qu’ils sont tellement résilients, nos enfants.
Ces enfants, il y en a beaucoup trop ces temps-ci.
Je suis enseignante, je serai présente pour mes élèves à la rentrée et tout au long de l’année. Je les aimerai et leur donnerai tout ce que je peux leur donner. Je ferai probablement beaucoup de bénévolat, même si je me répète que je ne devrais pas. Je penserai à eux en dehors du travail.
Même si on me rajoute toujours plus de travail, même si on m’enlève du budget pour eux. Parce qu’au final, enseigner c’est pour les enfants qu’on le fait.
Mettre de la pression
La pénurie de profs en ce moment, c’est grave. Ça chamboule le développement de plein d’enfants, autant académique que social et affectif. Et ça épuise les enseignants qui restent.
Si vous voyez des profs qui s’affirment cette année, qui mettent de la pression pour que les choses changent... Dites-vous qu’ils le font pour pouvoir continuer à offrir le meilleur à la société de demain. Et pour ne pas se perdre en chemin.
Mes collègues, je vous admire et je vous aime. Vous méritez toute la reconnaissance du monde.
Laurianne Turbide
Enseignante, 1re année
Montréal