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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Le fléau des vols de voitures a fait grimper la facture de plus de 100$ en moyenne pour les Québécois

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Photo portrait de Raphaël Pirro

Raphaël Pirro

2024-02-09T05:00:00Z
2024-02-09T13:38:24Z
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OTTAWA | Le fléau du vol de voitures a des conséquences non seulement sur les victimes, mais sur tous les automobilistes puisque les primes d’assurance automobile au Québec ont bondi en moyenne de 105$ l’an dernier.

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Cette donnée, encore inconnue du public, a été dévoilée par la PDG du Bureau de l’assurance du Canada, Celyeste Power, lors du sommet sur le vol de véhicules qui se tenait à Ottawa hier. 

La rencontre a réuni plusieurs ministres fédéraux et provinciaux, des représentants des industries automobiles et des assurances ainsi que plusieurs corps policiers.

D’autres hausses à venir 

L’explosion des primes n’est pas terminée : celles-ci pourraient continuer de monter si la tendance des vols poursuit son rythme actuel, a martelé Ian Jack, vice-président aux affaires publiques de CAA.

À titre d’exemple, les automobilistes ontariens ont vu leur prime d’assurance auto augmenter en moyenne de 130$ l’année passée.

  • Écoutez l'entrevue avec Louis Cyr, courtier en assurances à l’émission d’Alexandre Dubé via QUB radio:
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Présente sur place, la directrice générale de la Sûreté du Québec (SQ), Johanne Beausoleil, a affirmé que le vol de véhicules en sol québécois représentait en 2023 «plus de trois fois plus de dossiers» qu’en 2019. Les régions les plus touchées sont celles de Montréal, de la Montérégie, de Laval, des Laurentides, de Lanaudière et de l’Outaouais.

«Les vols de véhicules augmentent à un rythme alarmant et s’accompagnent d’un niveau de violence jamais vu au Canada, s’est inquiété le patron de la Gendarmerie royale du Canada, Michael Duheme. Ils portent atteinte à la sécurité et au bien-être des communautés partout au pays.»

Les assureurs s’adaptent

Le problème est tel que les modèles les plus convoités par les voleurs sont devenus «presque impossibles à assurer», selon Guillaume Lamy, vice-président d’Intact pour l’assurance des particuliers.

Ce dernier a dévoilé quelques nouvelles pratiques adoptées par l’industrie pour faire face au problème, dont l’impact a «triplé» au cours des trois dernières années.

À l’instar d’autres compagnies, Intact offre désormais, au rabais ou carrément gratuitement, des systèmes de repérage installables après l’achat au concessionnaire, une solution qui s’avère «très efficace pour prévenir les vols».

Les autocollants dans la fenêtre qui accompagnent cette technologie contribuent à repousser certains voleurs plus craintifs et, «lorsqu’un véhicule avec un système de repérage est volé, notre taux de récupération est presque de 100%», a-t-il remarqué.

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Le burinage (marquage antivol) permet aussi d’identifier et récupérer plus facilement les véhicules volés, a noté M. Lamy.

Ensemble, ces deux pratiques sont désormais fortement suggérées auprès des clients des assureurs, au point où des taux plus avantageux leur sont désormais offerts s’ils acceptent leur adoption.  


ET CHEZ VOUS ?
Votre municipalité est-elle souvent la cible des voleurs de voitures?
Découvrez-le sur cette carte compilée par notre Bureau d'enquête, qui permet de situer à la rue près, dans certaines villes, où des milliers de véhicules ont été volés au Québec depuis le début de l'année.

Municipalité (nombre de vols)

Nombre de vols à une même adresse

Méthodologie

Cette carte des vols de véhicules sur le territoire du Québec couvre l’année 2023, du 1er janvier jusqu’à une date entre le 30 juin et le 12 octobre, selon la ville.

Les données proviennent de la Sûreté du Québec, du service de police de la Ville de Montréal, de la ville de Laval, de la ville de Longueuil, du service de police de la Ville de Gatineau, du service de police de la ville de Québec, du service de police de la ville de Lévis, du Service de police de Sherbrooke, de la ville de Blainville, du service de police de Châteauguay, du service de police de la ville de Mascouche, de la ville de Granby, de la ville de Trois-Rivières, du service de police de la ville de Bromont, de la Régie de police du Lac des Deux-Montagnes, de la Régie de police de Memphrémagog, du service de police de la Ville de Saint-Eustache, du service de police de Saint-Jean-sur-Richelieu, de la ville de Repentigny, de la ville de Mirabel, et d’Équité Association. Certaines ont été obtenues par accès à l’information.

À noter que des municipalités peuvent avoir compté des véhicules comme des motos, des camions ou des bateaux dans leur bilan. Quant aux données de localisation, elles nous ont été transmises sous différentes formes : code postal, coin de rue, rue ou quartier.

Compilation des données : Nora T. Lamontagne et Philippe Langlois, Bureau d’enquête

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LES VOLS D’AUTOS EN CHIFFRES 

90 000
Le nombre de véhicules volés chaque année au Canada, dont 15 000 au Québec et 12 000 à Montréal. 

57,9%
Les vols ont bondi de 57,9% au Québec entre 2021 et 2023, selon l’organisation de lutte contre la fraude en matière d’assurance, Équité Association. En Ontario, la hausse est de 48,2%. 

1 G$
Un milliard $ en pertes économiques, dont 542 millions $ en coûts annuels pour les assureurs.

17
C’est le nombre de minutes qui s’écoulaient entre chaque vol de voiture en Ontario en 2023. De 2020 à 2023, la province a connu une hausse de 78% des vols, dont la vaste majorité transite par le port de Montréal.

1800
En 2018, l’Agence des services frontaliers du Canada a saisi 463 véhicules volés pour ensuite augmenter à plus de 1800 en 2023. Les démarches de l’agence ont connu une hausse du nombre de saisies de 290% au cours des cinq dernières années. 

UN MARCHÉ CRIMINEL PAYANT 

Les criminels sont de plus en plus nombreux à s’impliquer dans l’économie très payante des vols de voitures, de la personne responsable du repérage à la vente finale outre-mer. 

Le repérage et le vol sont souvent effectués par des plus jeunes, attirés par le profit. Un seul véhicule volé peut rapporter jusqu’à 20 000$ à celui qui commet le crime, souvent un jeune tout en bas de la hiérarchie.

Ce marché est aujourd’hui très sophistiqué et est contrôlé par des organisations criminelles réparties à travers le monde. La portée internationale de ce marché complique les enquêtes. Le sous-commissaire de la GRC a annoncé que la base de données canadienne de véhicules volés sera intégrée «dès la semaine prochaine» au service policier international d’Interpol.

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«Une fois entrée dans le système, l’information des véhicules volés au Canada sera accessible aux autorités étrangères», soit dans 186 pays, a-t-il dit.

Source : Interpol
Source : Interpol

Des criminels de plus en plus jeunes et violents

Sur les 550 arrestations effectuées par le Service de police de la Ville de Montréal pour vol de voiture en 2023, 50% des malfaiteurs étaient des jeunes âgés de 12 à 24 ans, selon la mairesse Valérie Plante, qui participait elle aussi au sommet. 

«C’est non seulement une façon assez simple d’avoir de l’argent, mais ça leur permet aussi d’entrer dans la criminalité et peut-être même de s’acheter une arme», s’est inquiétée Mme Plante, flanquée de son chef de police, Fady Dagher.  

«Si on propose à un jeune de travailler à 17$/heure, versus un jeune qui va voler un véhicule pour 5000 ou 6000$, vous avez la réponse», a expliqué M. Dagher.

Fady Dagher
Fady Dagher Photo d'archives, Jonathan Tremblay

Les voleurs de voitures sont non seulement plus jeunes, mais aussi plus violents envers les policiers ou les victimes. «C’est extrêmement inquiétant. On a eu six ou sept événements, en 12 semaines, où les voleurs ont soit foncé sur les policiers ou reculé sur eux, sans aucune gêne», a souligné le chef de police. 

Les vols d’auto violents ont augmenté de 200% dans la région de Toronto. Certains vols surviennent même à la pointe d’une arme à feu.   

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Le port de Montréal, une passoire

Des véhicules volés retrouvés dans un conteneur du port de Montréal.
Des véhicules volés retrouvés dans un conteneur du port de Montréal. Photo d'archives

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Dans le marché criminel du vol de véhicules, tous les chemins mènent à Montréal, ou presque. C’est principalement au port de Montréal que les conteneurs remplis de véhicules volés au Québec et en Ontario prennent la route vers l’étranger, le plus souvent vers l’Afrique et le Moyen-Orient. 

Pour le président de l’Association canadienne des chefs de police, Danny Smyth, une «attention immédiate devrait être portée sur les activités au port de Montréal». 

Les véhicules volés en Ontario arrivent le plus souvent par l’autoroute 401 à partir de Toronto, mais aussi par la 417 en provenance d’Ottawa. La 148 est aussi empruntée à moindre mesure. 

Le gouvernement Trudeau a annoncé 28 millions $ pour augmenter le nombre d’agents et la surveillance au port de Montréal. 

Sa PDG, Geneviève Deschamps, a officialisé, hier, la création d’un programme pour faciliter la détection de véhicules volés à l’aide d’antennes placées à des «endroits stratégiques». 

«Nous envoyons un message à l’industrie automobile et aux innovateurs, mais aussi aux criminels: les véhicules équipés de systèmes de repérage seront plus facilement retrouvés», a-t-elle dit.  

Des peines pas assez sévères 

Le gouvernement Trudeau a soufflé le chaud et le froid concernant l’adoption de peines plus sévères pour contrer le fléau des vols de voitures. En lever de rideau du sommet d’hier, Justin Trudeau s’est dit ouvert à l’idée. Or, son ministre de la Justice, Arif Virani, n’a pas voulu s’avancer. 

La plupart des acteurs présents ont appelé à serrer la vis aux contrevenants. 

«On arrête malheureusement un jeune pour vol de véhicule. On était obligé de le libérer le lendemain matin. Deux heures plus tard, il se retrouve dans le même coin. Il va aller voler un deuxième véhicule. Je le disais tantôt, les peines ne sont pas assez sévères», a tranché le ministre de la Sécurité publique du Québec, François Bonnardel. 

François Bonnardel
François Bonnardel Photo d'archives, Stevens LeBlanc

Tous les corps de police s’entendaient pour dire que le vol de voiture est un crime «à faible risque, pour un maximum de gain».

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