Virginia Tangvald raconte comment elle est partie à la recherche de l’histoire familiale pour retrouver son ancrage dans «Les enfants du large», son premier roman
La fille de Peter Tangvald


Marie-France Bornais
Née en mer en 1986, Virginia Tangvald a rassemblé les pièces du grand puzzle de sa famille dans un premier roman brillant, poignant, à lire d’une traite: Les enfants du large. En quête d’identité et de vérité, la réalisatrice a fait une enquête qui l’a menée sur les traces de son père, Peter Tangvald, célèbre navigateur mort dans un naufrage qui lui a aussi enlevé sa sœur. Elle raconte aussi le sort de son frère, Thomas, perdu en mer. Et sa lente reconstruction à elle.

Virginia a vu le jour sur le bateau construit par son père, un aventurier célèbre qui a fait plusieurs fois le tour du monde sans moteur ni radio. Elle n’a pas de souvenirs de son père puisque sa mère s’est enfuie avec elle quand elle était bébé. Son père a péri plus tard en mer avec sa sœur. Seul survivant, son frère, Thomas, qu’elle avait retrouvé plus tard, est aussi disparu en mer.
De l’île de Bonaire à Porto Rico, en passant par Montréal, Toronto et la Norvège, Virginia Tangvald part à la recherche de l’histoire familiale.
«J’avais rencontré mon frère avant et j’avais toujours pensé que j’allais retourner sur les traces de mon père, que j’allais m’inscrire dans la continuité de l’histoire de mon père, que j’admirais beaucoup. Mon père, je l’ai connu au travers de ses récits d’aventures qui sont vraiment irrésistibles, malgré que tout le monde soit mort», explique Virginia Tangvald en entrevue.
Son frère, perdu en mer aussi
«Il y a un truc envoûtant dans l’histoire de mon père. J’étais allée sur son bateau et je voulais continuer sur ses traces. Je comptais beaucoup sur mon frère pour comprendre comment je devais faire, comment je devais vivre, dans cette continuité. Quand j’ai rencontré mon frère, j’ai senti tout de suite un côté très dangereux, très trompe-la-mort, toujours, et ça m’a fait un peu peur.»
«Ma première impression, c’était qu’on était comme liés dans la mort.» Et comme de fait, quelques heures après leurs retrouvailles, ils sont presque morts ensemble dans un accident de voiture. «Je me sentais comme si on était sous une emprise ou comme s’il y avait une malédiction sur nous.»
Une emprise
«Après, quand il est disparu en mer, je me suis dit: il faut vraiment que j’adresse cette histoire, que je me la réapproprie. Il faut que l’histoire arrête d’avoir de l’emprise sur moi et il faut que je reprenne le contrôle sur le récit.»
Virginia avait perdu ses repères. «Quand t’es née sur un bateau, ta seule attache, c’est le bateau: c’est comme ton pays. Alors le bateau, quand il a volé en éclats, c’est comme si je perdais aussi mon pays ou tout sentiment d’appartenance. C’était pas que j’étais hantée par des fantômes: c’est que je suis devenue moi-même un fantôme.»
«Je n’avais plus d’appartenance nulle part. Ce n’était plus juste que je venais d’ailleurs: c’est que je venais de nulle part. Quand tu viens de nulle part, tu peux pas être quelqu’un. Tu peux pas être au présent, là où t’es. J’ai vraiment eu le sentiment de faire partie du monde des morts.»
Chercher des réponses
Partir dans le vaste monde, en quête de réponses, l’a formidablement aidée. «Écrire ce livre, c’est mon passeport dans la vie. Pas juste de mettre des mots... mais de les mettre noir sur blanc, avec de l’encre. Sans jeu de mots. Je me sens vraiment heureuse. Je sens que j’ai une nouvelle vie. Je me sens ancrée.»
Les enfants du large
Virginia Tangvald
Éditions JC Lattès
216 pages
▶ En librairie le 16 octobre.
- Virginia Tangvald est née en mer en 1986 et a grandi au Canada.
- Elle est réalisatrice et écrivaine.
- Son documentaire Les enfants du large sera présenté en primeur au Festival du Nouveau Cinéma, à Montréal.
- Elle sera au Salon du livre de Montréal.
«On m’a dit qu’on ne savait pas ce qui leur était arrivé. Que le drame était incompréhensible. Que mon père avait dû faire une erreur de calcul. Que le bateau avait coulé et que Thomas avait survécu en grimpant sur le mât. Qu’il avait flotté seul dans la mer et avait été secouru par un bateau qui passait par là. Peut-être qu’ils s’étaient pris pour des poissons et qu’ils s’étaient jetés à l’eau. On m’a dit n’importe quoi.»
– Virginia Tangvald, Les enfants du large, Éditions JC Lattès
• À lire aussi: Voici le récit de l'incroyable randonnée de mille kilomètres d'un couple qui avait perdu sa maison
• À lire aussi: 16 livres québécois à surveiller cet automne
• À lire aussi: L'écrivaine Dominique Fortier s'est intéressée à la correspondance entre Herman Melville et Nathaniel Hawthorne pour écrire son nouveau roman
• À lire aussi: Éric Dupont fait revivre Mary Gallagher et toute une époque dans son nouveau roman teinté de réalisme magique, La ricaneuse