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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Voici le récit de l'incroyable randonnée de mille kilomètres d'un couple qui avait perdu sa maison

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Photo portrait de Marie-France Bornais

Marie-France Bornais

2023-10-13T23:15:00Z
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Après avoir appris que la maison qu’ils avaient bâtie pierre par pierre allait être saisie, Raynor Winn et son mari Moth étaient découragés. Comme un malheur n’arrive jamais seul, Moth, 50 ans, venait de recevoir un diagnostic de maladie dégénérative incurable. Ils n’avaient nulle part où aller, donc ils ont décidé de marcher. Avec leurs sacs à dos et leur tente d’occasion, et seulement 250 euros en poche, ils ont entrepris de parcourir les 1 013 km du célèbre sentier côtier du Sud-Ouest de l’Angleterre. Advienne que pourra.

Raynor Winn raconte cette expérience dans Le chemin de sel, best-seller qui sera bientôt adapté à l’écran. Cette épopée minimaliste sur le South West Coast Path, du Somerset au Dorset, en passant par le Devon et les Cornouailles, a été transformatrice.

Les journées de randonnée furent longues et difficiles : ils avaient faim, mal partout, subissaient le regard et le jugement des autres. Mais ils ont aussi appris à s’imprégner de la nature et à garder espoir. 

Raynor Winn, qui a publié deux autres best-sellers depuis, en anglais, a eu le courage de partager cette histoire marquante, extrêmement difficile, et de parler du syndrome corticobasal (« SCB ») qui affecte Moth.

Pour ne pas oublier
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« Deux ans après avoir terminé cette longue marche, nous avons trouvé un endroit où nous installer. Moth avait entrepris des études et c’était un moment étrange : il apprenait beaucoup, d’un côté, et oubliait beaucoup de choses parce que nous sommes devenus plus sédentaires. C’était comme si la maladie avait plus de prise sur lui. Il commençait même à oublier notre marche », explique-t-elle en entrevue.

« Pour moi, ça me semblait trop gros. C’était tellement un événement marquant de notre vie que je ne pouvais pas supporter l’idée qu’il l’oublie. J’ai donc commencé à colliger les notes écrites dans les marges de notre guide de voyage. En me relisant, je trouvais que ça ne nous connectait pas suffisamment au sentier. J’ai ensuite commencé à écrire notre aventure, de façon à ce qu’il ait l’impression d’être sur le sentier avec moi, en la relisant. »

« À ce moment, c’était tout ce qu’il en était. J’ai imprimé ce manuscrit, je l’ai relié avec de la ficelle et je le lui ai offert pour son anniversaire. »

La publication du manuscrit a changé beaucoup de choses. « Nous n’avions pas partagé ces expériences avec d’autres personnes : c’était seulement notre vie, à Moth et moi. Partager cela en public, puis présenter des conférences, c’était une expérience choquante. J’ai trouvé ça très difficile, au début. Mais après un moment, j’ai réalisé que c’était un échange : les lecteurs me racontaient aussi leurs histoires. Ça m’a changée. J’ai le sentiment de comprendre les gens davantage. »

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Devenir sans-abri

Dans Le chemin de sel, Raynor Winn raconte comment les gens les ont traités, au cours de leur longue marche. Plusieurs fois, ils ont vécu des expériences très humiliantes, injustes. « Quand nous sommes devenus des sans-abri, je n’avais aucune idée de ce que cela représentait. Nous avons vécu dans une région rurale, donc je n’avais pas été exposée à cela. Je n’étais pas préparée à la manière dont les gens allaient réagir en nous voyant. »

« En marchant, nous avions souvent des conversations avec les autres randonneurs qui nous demandaient comment on pouvait avoir autant de temps libre pour marcher aussi loin. Au début, on leur répondait qu’on avait perdu notre maison et qu’on n’avait nulle part où aller. Donc on marchait. Et les gens s’éloignaient. »

Raynor Winn et son conjoint sont des exemples de ténacité. « Physiquement, c’était très difficile de transporter nos sacs, de coucher dehors, d’avoir froid. Mais mentalement, c’était encore plus difficile : nous étions tellement en colère à propos de ce qui nous était arrivé. » 


♦ Raynor Winn est devenue une grande randonneuse après avoir parcouru le Sentier côtier du Sud-Ouest, au Royaume-Uni.

♦ Le chemin de sel a connu un succès phénoménal au Royaume-Uni comme à l’international : plus d’un million d’exemplaires du livre ont été vendus à travers le monde.

♦ Elle vit dans les Cornouailles avec son mari Moth. 

EXTRAIT

Photo fournie par les Éditions Stock
Photo fournie par les Éditions Stock

« Le temps a brusquement changé et il a commencé à pleuvoir sans relâche entre les arbres. La chaussée de gravier de l’Hobby Drive sinuait inlassablement sur des kilomètres et semblait ne jamais atteindre Clovelly. Tout nous rappelait notre fringale : même les vols de faisans qui picoraient du grain dans des mangeoires en lisière du bois. Nous avions sans arrêt faim depuis une semaine, mais là, j’avais de vraies crampes d’estomac et la tête me tournait. Est-ce qu’on pouvait faire bouillir le grain destiné aux faisans ? »

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