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L'article provient de 24 heures

Violence conjugale: qu’est-ce que le «contrôle coercitif», bientôt illégal au Canada?

mariesacha - stock.adobe.com
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Photo portrait de Anne-Sophie Poiré

Anne-Sophie Poiré

2024-06-18T10:00:00Z
2024-06-18T10:05:00Z
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Le «contrôle coercitif», qui est utilisé par les agresseurs pour isoler et terroriser les victimes de violence conjugale, pourrait être criminalisé par Ottawa plus rapidement que prévu. Le projet de loi à cet effet adopté à l’unanimité mercredi à la Chambre des communes est déjà à l’étude par le Sénat.

«C’est plus vite qu’on ne l’aurait imaginé», lance le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale (RMFVVC), qui célèbre déjà cette avancée majeure pour les victimes.

«On avait autrefois l’impression que la violence conjugale se limitait aux agressions physiques alors que le contrôle coercitif, lui, est presque toujours présent dans les cas de violence conjugale», souligne l’avocate et chargée de projet au RMFVVC, Karine Barrette.

Le projet de loi C-322, déposé en novembre par le Nouveau parti démocratique (NPD), a été adopté mercredi dernier à la troisième lecture par l’ensemble des partis, sans un seul député dissident.

Il vise à modifier le Code criminel pour rendre illégal le contrôle coercitif, décrit comme «la combinaison ou la répétition» de certains actes violents, incluant les menaces physiques et verbales, l’isolement ou encore le chantage pour forcer une activité sexuelle.

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Le contrôle coercitif sera passible de 10 ans de prison si le projet de loi est adopté tel quel par le Sénat.

«Il s’agit d’un dossier important pour assurer la sécurité des personnes victimes de violence coercitive», ont indiqué à 24 heures la ministre québécoise responsable de la Condition féminine, Martine Biron, et le ministre québécois de la Justice, Simon Jolin-Barette, dans une déclaration conjointe.

Le 8 mars dernier, les deux élus sommaient Ottawa d’aller de l’avant avec le projet de loi.

Un crime «extrêmement dangereux»

Le contrôle coercitif s’installe de manière sournoise et graduelle dans une relation qui débute généralement par une période de «conte de fées», détaille Me Barette. Puis, viennent «les commentaires insidieux, les insultes, l’humiliation, le blâme et l’isolement de la victime».

L’enjeu est méconnu et il est extrêmement dangereux, selon l’avocate.

«C’est un des facteurs de mortalité les plus présents dans les féminicides», dénonce-t-elle.

«Les acteurs judiciaires croient à tort qu’un épisode de violence physique est nécessaire pour qu’il y ait un risque de féminicide. Une étude américaine a pourtant démontré que dans le tiers des homicides ou tentatives de meurtre conjugaux, il n’y avait pas eu de violence physique avant», fait valoir Me Barrette.

Pour l’heure, la violence conjugale n’est pas une infraction criminelle reconnue.

Les policiers et les procureurs de la Couronne doivent donc la lier à d’autres délits, comme les menaces de mort, le harcèlement ou encore les voies de fait dans les cas de violence physique.

Or, les violences vécues par les victimes sont loin de se limiter à ces crimes, selon le RMFVVC.

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Encourager le contrôle coercitif

Dire à une personne qu’elle ne peut travailler à l’extérieur de la maison et contrôler le budget parce qu'on est le «pourvoyeur», l’accuser de voir trop souvent ses «amies de fille» ou l’empêcher de sortir dans des événements: voilà des exemples classiques de contrôle coercitif, illustre Me Barrette.

Ça vous dit quelque chose?

En avril dernier, le balado masculiniste québécois Lucide Podcast commençait à semer la controverse sur les réseaux sociaux. Les animateurs, qui prônent un retour aux rôles traditionnels des genres, étaient notamment accusés de flirter avec des propos qui encouragent le contrôle coercitif.

• À lire aussi: On a jasé avec la blonde d’un gars du Lucide Podcast 

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Olivier Jean et Joël McGuirk ne veulent ni «d’une fille qui sort dans les clubs habillée en pute avec ses amies» ni d’une fille qui fréquente les festivals. Ils exigent que «leur femme» soit le moins possible sur les réseaux sociaux ou du moins, qu’ils aient un droit de regard sur leur téléphone.

Selon eux, ces demandes ne sont pas du contrôle ou de l’insécurité. Elles sont simplement «la base du respect qu’une femme doit avoir envers son homme».

Alors que le contrôle coercitif est en voie de devenir illégal au pays, est-ce que l’encourager au micro d’un balado pourrait aussi être criminel?

«L’incitation à commettre un crime est un crime en soi au Canada», souligne la doyenne de la Faculté de science politique et de droit de l'UQAM, Rachel Chagnon.

«Si une personne conseille, amène, incite ou encourage quelqu’un ou un groupe identifiable à commettre un crime, c’est comme si elle y avait participé et elle risque d’être accusée de l’infraction comme telle», précise la juriste.

Il faudrait toutefois démontrer l’intention criminelle, nuance Mme Chagnon, ce qui n’est pas une mince tâche dans un contexte de droit à la liberté d’expression.

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