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L'article provient de 24 heures

On a jasé avec la blonde d’un gars du Lucide Podcast: pourquoi choisir d’être une «épouse traditionnelle»

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Photo portrait de Anne-Sophie Poiré

Anne-Sophie Poiré

2024-04-19T10:00:00Z
2024-04-20T03:01:00Z
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Rester à la maison, s’acquitter des tâches domestiques et se soumettre à «son homme» pendant que lui pourvoit aux besoins pour la famille: voilà comment Chloé, la copine de Joël McGuirk, l’un des animateurs du controversé du Lucide Podcast, a choisi de vivre. Elle appartient au mouvement des tradwives, dont la popularité grandit avec la montée du discours masculiniste.

• À lire aussi: Les animateurs antiféministes du Lucide Podcast sont-ils dangereux?

«Vouloir une relation traditionnelle, ce n’est pas super bien vu de nos jours», remarque la jeune femme de 24 ans au bout du fil. 

Chloé le sait depuis le début de l’adolescence: elle veut se marier, prendre en charge les tâches domestiques, avoir des enfants et leur faire l’école à la maison. Elle sait aussi qu’elle voulait un homme «très masculin» qui pourrait subvenir aux besoins de sa famille. 

«Les rôles de genre, pour moi, c’est ce qui fonctionne», affirme-t-elle à 24 heures

«Je n’ai jamais été à l’aise avec ce qui est valorisé dans la société. J’ai toujours eu l’impression de jouer un personnage», poursuit-elle. 

«Je suis allée à l’université, pas parce que je voulais une carrière, mais parce que c’est ce que je devais faire. Je sais que les écoles sont plus libérales. Je me suis dit que ça allait peut-être ouvrir mes horizons. Ça m’a plutôt fait l’effet contraire.» 

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Le jugement

Malgré le sentiment de honte qui l’habite, Chloé décide d’assumer ses valeurs. Elle délaisse l’image de la femme forte aux «traits un peu plus masculins» et embrasse celle de la «féminité», souhaitant suivre le leadership de «son homme». 

Mais avec ce discours ultraconservateur vient aussi le jugement. La jeune femme se fait parfois comparer à un chien en cage à qui on donne un bol d’eau, regrette-t-elle. 

«Je les vois les commentaires. Plusieurs disent que je suis oppressée, que je vis une relation de contrôle. Je trouve ça décevant. Et le jugement que je reçois, et j’en reçois beaucoup, ça vient surtout de personnes qui se revendiquent féministes.» 

  • Écoutez l’entrevue des deux animateurs du Lucide Podcast au micro de Sophie Durocher via QUB :

«Moi, c’était un homme comme Joël que je voulais», répète celle qui affirme aussi s’être reconnecté à sa foi depuis qu’elle est avec son copain. 

«Il m’a encouragé à la vivre. J’ai été baptisée, mais je vais faire ma confirmation en fin de semaine. C’est excitant!» 

La rhétorique de la Manosphère

«Les tradwives croient qu’une femme doit se soumettre à son mari et servir sa famille. Ce concept n'est pas dégradant et son rôle n’est pas moins important ou essentiel que le sien. [...] Les femmes devraient avoir le choix d’être au foyer sans être jugées», plaide dans une de ses vidéos l’Américaine Estee Williams. 

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La femme de 26 ans, à l’allure tout droit sortie du guide de la parfaite ménagère des années 1950, est devenue l’une des icônes du mouvement apparu sur les réseaux sociaux en 2018. 

«Le mouvement s’inscrit dans la droite chrétienne et le conservatisme. Il endosse l’ensemble des idées conservatrices associées à la religion», souligne la chercheuse à la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM, Véronique Pronovost. 

Les militantes tradwives croient notamment que les relations se brisent «parce que la femme n'est pas assez femme». 

Un argument qui revient souvent dans le Lucide Podcast.

«Avec ce balado, on voit que le discours qui revendique des idées masculinistes de manière très explicite, très décomplexée, commence à émerger ici au Québec, au Canada et en France», observe la sociologue experte de l’antiféminisme conservateur. 

Il n’y a pas d’étude qui quantifie les adhérents au mouvement, beaucoup plus présent aux États-Unis. Mais, «entre 12 et 15% de la population américaine adhère à une idéologie conservatrice qui promeut les fonctions genrées dans la société», précise Mme Pronovost. 

Choisir la soumission

Sur TikTok, Estee Williams et ses consœurs expliquent à leur centaine de milliers d’abonnés les tenants et aboutissants de la tradwife

Coiffées, maquillées et parfumées, elles attendent patiemment le retour de leur mari chaque soir, dans une maison bien rangée. Elles prodiguent des conseils pour attirer des hommes masculins et pourvoyeurs. Elles appellent à la «soumission» de leur partenaire. 

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Parce que derrière chaque tradwife, il y a un homme tout aussi traditionnel. 

«La femme se soumet à l’homme, l’homme à Dieu», résume Chloé, consciente de l’effet que peut susciter le mot «soumission» chez les gens. 

«Pour certains, c’est lié à l’oppression. Pour moi, c’est de suivre le leadership de mon homme. Mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de place pour mon opinion. Je ne vais pas accepter une décision avec laquelle je ne suis pas en accord. Je n’ai juste pas à m’inquiéter de plusieurs choses qui m’amenaient de l’anxiété avant», explique la jeune femme. 

Rejeter le féminisme

Le mot soumission peut-il réellement aller de pair avec le libre-choix?

«Les tradwives rejettent le féminisme, parce qu’elles ont décidé de le faire. Elles se soumettent, parce que c’est leur choix», indique la doyenne de la Faculté de science politique et de droit de l'UQAM, Rachel Chagnon. 

Ces femmes sont à la recherche de sécurité, physique et économique. Elles décident de rejeter le féminisme, et de se camper dans un «rôle de genre». 

«Beaucoup de femmes vivent une fatigue face au poids de performativité qu’on fait peser sur leurs épaules en devant réussir sur le marché du travail, s’acquitter des tâches domestiques, et à la peur constante de se promener seule le soir, par exemple», explique Mme Chagnon. 

«Les adhérentes disent explicitement que le féminisme les a abandonnées, trahies, notamment sur la question de la double tâche selon laquelle les femmes ont la responsabilité de l’entretien domestique en plus de la journée de travail à l’extérieur de la maison», fait valoir Véronique Pronovost. 

«L’idée de diviser ces tâches 50-50, ce n’est pas ce que je recherche», assure Chloé. 

«Pour nous, ça a juste du sens qu’on se concentre à jouer notre rôle respectif dans lequel on performe mieux. S’il n’a pas à se préoccuper du souper et du ménage, moi je sais qu’il pourra se concentrer sur le travail et que je serai en sécurité.»

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