Violence conjugale au Québec: des conjoints accusés presque trois fois plus souvent d'avoir ignoré les ordonnances de la cour
Cette tendance à la hausse s'expliquerait en partie par une plus grande confiance des victimes envers le système


Laurent Lavoie
Le nombre d’accusations criminelles à l’endroit de conjoints violents qui ignorent les ordonnances de la cour a presque triplé ces dernières années, un signe que les personnes agressées dénoncent plus qu'auparavant.
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«Il faut dénoncer. Et de l’entendre de la bouche des intervenants, de le nommer, c’est sûr que ça fait un gros travail de sensibilisation et ça amène des dénonciations», résume Me Isabelle Dorion, procureure de la Couronne et coordonnatrice provinciale en matière de violence conjugale.
Pas moins de 11 877 accusations criminelles ont été déposées l'an dernier par le Directeur des poursuites criminelles pénales (DPCP) pour avoir dérogé à des ordres du tribunal en lien avec des dossiers de violence conjugale.

Il s'agit d'une hausse spectaculaire par rapport à 2018, où on avait recensé 4193 accusations du genre.
On parle ici, par exemple, du non-respect d’une citation à comparaître, d’avoir omis d'aller chercher de l’aide en thérapie, d'avoir communiqué avec la victime ou de s'être approché d'elle alors que cela était interdit au cours des procédures judiciaires.
Pas une banalité
C’est tolérance zéro pour les conjoints accusés, même pour des gestes en apparence banals comme envoyer un cœur via Facebook, insiste Me Isabelle Dorion.
«Ce cœur-là est peut-être une stratégie de contrôle, une forme d’intrusion, illustre-t-elle. Ce peut être annonceur d’un pattern qui n’arrête pas.»
Devant de telles situations, la mentalité des policiers et des procureurs s’est améliorée dans les dernières années, estime Louise Riendeau, porte-parole du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.

Auparavant, les survivantes «se faisaient dire: Écoute, c’est juste un bris. Quand t’en auras plusieurs, rappelle-nous», fait-elle valoir.
L’aide des autorités est cruciale, surtout qu’il est encore plus tentant, de nos jours, d’ignorer les ordonnances de la cour, indique Me Dorion.
«Je suis certaine que l’accès à la technologie, ça explique l’augmentation des bris», avance la juriste, faisant référence aux cellulaires et aux réseaux sociaux.
Elle note aussi que des rappels ont été faits dans les dernières années aux procureurs pour s’assurer que le contexte de violence conjugale est précisé au dossier lors du dépôt des accusations.
Pas une bonne idée
Dans tous les cas, s’acharner sur une victime n’aide en rien la cause d’un accusé. Il risque d’être jeté en détention jusqu’à la fin du procès. Il s’expose aussi, après un verdict de culpabilité, à une sentence plus sévère.
«Ça donne une bonne idée du type d’individu qu’on a devant nous, souligne Isabelle Dorion. Ça peut être très parlant quant à son caractère, surtout de la façon dont ça se traduit face à sa dangerosité.»

Claudine Thibaudeau, travailleuse sociale chez SOS violence conjugale, souligne que «ce sont de fins manipulateurs, les agresseurs conjugaux».
«On a beaucoup formé les policiers sur les indices de risque d’un homicide conjugal, d’un féminicide. Dans ces indices, il y a les bris d’ordonnances, parce que ce n’est pas banal», insiste-t-elle.
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