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L'article provient de Le Journal de Montréal

Voici le récit de la mystérieuse fille aînée de Marie-Antoinette et du roi Louis XVI, brillamment raconté par l'écrivaine Victoria Mas dans «L'orpheline du Temple»

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Photo portrait de Karine Vilder

Karine Vilder

2025-05-25T11:00:00Z
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Avec L’orpheline du Temple, l’écrivaine française Victoria Mas signe un roman touchant qui nous fait découvrir un pan oublié de l’Histoire de France.

La romancière française Victoria Mas aime se pencher sur les moments un peu troubles de l’Histoire. Dans Le bal des folles, elle nous avait ainsi fait découvrir l’enfer de celles qui ont été enfermées à l’hôpital de la Salpêtrière au XIXe siècle. Et dans Un miracle, c’est le mystère entourant certaines apparitions de la Vierge Marie qu’elle avait voulu éclairer à sa façon.

«C’est vrai que je retourne beaucoup dans le passé», confie-t-elle depuis son appartement à Paris. «J’ai un faible pour les figures méconnues qui sont restées dans l’ombre, celles dont on ne parle pas, mais qui ont pourtant traversé des choses incroyables.»

Avec L’orpheline du Temple, c’est à Marie-Thérèse de France, fille aînée de Louis XVI et de Marie-Antoinette, qu’elle a cette fois choisi de consacrer son roman. Une fille dont on ne sait finalement pas grand-chose, en partie parce qu’elle a été éclipsée par sa célèbre mère, dont la mort (par guillotine) continue, encore aujourd’hui, de faire couler pas mal d’encre.

«J’ai découvert son existence lors d’une visite au château de Versailles», explique Victoria Mas. «Je ne savais pas qu’il y avait eu une survivante dans cette famille royale et quand j’ai commencé à parler d’elle autour de moi, j’ai été étonnée de voir à quel point elle était oubliée dans le savoir collectif. Ce roman a donc été ma façon de remédier à ma propre ignorance, car j’ai eu envie d’en apprendre plus sur cette jeune fille qui est devenue orpheline à cause de l’Histoire. Sa résilience m’a émue et fascinée.»

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Une adolescence marquée la captivité

Au lieu de donner directement la parole à Marie-Thérèse de France, Victoria Mas a préféré la faire revivre à travers le regard de Joseph Herbelin, un jeune révolutionnaire qui, de février 1794 à septembre 1795, sera gardien à la prison du Temple. Bien que l’endroit soit franchement sinistre, c’est là qu’ont été emprisonnés Madame Élisabeth (la sœur cadette du roi Louis XVI), le dauphin Louis-Charles de France (il n’avait alors que 10 ans) ainsi que sa grande sœur, la princesse Marie-Thérèse, surnommée «Madame Royale».

«Le respect des faits a été très important pour moi», poursuit Victoria Mas. «Il fallait que je fasse en sorte que le contexte historique et social soit juste. L’autre défi a été de trouver comment représenter la princesse. Est-ce que je devais la montrer comme une pauvre jeune fille victime de ses geôliers, ou comme une jeune femme qui résiste et qui ne perd rien de son héritage? Parce qu’elle a existé, je ne pouvais pas lui faire dire ou lui faire faire n’importe quoi. Alors j’ai pensé à la présenter d’un point de vue extérieur, ce qui la ferait passer de princesse à jeune fille. Je souhaitais l’humaniser avec ce gardien narrateur, qui sera lui-même amené à remettre ses propres convictions en question, en voyant le sort réservé à Marie-Thérèse.»

S’aimer au milieu du chaos

Surprise, L’orpheline du Temple est aussi une histoire d’amour entre deux jeunes gens brisés par la Révolution. Une histoire essentiellement racontée sous forme de lettres, Joseph Herbelin semblant mieux manier la plume que les armes.

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«Je n’avais encore jamais travaillé le genre épistolaire et l’envie d’écrire à la première personne me tentait», précise Victoria Mas. «En vérité, je souhaitais moins écrire un roman historique qu’un roman humain. La Révolution française, ce n’est pas que des dates. C’est aussi un peuple qui a souffert dans sa chair. Qu’est-ce qui se passe dans la tête de quelqu’un témoin des horreurs commises durant cette période? Quels sont les impacts de ces traumatismes sur une personne normale? Les lettres me permettaient d’avoir une proximité avec les événements en cours et avec ce qui se déroulait à l’intérieur du Temple.»

Dans un contexte d’une extrême violence – celui de la Terreur, avec ses émeutes, ses exécutions et sa méfiance généralisée –, Victoria Mas montre que, même dans les moments les plus sombres, il peut y avoir de la lumière.

«Il a été attesté que des gens essayaient d’apercevoir Marie-Thérèse pendant qu’on l’autorisait à sortir dehors. Elle a fini par s’attirer leur sympathie, surtout après la mort atroce de son frère. On se pressait pour la voir, on jouait de la musique pour accompagner ses promenades. En fait, Marie-Thérèse de France a cristallisé un moment de contradiction du peuple français.»

Un livre qui parle d’amour, de mémoire et de résilience.

Photo fournie par les Éditions Albin Michel
Photo fournie par les Éditions Albin Michel

L’orpheline du Temple

Victoria Mas, Éditions Albin Michel, 192 pages

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