Crise du logement: une famille de six forcée de vivre à l'hôtel depuis cinq jours
Leur propriétaire leur a envoyé deux avis d’évictions en un an


Clara Loiseau
Une famille de six est presque à la rue depuis que leur propriétaire, qui tente de les évincer, a lancé des travaux qui mettent en péril leur sécurité sans les prévenir.
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«Je suis un itinérant présentement... Je ne sais pas ce que je vais devenir avec ma femme et mes enfants. Je n’ai pas les mots pour décrire ce qui nous arrive», laisse tomber Rachid Benzai, en regardant son appartement qu’il occupe depuis son arrivée au Québec il y a 19 ans.
Depuis plus d’un an, lui et sa famille se battent contre leur propriétaire. Ce dernier leur avait d’abord envoyé un avis d’éviction pour subdiviser leur logement, puis finalement un autre avis d’éviction pour agrandissement du logement.
Mais depuis samedi matin, la famille n’a plus le droit de remettre les pieds dans son logement et se voit forcée de vivre indéfiniment à l’hôtel. La cause? Des travaux qui auraient été mal effectués par leur propriétaire.
Réveiller par des pelleteuses
Bien que la famille a son audience au Tribunal administratif du logement pour contester l’éviction demain, son propriétaire, Joseph Grossman, a quand même lancé ses travaux d’excavation il y a quelques semaines. Il avait obtenu un permis de la Ville «visant l'excavation du sous-sol, le réaménagement du logement au rez-de-chaussée ainsi que divers travaux de restauration en façade du bâtiment», le 10 janvier dernier.
«On a été réveillés par la pelleteuse dans notre cour et les vibrations qui faisaient trembler la maison. Personne ne nous a jamais prévenus», se souvient Farida Benzai, les larmes aux yeux.
La voisine du dessus, Caroline Grou, qui vit là depuis une dizaine d’années, a aussi été surprise de voir une aussi grosse machinerie se déployer dans sa cour arrière.
«On n’a jamais su que des travaux s’en venaient. Personne ne nous dit jamais rien», explique-t-elle.

Vendredi, un inspecteur de la Ville de Montréal s'est déplacé sur le chantier.
«Une inspection réalisée sur place le vendredi 28 avril en compagnie d'un ingénieur en structure mandaté par le propriétaire de l'immeuble a permis de constater que ces travaux n'étaient pas exécutés selon les recommandations techniques de l'ingénieur ayant conçu le projet, ce qui aurait mené à un affaissement partiel et localisé du plancher du rez-de-chaussée», écrit au Journal l'arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie.
Le lendemain, après un appel de Mme Benzai, les services d'urgences sont venus sur le chantier. Tous les logements de l’immeuble et des deux bâtiments résidentiels adjacents ont été évacués d’urgence, raconte son mari.
«On n’a même pas eu le droit de rentrer chez nous pour aller chercher des affaires essentielles, c’était un peu stressant», soutient Francis Rémillard, qui vit dans un immeuble voisin avec sa femme et leurs deux enfants.
Tous les locataires ont pu revenir dans leur logement samedi soir, sauf la famille Benzai.
«On est six dans une chambre d’hôtel! Est-ce que vous trouvez ça normal? On ne peut même pas rentrer chez nous», s’insurge la mère de famille.
Dénoncer
Pour l’avocate Me Kimmyanne Browne, qui représente la famille, il est clair que le propriétaire veut absolument faire partir ses locataires qui paient 770$ par mois pour un 6 1/2.
«Le propriétaire dit qu’il doit faire des rénovations, mais pourtant il n’a pas saisi d’une demande de rénovation majeure, mais d’une demande d’éviction pour agrandissement», soutient-elle.
Contacté par Le Journal, M. Grossman n’a pas répondu aux demandes d’entrevues.
Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec Solidaire (QS), était sur place pour dénoncer la situation de la famille Benzai et de ses voisins.
«Je n’ai jamais vu un cas d’éviction aussi inhumain, aussi brutal et aussi dangereux», s’indigne le chef parlementaire.
Selon ce dernier, ce cas de rénovation montre à quel point il est temps de mettre en place un moratoire sur les rénovictions.
«Ça nécessite une simple modification du Code civil du Québec. Ça ne coûterait pas plus cher que l’encre avec laquelle on rédigerait ce petit amendement et ça viendrait protéger des centaines, voire des milliers de familles qui font les frais de trous dans la loi, qui permet des abus totalement incroyables», estime-t-il.
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