Guerre en Ukraine: Zelensky demande à l’OTAN «une aide militaire sans restriction»
AFP
BRUXELLES | Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a demandé jeudi «une aide militaire sans restriction» aux pays de l’OTAN réunis jeudi en sommet à Bruxelles pour coordonner leur action face à la Russie, dont les forces semblent s’enliser un mois exactement après son lancement de l’invasion de l’Ukraine.
• À lire aussi: [EN DIRECT] Un mois de guerre en Ukraine: voici tous les derniers développements
• À lire aussi: Guerre en Ukraine: marathon diplomatique des Occidentaux à Bruxelles, les forces russes s'enlisent
«Pour sauver les gens et nos villes, l’Ukraine a besoin d’une assistance militaire sans restriction. De même que la Russie utilise, sans restriction, tout son arsenal contre nous», a déclaré M. Zelensky dans un message vidéo à l’attention des chefs d’État et de gouvernement de l’Alliance atlantique, réunis en sommet extraordinaire à huis clos.
«L’armée ukrainienne résiste depuis un mois dans des conditions inégales ! Je répète la même chose depuis un mois maintenant», a souligné M. Zelensky, alors que les dirigeants européens et américain enchaînaient jeudi les sommets consacrés à l’Ukraine — réunion du G7 puis de l’UE après celle de l’OTAN.
Les États-Unis «ont entamé des consultations (avec leurs alliés) pour fournir des missiles anti-navire à l’Ukraine», a indiqué jeudi une haute responsable américaine, soulignant toutefois que ce scénario présentait des «défis techniques».
- Écoutez l’éditorial de Phillipe-Vincent Foisy , tous les jours 7 h 30, en direct à QUB radio :
La Suède et l’Allemagne ont annoncé pour leur part la livraison à l’Ukraine de respectivement 5000 et 2000 nouvelles armes antichar. Les forces ukrainiennes ont déjà reçu 1000 armes antichar et 500 lance-missiles sol-air de type Stinger pris dans les réserves de la Bundeswehr, l’armée allemande.
«Seule la mer vous sépare de cette politique agressive» de Moscou, a encore averti M. Zelensky devant les parlementaires suédois dans un discours par visioconférence. Il a cité des émissions de la télévision russe où des experts parlent ouvertement d’une attaque sur le Gotland, une île suédoise à la situation stratégique au milieu de la mer Baltique.
La Suède a rompu au début du conflit, pour la première fois depuis 1939, avec sa doctrine de ne pas livrer d’armes à un pays en guerre.
«Risque bien réel» d’utilisation d’armes chimiques en Ukraine, dit Zelensky au G7
«Le risque d’une utilisation à grande échelle d’armes chimiques par la Russie sur le territoire de l’Ukraine est bien réel», a déclaré jeudi le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans un message vidéo aux chefs d’État et de gouvernement du G7.
Cet avertissement intervient au lendemain d’une déclaration de son homologue américain Joe Biden qui a jugé que l’utilisation de l’arme chimique était une «menace crédible».
L’OTAN et des pays occidentaux ont mis en garde à plusieurs reprises la Russie contre l’utilisation d’armes chimiques en Ukraine. Ils craignent un tel scénario en raison des accusations répétées par Moscou selon lesquelles les États-Unis et l’Ukraine gèrent des laboratoires destinés à produire sur le sol ukrainien des armes biologiques et chimiques.
Les Russes «commencent par dire qu’il y a des armes chimiques stockées par leurs opposants ou par les Américains. Et donc, quand eux-mêmes déploient des armes chimiques, comme je crains qu’ils le fassent, ils ont une sorte de “maskirovka”» — terme russe qui désigne l’art de tromper l’ennemi — «une fausse histoire toute prête», déclarait le 10 mars le premier ministre britannique Boris Johnson.
Ces dernières années, les Occidentaux ont attribué à Moscou deux affaires d’empoisonnement à l’aide d’un agent neurotoxique, le Novitchok, visant l’opposant aujourd’hui emprisonné Alexeï Navalny (2020) et l’ancien espion russe Sergueï Skripal, au Royaume-Uni (2018).
La Russie s’est par ailleurs montrée complaisante avec le régime de Damas en niant toujours l’utilisation répétée d’armes chimiques par la Syrie contre les populations civiles.
Message à Pékin
Dans la nuit de mercredi à jeudi, le président ukrainien avait lancé un appel à manifester pour l’Ukraine à travers le monde, après avoir multiplié les discours devant les Parlements européens, américain, japonais.
«Allez-y avec des symboles ukrainiens pour défendre l’Ukraine, pour défendre la liberté, pour défendre la vie!», a-t-il lancé via un message vidéo en anglais. «Retrouvez-vous sur les places, dans la rue, montrez-vous et faites-vous entendre!»

Il s’est également adressé aux Russes: «Si vous le pouvez, quittez la Russie et ne payez pas vos impôts pour cette guerre», a-t-il dit.
Selon la Maison-Blanche, les sommets de jeudi auront surtout pour but de consolider l’arsenal de sanctions déjà prises, éviter les tentatives de contournement de Moscou, et renforcer dans la durée le positionnement de l’OTAN en Europe de l’Est.
L’OTAN devrait aussi confirmer jeudi le déploiement de quatre nouveaux groupements tactiques en Bulgarie, Roumanie, Hongrie et Slovaquie pour renforcer ses défenses contre la Russie sur son flanc oriental, selon son secrétaire général Jens Stoltenberg.
Lors du sommet de l’OTAN jeudi, «beaucoup» de dirigeants ont par ailleurs estimé que «la Chine (devait) prendre ses responsabilités dans la communauté internationale» et qu’il fallait «continuer à demander à la Chine de ne pas soutenir la Russie dans son agression», selon une haute responsable américaine.
- Écoutez l'éditorial de Richard Martineau, tous les jours 8 h 30, en direct sur QUB radio :
Sanctions «insuffisantes»
Washington doit par ailleurs annoncer jeudi «un ensemble de sanctions qui concernent à la fois des personnalités politiques» et «des oligarques», a fait savoir le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan.
Le gouvernement britannique a lui déjà annoncé une nouvelle série de sanctions visant 59 personnalités et entreprises russes et six entités biélorusses.
Dans une interview accordée au quotidien espagnol El Pais, le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba s’est inquiété d’«un certain ralentissement dans le processus de prise de décision de l’UE» ces «dix derniers jours», ajoutant que «ceux qui pensent qu’ils en ont fait assez se trompent».
Les sanctions occidentales sont «sans précédent, elles vont très loin, mais sont insuffisantes», a affirmé jeudi le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, invoquant comme preuve la réouverture ce jeudi de la bourse de Moscou, la reprise de transactions sur les obligations russes et le renforcement du rouble.
Le CICR à Moscou
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a accusé la Russie d’avoir «commis des crimes de guerre en Ukraine».
«Nous avons vu de nombreux rapports crédibles d’attaques aveugles et d’attaques visant délibérément des civils, ainsi que d’autres atrocités», a-t-il déclaré dans un communiqué, en soulignant qu’il reviendra aux tribunaux de déterminer les responsabilités.

Sur le terrain, au moins quatre personnes sont mortes, dont deux enfants, et six autres ont été blessées dans des frappes russes sur la localité de Roubijné, près de Lougansk, dans l’Est de l’Ukraine, a indiqué jeudi le gouverneur de la région, Serguiï Gaïdaï.
Le gouverneur a ajouté que le bilan risquait de «s’avérer bien supérieur». «L’aviation russe a commencé à larguer des bombes au phosphore sur Roubijné», a-t-il accusé.
Dans son message à l’OTAN, le président ukrainien a relayé ces accusations: «Ce matin (...) il y a eu des bombes russes au phosphore. Des adultes ont été tués et des enfants ont été tués à nouveau».
Les Ukrainiens accusent aussi les Russes de «déporter» des habitants de la ville assiégée de Marioupol vers la Russie.
«Les habitants du quartier Livoberejny commencent à être déportés massivement vers la Russie», a accusé jeudi le conseil municipal, affirmant qu’«environ 15 000 habitants de Marioupol sont visés par cette déportation illégal». Ces accusations étaient invérifiables dans l’immédiat.
Le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) Peter Maurer a déclaré jeudi, depuis Moscou, avoir discuté avec ses interlocuteurs russes de la nécessité de protéger les civils dans le conflit en Ukraine.
«Nous avons bien sûr discuté du droit international humanitaire, de la convention de Genève, concernant la conduite des hostilités» et du fait «que les civils doivent être protégés», a-t-il dit lors d’une conférence de presse avec le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov.
Quelque 4,3 millions d’enfants — soit plus de la moitié de la population enfantine ukrainienne — ont dû quitter leur foyer pour fuir l’insécurité et les combats déclenchés par l’invasion de l’armée russe le 24 février, a indiqué l’Unicef jeudi.
«Grosse erreur»
Selon Washington, l’offensive de l’armée russe piétine notamment dans les environs de la capitale Kyïv.
«Les Ukrainiens ont réussi à repousser les Russes à 55 km à l’est et au nord-est de Kyïv», a déclaré mercredi un haut responsable du Pentagone ayant requis l’anonymat.
Faute de réussir à s’emparer de grandes villes, l’armée russe continue de les bombarder de façon intense. L’état-major ukrainien a recensé 250 sorties aériennes russes mercredi, 60 de plus que mardi.
«Les principales cibles de l’ennemi restent les infrastructures militaires et civiles dans les régions de Kyïv, Tcherniguiv et Kharkiv», a-t-il indiqué jeudi sur sa page Facebook.
La marine ukrainienne a aussi affirmé jeudi avoir détruit un navire de transport de troupes russes ancré dans le port de Berdiansk, ville proche de Marioupol sur la mer d’Azov, première annonce de destruction d’un navire de cette taille.
Le président russe Vladimir Poutine a commis une «grosse erreur» avec l’invasion de l’Ukraine dont il a «sous-estimé» la résistance, a affirmé jeudi Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN, avant l’ouverture d’un sommet extraordinaire de l’Alliance.