Un TGV Québec-Toronto, est-ce que c’est réaliste (et souhaitable)? Un expert répond à nos questions


Andrea Lubeck
Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé mercredi qu’il donne le feu vert pour la construction d’un train à grande vitesse (TGV) reliant Toronto et Québec. Le projet a-t-il des chances de se réaliser? Qu’est-ce que ça prend pour construire un TGV et quels sont les obstacles? Un expert répond à nos questions.
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À quoi ressemblerait un TGV Toronto-Québec?
Le projet de TGV 100% électrique, nommé Alto, s’étendrait sur environ 1000 km et s’arrêterait à Toronto, à Peterborough, à Ottawa, à Montréal, à Laval, à Trois-Rivières et à Québec. Ce corridor est privilégié puisqu’il est le plus peuplé au Canada.
Un TGV permettrait de couper de moitié la durée des trajets, alors que le train pourrait atteindre une vitesse de croisière de près de 300 km/h. On pourrait ainsi se rendre de Montréal à Toronto en 3 heures.
Ce TGV «canadien» n’aurait toutefois rien à voir avec ceux d'Europe, soulignait en mars dernier Pierre Barrieau, chargé de cours à l’Université de Montréal et expert en planification du transport, en entrevue à 24 heures. Au Canada, le train devrait opérer à vitesse ralentie sur certains segments.
On en sait peu sur l'échéancier, mais la phase de développement du projet devrait prendre 5 ans, a affirmé mercredi Martin Imbleau, président de VIA TGV.
Le projet est-il réalisable?
Il s’agit vraisemblablement du dernier projet de transport d’envergure que Justin Trudeau annonce en tant que premier ministre, puisqu’il est prévu qu’il quitte ses fonctions le 9 mars prochain.
Les élections et une victoire du Parti conservateur du Canada, généralement peu friand aux projets de transport collectif, risquent-elles de faire dérailler le projet?
Les contrats qui seront signés dans les prochaines semaines et les travaux qui en découleront seront «très difficiles pour tout autre gouvernement d’annuler», a assuré M. Trudeau mercredi en conférence de presse.
Qu’est-ce que ça prend pour construire un TGV au Canada?
D’abord, il faudrait construire un nouveau chemin de fer supportant une telle vitesse. Les voies ferrées actuelles «ne sont pas suffisamment entretenues pour accueillir des trains allant à haute vitesse», a expliqué M. Barrieau.
Mais avant toute chose, ça prend un consensus des experts et de la population, mais aussi des industries à l’échelle du pays pour investir l’argent nécessaire, a-t-il ajouté.
Un TGV, mais à quel prix?
Justin Trudeau ne s'est pas avancé sur la facture totale. Il a préféré souligner que le projet injecterait «jusqu’à 35 milliards de dollars dans le PIB chaque année» et qu’il créerait «plus de 51 000 emplois bien rémunérés pendant la phase de construction».
La phase de conception coûtera néanmoins 3,9 milliards $ sur six ans.
Transports Canada a pour sa part déjà estimé que le coût d'un tel projet pourrait dépasser 100 milliards $.
Est-ce qu’un TGV serait rentable?
«On a la densité de population, on a le marché et on a aussi le besoin de le faire», a assuré Pierre Barrieau.
Selon lui, même si la construction d’un TGV coûterait cher, ne pas le réaliser coûterait encore plus cher. Il évoque les montants exorbitants qui devront être injectés pour améliorer les autoroutes et les aéroports à Montréal et Toronto si le projet de TGV ne voit pas le jour.
En plus de créer des emplois, un projet de TGV permettrait de retourner beaucoup d’argent dans les poches du gouvernement, notamment en taxes de vente, en impôts sur le revenu et en impôts des entreprises, a affirmé le chargé de cours.

Quels seraient les bénéfices d’un TGV?
En plus de l’économie de temps, le TGV serait écologique, puisque le train roulerait à l’hydroélectricité. La construction d’un TGV permettrait aussi de supprimer des vols «inutiles» et polluants.
«Il n’y a aucune raison qu’une personne prenne un vol Ottawa-Montréal, sauf si c’est pour une correspondance», a insisté le chargé de cours. En Europe, de nombreux vols sur des trajets qui peuvent être faits efficacement en TGV sont éliminés, voire interdits.
Outre le coût, quels sont les obstacles à la construction d’un TGV?
- Le projet aurait des conséquences environnementales, puisque le tracé pourrait devoir être construit où se trouvent des marais en Ontario, notamment.
- Il faudrait faire des expropriations, un processus qui peut «prendre beaucoup de temps», a souligné M. Barrieau.
- La pénurie de main-d’œuvre dans l’industrie de la construction vient aussi mettre des bâtons dans les roues du projet.
- Contrairement à la France, nous n’avons pas l’expertise nécessaire ici pour réaliser un tel projet.
— Avec des informations de l’Agence QMI