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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

En 1832, le Québec était terrassé par la pire épidémie de son histoire

Le choléra à Québec en 1832, huile sur toile de Joseph Légaré.
Le choléra à Québec en 1832, huile sur toile de Joseph Légaré. Photo fournie par le Musée des beaux-arts du Canada, no 7157/Domaine public
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James Jackson

2023-06-24T04:00:00Z
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Le Québec a connu son lot d’épidémies, les unes plus meurtrières que les autres. Il y eut la grippe espagnole à la fin de la Première Guerre mondiale, emportant plus de 15 000 Québécois. Ensuite, c’est le sida qui a commencé à faire des ravages à partir des années 1980. Aujourd’hui, la COVID-19 et ses divers variants continuent de préoccuper la santé publique. Mais la pire épidémie, parce que ce fut la première, eut lieu au XIXe siècle. 

Le cauchemar commença pour le Bas-Canada le samedi 9 juin 1832. Ce jour-là, le choléra se déclara dans la ville de Québec « avec une violence qui a répandu la consternation dans toutes les classes de la société », écrivait Le Canadien. Un Irlandais malade qui venait de débarquer en fut responsable. Les autorités n’étaient pas surprises, car elles attendaient ce premier cas de pied ferme depuis plusieurs mois.

Plus de 14 années à arriver au Québec

À la différence de la COVID-19 qui voyagea de Wuhan en Chine jusqu’en Europe en l’espace de quelques semaines en 2020, la propagation du choléra au XIXe siècle fut beaucoup plus lente. Née au Bengale en 1817, la maladie mit 14 ans pour atteindre d’abord la Russie et ensuite l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne. Au Canada, personne n’ignorait que la catastrophe s’approchait inexorablement.

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Depuis la fin des guerres napoléoniennes en 1815, l’immigration vers l’Amérique du Nord avait repris de plus belle. À partir de 1830, 30 000 immigrants en moyenne arrivaient par an au Canada en provenance de la Grande-Bretagne et de l’Irlande. Plus de la moitié était des Irlandais.

Le gouverneur en chef, lord Aylmer
Le gouverneur en chef, lord Aylmer Photo fournie par Bibliothèque et Archives nationales du Québec/Domaine public

Puisque Québec était la principale porte d’entrée pour cet afflux massif de personnes, les autorités médicales savaient qu’il était urgent de mettre en place des mesures sanitaires avant l’arrivée du choléra. Mais le gouverneur du Bas-Canada, lord Aylmer, hésita à réagir.

« La fumisterie du choléra »

En Angleterre, les premiers cas de choléra furent signalés à Sunderland, sur la côte Nord-Est, en octobre 1831. Il y eut 200 morts, mais le progrès de la maladie le long de la côte en direction de Londres fut lent. Quatre mois plus tard, la métropole anglaise attendait toujours son premier cas mortel. 

Personne ne voyait l’importance d’une mise en quarantaine. Même après l’apparition des premiers cas à Londres, la propagation de la maladie restait faible par rapport à ce qui se passait à Paris. 

Le choléra à Paris
Le choléra à Paris Photo Wikimedia Commons/ Domaine public

Certains périodiques parlaient d’un complot du gouvernement Tory alors que d’autres journaux dénonçaient ce qu’ils appelaient « la fumisterie du choléra ». Si Aylmer était au courant de l’état d’esprit à Londres, on comprend ses tergiversations.

Le gouverneur finit par mettre en place ses premières mesures préventives. En février 1832, il sanctionna un projet de loi dans le but de former des bureaux de santé régionaux et de créer une zone de quarantaine dans le Saint-Laurent. Mais c’étaient des mesures insuffisantes qui arrivaient trop tard.

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Pour la quarantaine, il prit possession de la Grosse-Île, située à une cinquantaine de kilomètres en aval de Québec et au large de Montmagny.

Grosse-Île
Grosse-Île Photo fournie par Bibliothèque et Archives nationales du Québec [CA601, S53, SS1, P3078]

 En avril, un peloton de soldats britanniques du 32e régiment y débarqua pour construire la nouvelle station de quarantaine. En moins de deux mois, les soldats réussirent à construire un abri en bois assez grand pour accueillir 300 personnes en santé et un hôpital pour 48 patients. Comme première ligne de défense contre l’épidémie, la quarantaine fut un échec. L’inspection médicale fut incapable de détecter les patients asymptomatiques et Québec en subit les conséquences.

Ce n’était la faute ni du gouverneur en chef ni des autorités médicales. C’était la nature de la maladie elle-même qui posait un problème, non pas le système de quarantaine. Aujourd’hui, on sait que le choléra est causé par une bactérie qui se trouve dans les liquides et les aliments contaminés par les matières fécales d’une personne infectée par la maladie. Le problème était le manque d’eau potable, l’insalubrité des logements et la promiscuité des habitants qui s’y entassaient.

Les médecins se trouvaient devant l’inconnu. Ne sachant pas si le choléra se propageait par l’infection ou par la contagion, ils étaient incapables de proposer un traitement efficace. Le bilan pour le Bas-Canada était très lourd : 2300 morts à Québec et 4000 à Montréal. Le Québec connut d’autres épidémies de choléra au 19e siècle avant que le développement d’une prévention intégrale de la maladie vers la fin du siècle mît fin à un des chapitres les plus sombres de son histoire.

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