Ce meurtre commis en 1926 n’est toujours pas résolu: le comptable Henri Bertrand a-t-il tué son patron?


Mathieu-Robert Sauvé
Antonio Beaudry est un homme engagé dans sa communauté auquel on ne connaît aucun ennemi. Pourtant, quand il est retrouvé mort dans son bureau, il faut bien se rendre à l’évidence: il a été tiré à bout portant.
«Les soupçons se sont rapidement tournés vers son comptable, Henri Bertrand, qui était sur les lieux le jour du crime, le 16 août 1926», relate l’historien Simon Dubé, adjoint exécutif au Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale.
Dans les archives de ce laboratoire unique au Québec, qui célèbre son 110e anniversaire en 2024, on garde encore l’analyse balistique de ce cas non résolu qui a passionné la presse à l’époque.

L’accordeur était aveugle
Non seulement le comptable Bertrand avait un mobile incriminant, une dette de 10 000$ qu’il devait rembourser rapidement, mais on sait qu’il avait acheté une arme peu avant le drame. «Un révolver de calibre .32 acquis à un accordeur de piano que la police avait réussi à retracer», ajoute M. Dubé.
Le calibre du pistolet correspondait aux balles retrouvées dans le corps du défunt, comme avait pu le constater le fondateur du Laboratoire, le Dr Wilfrid Derome, l'un des plus grands cerveaux de son temps en matière de criminalistique.

Durant le procès, qui s’était ouvert en novembre 1926, les analyses des experts se sont succédé et les procureurs y sont allés de leurs plaidoiries.
Pour la Couronne, un problème se pose assez rapidement: l’arme du crime n’a jamais été retrouvée. Or, si l’autopsie révèle un homicide par arme à feu assez précisément pour identifier le calibre de l’arme fatale, il est essentiel de coupler les balles et le pistolet pour établir une preuve.
«Autre problème, ajoute M. Dubé, l’accordeur de piano auquel le comptable avait acheté le pistolet était aveugle. Même s’il avait reconnu la voix de son client, les avocats ont mis son témoignage en pièces.»

Acquitté!
Au prononcé de la sentence, l’audience a réagi avec étonnement. «Infâme», titrera le journal La Presse dans son édition du lendemain.
Le comptable a retrouvé sa liberté immédiatement après le procès et on n’a plus jamais entendu parler de lui.
Pour le personnel du laboratoire, c’était l'une des premières expériences de procès hautement médiatisés où des experts des sciences judiciaires sont appelés à la barre. Une source d’information dont on ne saura désormais plus se passer.
Le Dr Derome, qui s’était inspiré de laboratoires européens pour créer son unité professionnelle, acquerra une réputation internationale telle que le fondateur du Federal Bureau of Investigation (FBI) des États-Unis, J. Edgar Hoover, viendra visiter le laboratoire montréalais pour s’en inspirer à son tour.
