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L'article provient de TVA Nouvelles
Politique

Tout ce qu’il faut savoir sur la grève des profs

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Photo portrait de Daphnée  Dion-Viens

Daphnée Dion-Viens

2023-11-20T05:00:00Z
2023-11-20T14:44:19Z
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Il est minuit moins une. Dès mardi, toutes les écoles publiques seront fermées pour trois jours, et 40% le seront pour une durée indéterminée, puisque leurs enseignants déclencheront une grève générale illimitée, à moins d’une entente in extremis. Le fossé entre les deux parties est grand, même si les négociations se poursuivent toujours. Voici tout ce qu’il faut savoir sur le débrayage de dizaines de milliers d'enseignants, une première au Québec depuis 40 ans.

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Le Front commun annonce qu'il fera appel à un conciliateur jeudi.

Sonia LeBel, présidente du Conseil du trésor, a réagi à la nomination d’un conciliateur par le ministre du Travail.

«Nous prenons les moyens à notre disposition pour en arriver à une entente le plus rapidement possible. C’est pourquoi nous accueillons positivement l'arrivée d'un conciliateur pour favoriser les échanges avec le Front commun. Je remercie mon collègue, Jean Boulet, ministre du Travail, d’avoir agi rapidement pour sa nomination.»

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Des grèves à deux vitesses

Dans le réseau scolaire, le personnel est représenté par deux fédérations syndicales. Les employés de soutien, les professionnels et 60% des enseignants sont membres du Front commun, qui a décrété trois journées de grève les 21, 22 et 23 novembre. Toutes les écoles de la province seront fermées, les cégeps aussi. Les universités, elles, ne sont pas touchées. D’autres moyens de pression pouvant aller jusqu’à la grève générale illimitée pourraient être annoncés sous peu par le Front commun.

De son côté, la Fédération autonome de l’enseignement réunit 66 000 profs situés à Montréal, Québec, en Outaouais, dans les Laurentides, l’Estrie et la Montérégie qui représentent 40% des enseignants. Ils déclencheront une grève générale illimitée le 23 novembre, ce qui signifie qu’ils retourneront en classe seulement après avoir conclu une entente de principe ou constaté des avancées significatives à la table de négociations.

  • Écoutez l'entrevue avec Simon Landry, enseignant de la région métropolitaine et auteur du livre « L’éducation au Québec en ce 21e siècle » à l’émission d’Alexandre Dubé via QUB radio :

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Des profs sans fonds de grève «en colère et déterminés»

Même s’ils n’ont pas de fonds de grève, les profs de la FAE ont appuyé massivement le recours à une grève générale illimitée, ce qui prouve à quel point ils sont «en colère» et «prêts à se battre», affirme sa présidente, Mélanie Hubert.

  • Quels sont les impacts de la grève chez les jeunes ? Égide Royer, psychologue et professeur à l'Université Laval nous donne les détails via QUB radio :

Ils sont aussi nombreux à l’exprimer haut et fort. «Je connais aucun prof non plus qui est content de se priver de son salaire pendant un nombre de jours indéterminé, à un mois de Noël [...] Mais on est rendu là. Parce que je pense que la prochaine étape, c’est la démission en bloc. Parce que la flamme est ben éteinte pis elle est dure à rallumer», affirme Anne-Marie-Trudel, une enseignante de maternelle de Québec.

Au cours des dernières années, le nombre de profs qui ont démissionné a grimpé en flèche alors que le nombre d’enseignants non légalement qualifiés a explosé.

TVA Nouvelles
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La «composition de la classe», au cœur des revendications

Les syndicats d’enseignants répètent depuis des semaines qu’ils veulent alléger «la composition de la classe». L’expression fait référence au nombre d’élèves en difficulté dans les groupes qui a «explosé» au fil des ans, indique Mélanie Rioux, qui enseigne au primaire depuis plus de 20 ans. 

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«D’année en année, on m’a promis une cavalerie qui n’est jamais venue. Lorsque nos conditions d’enseignement ne nous permettent plus de faire cheminer adéquatement nos élèves, c’est tout le sens de notre travail qui prend le bord», dit-elle. La FAE réclame notamment l’ouverture de classes spécialisées pour les élèves à besoins particuliers et allophones. Québec rétorque qu’en raison de la pénurie, il est impossible d’ouvrir de nouvelles classes ou de baisser le nombre d’élèves par groupe.

Québec dit proposer des «solutions concrètes»

Aux profs qui crient à l’aide, Québec rétorque avoir mis au jeu des «solutions concrètes» pour alléger leur quotidien, comme l’ajout de 4000 «aides à la classe» dans 15 000 groupes du primaire, des éducatrices qui viendront prêter main-forte à l’enseignant à raison de 10 à 15 heures par semaine. Au secondaire, Québec propose une solution à plus petite échelle, des projets-pilotes pour diminuer la charge de travail, une proposition qui est loin d’être suffisante aux yeux des syndicats.

Le gouvernement réclame par ailleurs davantage de flexibilité pour contrer la pénurie, en voulant augmenter la mobilité du personnel scolaire sur une base volontaire. 

Une hausse de salaire aussi réclamée

Les enseignants réclament un rattrapage salarial permettant de rejoindre la moyenne canadienne, ce qui n’est toujours pas le cas malgré les augmentations plus substantielles accordées aux jeunes profs et à ceux en fin de carrière lors de la dernière convention collective. Pour les enseignants au milieu de l’échelle salariale, l’écart se situe toujours à près de 20%, selon la FAE, qui réclame aussi une hausse de 4% par année pour la durée de l’entente pour couvrir l’inflation. 

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De son côté, le gouvernement Legault offre à tous les employés une augmentation de base de 10,3% sur cinq ans et un montant forfaitaire de 1000$ la première année, de même que d'autres primes qui varient selon les secteurs. Québec insiste par ailleurs sur la capacité de payer du gouvernement: chaque augmentation de 1% pour tous les employés du secteur public représente 600 millions de dollars supplémentaires dans les poches des contribuables, selon le Conseil du trésor.

Des apprentissages sur pause

Les parents ne doivent pas s’attendre à ce que les enseignants envoient du travail à faire à la maison pendant les jours de grève, mais des profs pourraient remettre un plan de travail à leurs élèves lors de leur dernière journée en classe.

De son côté, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, n’écarte pas la possibilité de prolonger le calendrier scolaire si la grève se prolonge.

À ceux qui déplorent les impacts de la grève sur les élèves, l’enseignante Marisa Thibault rétorque que «c’est le gouvernement, et non les profs, qui prend les élèves en otage» depuis des années, en ne leur donnant pas les services auxquels ils ont droit. 

Le recours à une loi spéciale plus difficile qu’avant

Québec pourrait éventuellement forcer le retour en classe des enseignants par l’adoption d’une loi spéciale. Mais deux jugements récents de la Cour suprême rendent plus difficile qu’avant le recours à une telle disposition, indique Louis-Philippe Lampron, professeur de droit à l’Université Laval.

Le droit de grève est maintenant reconnu comme un droit constitutionnel. Avant d’y mettre fin, l’État employeur doit d’abord faire la démonstration qu’il a négocié de bonne foi et que la loi spéciale est nécessaire afin de ramener la paix sociale. À la fin octobre, le premier ministre François Legault avait affirmé que cette avenue n’était pas envisagée pour l’instant. 

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