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L'article provient de Le Journal de Montréal
Justice et faits divers

Témoignage d’un survivant troublé par l’attaque au camion-bélier d’Amqui: «Il m’a souri»

Jean-Eudes Fournier, qui a tout juste évité la camionnette, affirme que Steeve Gagnon lui a fait un sourire avant de frapper son ami Gérald Charest

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Photo portrait de Pierre-Paul Biron

Pierre-Paul Biron

2025-05-23T19:58:40Z
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Jean-Eudes Fournier n’en peut plus des images qui le hantent depuis le 13 mars 2023. Son ami Gérald qui vole après avoir été happé de dos. Le sang qui coule des oreilles de la victime. Mais aussi le sourire troublant que lui a fait Steeve Gagnon quand il a réussi à déjouer la mort en évitant de peu la camionnette de l’accusé.

Photo Stevens LeBlanc
Photo Stevens LeBlanc

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«Je l’ai vu. Il a fait un sourire et il a foncé sur Gérald. Le gars qui conduisait m’a souri», assure Jean-Eudes Fournier en racontant cette image à glacer le sang.

«Il regardait dans ma direction.»

L’homme de 78 ans estime avoir eu la vie sauve grâce à celle qu’il appelle encore «sa blonde» après plus de 50 ans de mariage et grâce à ses appareils auditifs.

Micheline Poirier a crié et l’a tout juste tassé quand la camionnette de Steeve Gagnon montait sur le trottoir. 

Jean-Eudes Fournier et Micheline Poirier ont échappé à la mort de peu lors du drame d’Amqui. «Le Journal» les avait rencontrés quelques jours après les événements, le 16 mars 2023. CRÉDIT: Pierre-Paul Biron, Journal de Québec
Jean-Eudes Fournier et Micheline Poirier ont échappé à la mort de peu lors du drame d’Amqui. «Le Journal» les avait rencontrés quelques jours après les événements, le 16 mars 2023. CRÉDIT: Pierre-Paul Biron, Journal de Québec Photo Pierre-Paul Biron

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«J’ai vu sa face qui riait et il est allé tuer Gérald», a raconté la femme. En contre-interrogatoire, confrontée à ses déclarations antérieures par Me Hugo Caissy, elle a toutefois admis que ses discussions avec son mari avaient pu teinter ses souvenirs de cet aspect précis.

Happé de dos

Ce Gérald dont parle le couple, c’est leur bon ami Gérald Charest, qui, lui, a eu moins de chance.

Les trois retraités venaient de discuter une dizaine de minutes sur le trottoir. M. Fournier s’est rappelé vendredi comment le 13 mars 2023 était une belle journée de printemps. Une des plus belles journées qu’il a vues aussi tôt au printemps.

«Gérald disait: “Mon Dieu que c’est beau cette journée-là.” Trente secondes après, il était mort.»

L’homme de 65 ans avait repris sa route vers l’ouest et était donc «dos au trafic».

Simon-Guillaume Bourget, Jean Lafrenière et Gérald Charest. Les trois hommes ont perdu la vie lors de l’attaque au camion-bélier d’Amqui, survenue le 13 mars 2023. L’auteur de l’attaque, Steeve Gagnon, a été accusé de trois chefs de meurtre prémédité, en plus de deux chefs de tentatives de meurtre multiples sur neuf autres personnes. Crédit: Photos tirées des avis de décès des victimes
Simon-Guillaume Bourget, Jean Lafrenière et Gérald Charest. Les trois hommes ont perdu la vie lors de l’attaque au camion-bélier d’Amqui, survenue le 13 mars 2023. L’auteur de l’attaque, Steeve Gagnon, a été accusé de trois chefs de meurtre prémédité, en plus de deux chefs de tentatives de meurtre multiples sur neuf autres personnes. Crédit: Photos tirées des avis de décès des victimes Photos tirées des avis de décès des victimes

Jean-Eudes Fournier a bien tenté de crier son nom, mais il était trop tard. Le pare-chocs de la camionnette l’a frappé de plein fouet, le projetant en l’air.

Mme Poirier, infirmière retraitée, s’est portée au secours de la victime, mais il n’y avait déjà plus rien à faire.

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Vendredi, Jean-Eudes Fournier a peiné à compléter son témoignage. Parce que tout de cette journée le hante encore. Les images, les sons; il souhaiterait pouvoir se débarrasser de ce poids qu’il porte.

«C’est des images que je ne veux plus voir [...]. J’espère que c’est la dernière fois que je vois ça. Je vous le raconte, mais je ne veux plus avoir à le raconter à personne après», a confié avec émotion au jury le septuagénaire.

95% des policiers mobilisés

La sergente responsable du poste de la Sûreté du Québec d’Amqui le jour de la tragédie a aussi pris la barre vendredi. Marie-Élise Giard a témoigné du chaos que représentait un tel événement dans une petite municipalité de 6000 habitants.

Pour preuve, la sergente a «fait rentrer» 95% des effectifs de son poste dans les heures suivant le drame pour gérer les différents aspects.

L'identité judiciaire sur la scène du drame.
L'identité judiciaire sur la scène du drame. Photo Stevens LeBlanc

«On est 25 patrouilleurs au poste d’Amqui et on devait être au moins 20 à 23 qui ont été capables de rentrer pour donner du soutien là-dedans», a expliqué Mme Giard.

C’est elle qui a procédé à l’arrestation de Gagnon après avoir constaté les dommages sur sa camionnette dans le stationnement du poste. L’homme était «très calme», «sans émotion», comme l’ont déjà décrit d’autres témoins.

Steeve Gagnon fait face à trois chefs d’accusation de meurtre prémédité pour la mort de Gérald Charest, Jean Lafrenière et Simon-Guillaume Bourget. Il fait aussi face à deux chefs de tentative de meurtre sur un total de neuf autres personnes, soit six qui ont été happées et trois qui l’ont échappé belle.

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Un drame qui s’est joué en quelques minutes

De nouvelles images de Steeve Gagnon montrent que le drame d’Amqui s’est joué en quelques minutes à peine.

Sur des images de caméras de surveillance, l’accusé est vu en train de prendre place au volant de sa camionnette à 14h52, tandis que son arrestation au poste de la SQ est survenue à peine 35 minutes plus tard.

Plusieurs caméras ont permis aux policiers de faire l’itinéraire de Steeve Gagnon, qui quitte son domicile de la rue Desbiens et embarque dans sa camionnette à 14h52. Il emprunte ensuite le boulevard Saint-Benoît après avoir attendu au feu rouge en dérapant et en faisant crier ses pneus.

Dans une cour d’école

Dans les minutes suivantes, la camionnette qui serait celle de Gagnon est aperçue dans la cour de l’école secondaire d’Amqui. Personne ne se trouvait heureusement sur les lieux puisqu’il s’agissait alors d’une journée pédagogique.

L’impact avec les premières victimes survient environ 800 mètres plus loin, à 15h03 selon une caméra installée dans une passerelle piétonnière placée près boulevard Saint-Benoît, la seule qui a capté une image d’impact avec des victimes.

Capture d’écran d’une vidéo de caméra de surveillance déposée en preuve montrant Steeve Gagnon embarquer dans sa camionnette dans les minutes précédant l’attaque du 13 mars 2023, à Amqui. Crédit : Preuve déposée au tribunal.
Capture d’écran d’une vidéo de caméra de surveillance déposée en preuve montrant Steeve Gagnon embarquer dans sa camionnette dans les minutes précédant l’attaque du 13 mars 2023, à Amqui. Crédit : Preuve déposée au tribunal. Preuve déposée au tribunal

Selon des témoins, Steeve Gagnon aurait ensuite rebroussé chemin après avoir fauché un total de neuf personnes. Une caméra de station-service le montre effectivement revenir à la première intersection où il avait été aperçu à 15h05.

Les images du garage d’ambulances Paraxion, voisin de la Sûreté du Québec, montrent ensuite Gagnon entrer calmement au poste à 15h07, soit quelques minutes à peine après avoir causé la mort de trois personnes.

• À lire aussi: Attaque au camion-bélier à Amqui: Steeve Gagnon s’est livré «tout bonnement», «comme si tout était normal»

L’accusé s’est livré aux policiers alors que le téléphone ne dérougissait plus d’appels de citoyens, a témoigné vendredi la sergente Marie-Élise Giard, qui était responsable du poste ce jour-là.

C’est elle qui a lu les droits de Gagnon, à 15h27, avant de le placer en cellule à 15h32, trente minutes à peine après qu’il eut fait monter son pick-up sur le trottoir bordant la route 132.

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