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L'article provient de TVA Nouvelles
Affaires

Livre sur l’endettement: la maladie du crédit touche une majorité de Québécois

Ça fait 25 ans qu’Isabelle Thibeault aide les gens à se sortir des dettes. C’est moins souvent de leur faute qu’on le pense, plaide-t-elle.
Ça fait 25 ans qu’Isabelle Thibeault aide les gens à se sortir des dettes. C’est moins souvent de leur faute qu’on le pense, plaide-t-elle. Photo BEN PELOSSE
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Julien McEvoy

2024-09-21T04:00:00Z
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Un vieil ennemi ronge les habitants du royaume de la consommation. Le crédit est en train de nous rendre malade, dénoncent deux auteurs, et il est même devenu le moteur de l’économie.

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«Ceux qui s’endettent, on dit que c’est de leur faute, mais le crédit est offert partout, tout le temps, car sans crédit, pas de croissance», observe Isabelle Thibeault, une anthropologue de la consommation qui aide les gens endettés à s’en sortir depuis 25 ans.

Cette conseillère budgétaire dans une ACEF vient d’écrire un livre, C’en est fait de notre société de consommation!, avec Jacques Nantel, vieux loup du marketing. Leur essai arrive en libraire le 24 septembre.

Après 50 ans de métier, c’est comme si ce professeur émérite à HEC Montréal ne croyait plus à la magie de sa propre science.

Fini, dit-il, le temps où chaque famille possédait tous les bidules. Ça n’a aucun sens, autant pour la planète que pour notre portefeuille, de tout acheter, la tondeuse, les deux voitures, alouette.

L’exemple qu’il aime donner est celui des piscines privées, plus nombreuses par personne au Québec qu’en Floride ou en Californie. Ça coûte une fortune, on ne les utilise que 12 fois par année et la qualité de l’eau est meilleure à la piscine publique.

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«On va se planter si on continue comme ça», lance-t-il. Expert dans l’art de faire consommer, il a contribué à bâtir la société, mais il voit aujourd’hui les Québécois s’endetter au profit d’un système malade qui les place sur la corde raide.

Consommer pour exister 

Sur ce point, les deux auteurs sont d’accord. Sur un paquet d’autres, ils se chamaillent pendant 152 pages sur ton amical, parfois rigolo.

Isabelle Thibeault, qui en a vu de toutes les couleurs dans son bureau en 25 ans de métier, est bien placée pour constater l’ampleur du désastre.

«Les gens ont tellement honte de leurs problèmes financiers, leur estime est trop liée à ça, faut que ça arrête», implore-t-elle.

Ce livre vise à renverser la tendance. Les gens sont bien plus beaux qu’ils ne le pensent, répète-t-elle comme un mantra, ils ne sont pas leur argent, ils ne sont pas leur réussite financière.

«T’arrives pas, pis c’est pas parce que t’es épaisse», lance-t-elle comme message à tous. On se croit responsable de ce qui accroît notre endettement, écrit-elle à la page 117, «alors qu’en réalité [on y est] pour très peu de choses».

La société de consommation joue avec des concepts aussi fondamentaux que le sentiment d’appartenance, ce qui transforme la liberté, la communauté et le bonheur en produits consommables.

Tout le monde veut faire partie de la gang, explique la spécialiste de notre rapport à l’argent. On veut tous être inclus, on veut exister.

«Pourquoi tout le monde est en voyage dans le Sud sauf moi?», se demande-t-on lors d’un défilement morbide sur Instagram, un soir de février.

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C’est là qu’on craque, qu’on décide d’y aller, nous aussi. On fait ça à crédit, puis on paye le prix.

Plus de six Québécois sur dix dépensent plus qu’ils ne gagnent. Ils s’endettent, font rouler l’économie, puis l’élastique pète, ils se réveillent un matin sans comprendre ce qui s’est passé.

«Même ceux qui semblent tout avoir continuent de vivre insatisfaits et continuent de chercher comment se remplir», écrit-elle à la page 119, au sujet des médecins et des avocats qui la consultent.

Faire rouler l’économie 

Que l’on soit riche ou pauvre, nos patterns de consommation sont identiques, écrit Jacques Nantel. L’explication est «simple et cruelle»: le marketing s’adapte selon le segment, on vend Dollarama aux pauvres et Simons aux riches.

Capture d’écran tirée du livre à la page 58
Capture d’écran tirée du livre à la page 58

Tout le monde s’endette pour suivre la parade. C’est ainsi que les consommateurs génèrent près de 60% du PIB au Canada, contre 30% il n’y a pas si longtemps.

Notre société, écrit Isabelle Thibeault, «a besoin des pauvres et de ceux-qui-ont-une-consommation-irresponsable pour pouvoir croître».

La croissance du PIB ne serait pas la même si les consommateurs achetaient tous des réfrigérateurs à 3000$ tous les dix ans plutôt que des réfrigérateurs à 800$ tous les deux ans.

«Si, demain, chaque consommateur se disciplinait au point de ne pas avoir à utiliser le crédit à la consommation et à n’acheter que ce qu’il serait «raisonnable» de se payer, les profits des banques, tout comme le PIB, chuteraient», plaide-t-elle.

Est-on prêt à essayer? C’est ce que demandent les deux auteurs.

C’en est fait de notre société de consommation!
Jacques Nantel et Isabelle Thibeault
Éditions Somme Toute
152 pages
Parution: 24 septembre

Photo fournie par LES ÉDITIONS SOMME TOUTE
Photo fournie par LES ÉDITIONS SOMME TOUTE

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